« On ne travaille pas assez », Nicolas Sarkozy le 8 novembre 2024

Maintenant que l’ancien gouvernement est pointé du doigt pour dérapages dans les finances publiques, avec comme symbole un Bruno Le Maire ex-ministre de l’Economie exilé en Suisse, certains hommes de droite, dont l’ancien président Nicolas Sarkozy, semblent venir à la rescousse et en profitent pour, non pas relever les sommes colossales dont a pu profiter la classe dirigeante avec un gouvernement à sa solde, mais pour oser prétendre que l’état français ne peut plus assumer certaines dépenses publiques et qu’il faudrait donc faire des économies.
Le 8 novembre 2024, l’ancien président Sarkozy était invité à Saint-Raphaël dans le Var pour une conférence dont le thème était ” les rencontres de l’avenir “. L’organisateur de ces rencontres, l’économiste et chroniqueur pour différents journaux, chaînes de télévision et radios Nicolas Bouzou, l’a accueilli en des termes on ne peut plus élogieux : « Quel plaisir, au nom de toutes les personnes présentes dans la salle, quelle joie à titre personnel, je me permets de vous le dire, on a tellement besoin aujourd’hui de votre hauteur de vue, de votre profondeur, de votre analyse, que vraiment ce moment très privilégié qu’on a le bonheur de partager avec vous, je vous en remercie du fond du cœur, vraiment ».

Nicolas Bouzou a oublié d’annoncer que cette haute intelligence Sarkozy a été condamnée à trois ans de prison dont un an ferme à domicile avec bracelet électronique dans l’affaire des écoutes téléphoniques pour corruption et trafic d’influence, dont la corruption d’un magistrat de la Cour de cassation. Nicolas Bouzou a également omis de dire que Sarkozy a été condamné à un an de prison dont six mois fermes pour le financement illégal de sa campagne électorale et la fameuse affaire Pygmalion, agence de communication créée par deux proches de Jean-François Copé, alors président de l’UMP, parti qui a porté Sarkozy au pouvoir. Nicolas Bouzou a évidemment évité de parler du fait que Sarkozy est le principal accusé et mis en examen pour association de malfaiteurs dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi, avec un versement de 50 millions d’euros de la part de la Libye pour la campagne de Sarkozy et les soupçons d’assassinat de personnes liées à ce détournement de fonds, dont peut-être Kadhafi lui-même.
Dans les coupes qu’il faudrait faire dans les dépenses publiques, Sarkozy a particulièrement visé l’Education Nationale, et en particulier les professeurs des écoles. Il a déclaré, au sujet de leur temps de travail : « C’est 24 h par semaine (…) six mois de l’année. Alors je sais bien il faut préparer les cours, maternelle grande section » sur un ton ironique et méprisant, déclenchant des rires dans la salle, et ajoutant finalement : « il faut dire la vérité maintenant : nous n’avons pas les moyens d’avoir un million d’enseignants. ».

Dans une période où plus de la moitié des collèges et des lycées est en manque d’enseignants, où des élèves n’ont pas leurs professeurs parfois pendant toute l’année scolaire, où de plus en plus d’élèves du primaire rencontrent des difficultés scolaires, ce sont des propos qui expriment le dédain d’une classe dirigeante quant à l’éducation et sa nécessité vitale pour construire une société consciente.
Alors si Sarkozy est si soucieux de ce que chacun coûte à la collectivité, osons une comparaison : la rémunération d’un professeur des écoles se situe entre 2000 euros brut mensuel en début de carrière et 3300 euros brut mensuel en fin de carrière, pour un temps de travail de 43 heures en moyenne par semaine (note d’information de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, octobre 2022). Et combien coûte Sarkozy à la collectivité, lui qui n’est plus président ? Car il faut savoir que pendant les cinq années qui suivent la cessation de l’activité d’un président, il est mis à leur disposition sept collaborateurs permanents : un directeur de cabinet, trois collaborateurs et deux agents de service. Et au-delà de ces cinq années, il est mis à leur disposition trois collaborateurs permanents : un directeur de cabinet, un collaborateur et un agent de service, ainsi que des locaux meublés et équipés dont le loyer et les frais généraux sont pris en charge par l’Etat. Sans parler des frais de réception et des frais de déplacement. Les frais de sécurité sont pris en charge par le ministère de l’Intérieur. Le journal Le Figaro nous annonçait le 11 octobre 2024 que les dépenses additionnées de Matignon et du ministère de l’Intérieur atteignaient en 2022 1 500 031 euros pour Sarkozy et 1 431 360 euros pour Hollande. Combien de professeurs des écoles pourrions-nous rémunérer si un personnage aussi méprisant -voire méprisable- que Sarkozy voyait son train de vie diminué ?

Déjà le Sénat, très à droite, avait suggéré de supprimer un jour férié (aux travailleurs, pas aux actionnaires), ce qui permettrait de rapporter 2,4 milliards de recettes supplémentaires, voire 3,3 milliards en augmentant symétriquement (sic !) la contribution des retraités. Jean-François Copé avait alors sauté sur l’occasion pour proposer de supprimer le 11 novembre, jour de l’armistice. Le 11 novembre 2024, sur France Inter, il a en effet déclaré, sans honte aucune : « Il y a mille manières de commémorer, sans pour autant ne pas travailler, ou alors ça veut dire que nous avons 65 millions de français qui sont aux pieds des monuments le 11 novembre ! Ça se saurait. ». Quelle façon de raisonner ! Quelle commémoration réunit 65 millions de français ? Faudrait-il toutes les supprimer ? Et quelle façon de traiter le souvenir de plus d’un million d’hommes morts dans cette affreuse boucherie ?
La suppression d’un jour férié semble être un cheval de bataille du journal Le Figaro (8 novembre 2024). Bien entendu, c’est d’après eux « pour sauver notre modèle social ». En même temps, il faut « arrêter de ponctionner la France qui travaille. » car « c’est chez nous qu’il y a le plus de gens inactifs, notamment grâce à un système social très (trop) généreux. ». Ce journal, détenu par la famille Dassault dont la fortune est estimée à 32 milliards d’euros, a reçu, en 2023, 10 592 277 euros d’aides publiques ; le journal qui reçoit le plus d’aides publiques, avec 12 372 464 euros, étant le journal Aujourd’hui en France, propriété d’un des hommes les plus riches du monde Bernard Arnault, dont la fortune est estimée à 203 milliards.

Le groupe Dassault a bénéficié depuis des dizaines d’années de milliards d’euros d’argent public et, en parallèle, la famille Dassault a accumulé une petite fortune qui se compte en…milliards. En effet, on pourrait citer comme exemple l’avion de chasse Rafale qui revient très cher à l’Etat français, mais constitue une mine d’or pour la famille Dassault.
Mais pourquoi ces journaux, qui profitent par millions d’aides de l’Etat, appartenant à des groupes qui touchent des milliards d’euros d’aides de l’Etat, s’en prennent-ils à travers leurs éditorialistes grassement payés à nos jours fériés, à nos écoles, à nos hôpitaux…etc en prétextant que ce sont des « charges qui nous plombent » ?
C’est que la classe dirigeante, véritable assistée, nous montre ainsi qu’elle n’a pas oublié la lutte des classes !

Eric JOUEN

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