Comme chaque année nous assistons à la blague de la COP avec son lot de déclarations qui n’ont aucune influence sur l’évolution du climat. Comme chaque année, les dirigeants du monde entier tentent de nous faire croire que cette conférence est le lieu privilégié pour décider du sort de la planète. On pourrait presque en rire s’il ne s’agissait pas d’une question de vie ou de mort pour une partie importante de l’humanité. Mais cette COP28 est particulièrement amère tant la blague est de mauvais goût. Il était presque évident aux yeux de tous que ces conférences se sont transformées en une entreprise de greenwashing ne débouchant sur aucune mesure décisive. Mais cette année, la mascarade est poussée à son paroxysme. Non seulement les Émirats Arabes Unis, une pétromonarchie qui a bâti son économie et sa richesse sur le pétrole et le gaz, accueillent la conférence, mais en plus elle est présidée par Sultan al-Jaber, le PDG de Abu-Dhabi National Oil Company. Le problème du réchauffement climatique est en fait celui de la consommation d’énergie fossile (pétrole, gaz et charbon). Veut-on vraiment s’atteler au problème ou cherche-t-on plutôt à le faire croire ?
L’année 2023 en cours a déjà été marquée par l’intensification de phénomènes climatiques extrêmes : feux, tempêtes, records de température mondiale, etc. Depuis 1995, date à laquelle eut lieu la première conférence (la COP1), les émissions de gaz à effet de serre (GES) n’ont jamais diminué significativement. La température moyenne mondiale est en constante augmentation.
Figure 1 : évolution de la température moyenne mondiale (source : Climate central)
Nous sommes aujourd’hui à presque +1,3°C par rapport à la période préindustrielle. Ce qui représente une évolution extrêmement rapide et qui s’accélère avec le temps. L’accord de Paris signé en 2015 s’était donné pour objectif de limiter à 2°C d’ici 2100 l’élévation de température avec une ambition à 1,5°C. Il faut savoir que 2°C d’élévation moyenne implique des changements draconiens et absolument irréversibles à l’échelle humaine : augmentation conséquente des phénomènes climatiques extrêmes, désertification accrue de larges zones de la planète, diminution importante des rendements agricoles, variation catastrophique du niveau des océans, etc. Or selon un article paru dans Nature climate change, si les émissions de GES continuent au rythme actuel, nous atteindrons 1,5°C d’ici 6 ans.
Nous savons que 90% des émissions de C02 (l’un des principaux gaz à effet de serre), viennent de la combustion des énergies fossiles essentiellement issue du transport et de la production d’électricité. Or selon un rapport de l’ONU, il est estimé que d’ici 2030 les pays vont produire 2 fois plus de combustibles fossiles qu’il ne faudrait pour contenir le réchauffement climatique. Pour tenir les limites fixées par l’accord de Paris, il faudrait réduire les nouvelles émissions de GES de 5 % à 7 % par an. Il se trouve que ce niveau a été atteint en 2020 lors à la crise Covid-19 « grâce » à une récession économique mondiale de 3,1 %. Le développement de notre civilisation repose sur la consommation des énergies fossiles (qui représente 82 % de l’énergie totale consommée). Une autre façon de dire les choses, il ne peut y avoir de croissance économique, gage de stabilité en régime capitaliste, sans combustibles fossiles disponibles. C’est la raison pour laquelle nous en sommes aussi dépendants bien que nous filions tout droit à la catastrophe. La preuve est que la production et la consommation d’énergie fossile n’ont cessé d’augmenter excepté durant la période 2020 liée au ralentissement économique.
