Ces dernières années, les centres de santé fleurissent un peu partout dans les petites et grandes villes. Reconnus officiellement par la loi Bachelot de 2009 comme étant une composante à part entière du système de santé, ils sont censés lutter contre les déserts médicaux et fluidifier l’accès aux soins. Les centres dentaires ou ophtalmologiques emploient en effet un plus grand nombre de praticien-nes que les cabinets libéraux. Et certains centres de santé pluridisciplinaires sont situés dans des gares SNCF. Ces innovations ont certes été une aubaine pour des patient-es trouvant difficilement des créneaux autrement. Mais l’insuffisance des moyens de contrôle dont dispose la Sécu est à l’origine d’une multiplication des fraudes de la part de certain-es gestionnaires peu scrupuleux-ses, venant s’ajouter aux fraudes dont se rendent déjà responsables certains cabinets libéraux et d’auxiliaires de santé.. Sous des dehors parfois mutualistes, leur gestion motivée par le profit les incite davantage à penser à la santé de leurs finances qu’à celle de leurs patient-es.
Si les centres de santé plongent leurs racines jusqu’au XVIIe siècle en France, leur forme moderne trouve son origine dans le monde caritatif bourgeois d’un côté et le mouvement ouvrier de l’autre. Ils portent majoritairement des valeurs de facilité d’accès aux soins pour toutes et tous.
La loi Bachelot de 2009 les a inclus de manière officielle dans la continuité des soins entre l’hôpital majoritairement public et la médecine de ville. Sur le papier, cela devait permettre aux cliniques mutualistes de créer des centres de santé dans les zones rurales autour de leurs villes d’implantation. Rassemblant de multiples spécialités, ces centres étaient censés lutter contre la désertification médicale. Cette stratégie, donnant la preuve de la naïveté ou de l’hypocrisie du gouvernement de l’époque, ne s’est pas avérée payante puisqu’une majorité de centres de santé se sont créés dans les grandes villes.
En 2017, dans une tentative de rendre systématique le tiers-payant sur la part Sécu des soins, la ministre de l’époque, Marisol Touraine s’est engagée à réduire les temps de traitement des remboursements aux professionnel-les de santé. Cet engagement a été tenu, mais cependant le tiers-payant généralisé a été abandonné notamment à cause de la résistance des syndicats de médecins libéraux.
Cette obligation faite à la Sécu de payer dans un temps restreint les honoraires médicaux et paramédicaux a amoindri le temps que ses agent-es pouvaient consacrer à la lutte contre les fraudes. Avec comme résultat l’ouverture d’une brèche dans laquelle se sont engouffrées les franges les moins scrupuleuses des centres de santé mais aussi du reste du secteur médical et paramédical.
En mars 2022, et devant l’ampleur des fraudes et l’émoi public provoqué par différents scandales, le gouvernement a mis en place une procédure permettant de déconventionner des centres avant toute décision judiciaire si les preuves contre eux sont accablantes. Dans la même loi votée ce mois-là, les centres ophtalmologiques et dentaires se sont vu réimposer la nécessité d’une autorisation d’installation par l’ARS alors que celle-ci avait été supprimée les années précédentes.
L’édifiant documentaire que l’émission “Complément d’enquête” a diffusé sur France 2 le 14 mars dernier (et disponible une année après sa diffusion sur le site de la chaîne) a montré l’étendue des dégâts occasionnés par de tels escrocs. Mais si la Sécu agit avec un réel volontarisme contre la fraude, elle ne fait en réalité que courir après les escrocs. Cependant, un danger plus grand plane sur le système des centres de santé : cette manne financière a aiguisé les appétits capitalistes qui ont entrepris un lobbying intense auprès des pouvoirs publics pour leur permettre de fonctionner ouvertement pour le profit. C’est ainsi qu’en 2018, il est devenu possible aux gestionnaires à but lucratif d’ouvrir des centres de santé, mais sans (encore) pouvoir distribuer des dividendes. Ça pourrait constituer une porte d’entrée pour la financiarisation des soins médicaux de premier recours, comme cela se fait actuellement avec les Ehpad privés.
En tant que communistes, nous pouvons affirmer que les centres de santé ont un grand potentiel. Ils pourraient permettre une régulation publique de la répartition des médecins et un aménagement du territoire incluant des services de santé de proximité. En faisant des médecins des agent-es du service public, et en finançant leurs activités via une enveloppe globale et non plus à l’acte, la fraude deviendrait marginale. Et surtout cela pourrait permettre d’améliorer les conditions de travail des professionnel-les de santé et la qualité des soins.
Rafik B, PCF Saint-Denis