La revue Molcer (Mouvement ouvrier, luttes de classes et révolutions) continue sa belle aventure avec un nouveau numéro consacré aux origines du mouvement ouvrier en France.
Fondée en 2020 et dirigée par Jean-Numa Ducange, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Rouen, cette revue d’histoire semestrielle a l’ambition de défendre une histoire du mouvement ouvrier « depuis Spartacus » jusqu’aux « quatre Internationales » et « sur les cinq continents » dans la lignée des Cahiers du mouvement ouvrier dirigés par Jean-Jacques Marie dont la parution papier a cessé depuis 2020.
Pluraliste, la revue n’est rattachée à aucun regroupement politique et les membres de son comité de rédaction peuvent avoir des engagements politiques variés, même si un certain nombre d’entre eux, anciens de la rédaction des Cahiers du mouvement ouvrier, sont engagés au Parti des Travailleurs (ex POID).
Sans se définir comme une revue trotskiste, Molcer revendique faire une histoire destinée au public le plus large, « une histoire honnête, purgée des falsifications accumulées des décennies durant ».
Dans le viseur de la revue, les falsifications de l’historiographie bourgeoise, mais aussi stalinienne :
« Minorée ou calomniée par l’historiographie bourgeoise, l’histoire du mouvement ouvrier a été particulièrement marquée au XXe siècle par les monstrueuses falsifications staliniennes. Elles furent le prélude à l’extermination physique de courants entiers du mouvement ouvrier – parmi lesquels des communistes de différentes tendances et notamment les partisans de Trotsky et de la IVe Internationale, mais aussi des socialistes et des anarchistes. Une des tâches de notre revue sera de rétablir la vérité historique sur les victimes de ces falsifications ».
Après de précédents dossiers consacrés à Engels, à Rosa Luxemburg, à Marx en France, à Lénine ou encore au mouvement ouvrier américain, la nouvelle livraison de la revue se penche pour son neuvième numéro sur les origines du mouvement ouvrier en France.
Jean Jaurès, Jules Guesde et Edouard Vaillant sont au cœur du dossier, coordonné par Jean-Numa Ducange, auteur d’une récente biographie de Jean Jaurès, parue chez Perrin.
Après avoir tracé les portraits de Jaurès, Guesde et Vaillant, Jean-Numa Ducange s’intéresse au rapport de Jaurès et d’Edouard Vaillant à la question coloniale.
Julien Chuzeville, spécialiste des courants socialistes et communistes en France sous la IIIe République et auteur d’une biographie de Fernand Loriot, mais aussi d’un ouvrage sur la naissance du PCF, se demande « Comment l’évolution révolutionnaire vint à Jaurès ». Jérémie Daire revient sur le célèbre débat du 26 novembre 1900 à l’hippodrome de Lille, opposant Guesde à Jaurès sur « les deux méthodes » et David Noël aborde la question du guesdisme dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Stéphane Pirouelle s’intéresse au mouvement ouvrier et à la laïcisation de l’Etat de 1860 à 1914. Plus loin, Dominique Ferré revient sur quelques débats du mouvement ouvrier à l’époque de Jaurès et Guesde, notamment autour des questions de la grève, de la grève générale et des rapports parti-syndicat.
Enfin, pour clore ce dossier, Emmanuel Brandely consacre un article au mouvement socialiste français face à la guerre.
En dehors du dossier, les articles varia témoignent de la diversité des préoccupations des auteurs de la revue : Hervé Chuberre s’intéresse ainsi à la révolte des bonnets rouges de 1675, le dernier grand soulèvement antifiscal et antiféodal avant la Révolution française.
Rémy Janneau et Michel Lefebvre s’entretiennent avec Emmanuel Brandely à l’occasion de la sortie de son livre « Les historiens contre la Commune » paru en avril 2024 aux éditions les nuits rouges.
Jean-Pierre Plisson revient sur le centenaire du Manifeste du surréalisme et à sa « célébration » au centre Georges Pompidou tandis que Nikos Papadatos s’intéresse aux « formes d’opposition de gauche au parti communiste de Grèce (1920-1931) ».
On lira aussi avec intérêt l’article de Jean-Guillaume Lanuque sur « Les trotskystes français et la guerre d’Indochine (1946-1954) » et celui de Marion Labeÿ sur « Victor Fay et le mouvement ouvrier français ». Docteure en histoire contemporaine, Marion Labeÿ a récemment consacré un livre à l’itinéraire de ce marxiste hétérodoxe né en 1903 à Varsovie, devenu responsable de la formation des cadres et organisateur des écoles nationales du PCF au début des années trente avant de quitter le PCF avec les autres membres du groupe « Que faire ? » en 1936. Résistant, militant de la SFIO, du PSA puis du PSU dont il fut un des fondateurs avant de rejoindre le Parti socialiste, Victor Fay se revendiquait encore, au soir de sa vie, fidèle « aux conceptions du parti de Rosa Luxembourg plus souples et plus ouvertes, tout en restant fidèle à Lénine en ce qui concerne les problèmes national et paysan ».
Ce neuvième numéro de la revue Molcer s’achève avec quelques comptes-rendus de lecture. Rémy Janneau a lu le quatrième et dernier tome des mémoires de Wilhelm Gengenbach (1914-2002), jeune ouvrier allemand, arrêté et torturé par les nazis, réfugié en France, militant du KPD en exil, résistant pendant la guerre, naturalisé en 1946 qui finira par rejoindre le PCF. Roger Revuz nous présente quant à lui le Lénine de Nina Gourfinkel réédité aux éditions Agone.
On peut s’abonner à la revue Molcer ou commander des anciens numéros sur le site https://molcer.fr/
David NOEL