Figure 2 : consommation de combustibles fossiles vs croissance économique (sources : BP statistical review 2022 et Databank)
Les COPs peuvent s’enchaîner, elles n’inverseront pas la tendance. Il y a des facteurs bien plus puissants qui empêchent toutes les mesures décisives pour lutter contre le réchauffement climatique. Avec les technologies actuelles, une baisse conséquente de la consommation des combustibles fossiles entraînerait inéluctablement une récession économique importante. Cela affecterait les profits capitalistes mais entraînerait également dans son sillage un chaos social et économique. Les capitalistes ont bien trop à perdre. D’autre part, nous sommes dans un contexte international d’embrasement. Il y a les guerres en Ukraine et à Gaza qui ont des répercussions mondiales pour ne citer que celles-ci. Il y a la rivalité entre les États-Unis et la Chine qui se mènent une guerre économique impitoyable et qui pourrait déboucher sur un conflit militaire. De façon générale, il y a une concurrence économique mondiale accrue avec la multiplication de conflits militaires qui y sont liés d’une manière ou d’une autre avec la constitution de blocs dominés par les États impérialistes les plus puissants. C’est le résultat de l’organisation de la société qui repose sur la propriété capitaliste et la concurrence qui lui est inhérente. Chaque État est contraint de se renforcer économiquement et militairement. Il est alors impensable de mettre en place des mesures qui auraient pour effet de les diminuer sur ces 2 plans. La diminution de la production et la consommation de combustibles fossiles aurait de telles conséquences.
Compte tenu de ce qui vient d’être expliqué, l’industrie des énergies fossiles est le secteur le plus stratégique mais est également économiquement très puissant. En 2022, le montant de leurs profits s’est élevé à plus de 340 milliards de dollars. Les capitalistes de ce secteur possèdent entre leurs mains un pouvoir immense. Ils torpillent tout ce qui pourrait faire obstacle à leurs profits. Il est hors de question pour eux de s’asseoir sur leurs intérêts au nom de la survie de l’humanité.
Ils ont désormais en grande partie phagocyté la conférence onusienne. Les émissaires du pétrole sont surreprésentés. On les retrouve en tant que représentants des entreprises (TotalEnergies, ExxonMobil, Chevron, BP, Shell, Eni), lobbyistes d’associations fondées par des pétroliers (Association française des entreprises pour l’environnement, World Business Council for Sutainable Development, Ipieca, International Trading Association) mais également dans les ONG ou les associations telles que Comité 21, BusinessEurope… Les délégations officielles des États comportent des représentants du capital : PDG de Danone, de Véolia, d’Engie, CMA CGM, un représentant français de la banque américaine JPMorgan Chase qui a accordé plus de 430 milliards de dollars dans les énergies fossiles. Ils sont présents pour s’assurer que rien n’entravera leur business, tout en travaillant une communication marquée de la couleur verte. En définitive les COPs deviennent des salons où se rencontrent industriels et Etats avec des opportunités de signer des contrats. The Guardian a rapporté dans un article, il y a quelques jours que Sultan al-Jaber utilisera la conférence pour nouer des contacts avec des chefs d’entreprise et des responsables politiques, afin de promouvoir les accords pétroliers conclus par sa compagnie avec 15 pays différents. C’est la face cachée de l’iceberg tandis que la face émergée sont les belles déclarations telle la constitution d’un fonds de soutien de 400 millions d’euros pour les pays du sud qui sont les premières victimes du réchauffement climatique mais qui y contribuent le moins. Ce fonds ne pèse strictement rien comparé aux dégâts réels et est ridicule à côté des profits de l’industrie du pétrole.
Il ne faudra rien attendre de la COP28, ni des suivantes. D’une part, dans ce type de conférence, il faut l’unanimité des pays pour avoir un accord et celui-ci n’est en aucun cas une obligation légale, et d’autre part les positions de chaque État sont en fonction des intérêts de leur économie. D’ailleurs, l’accord de Paris n’est que très partiellement respecté. Une conférence sur les actions climatiques devrait se faire sans les principaux responsables de cette dégradation climatique, mais même dans l’hypothèse où ce serait le cas, comment les mesures pourraient-elles s’imposer devant des industries qui contrôlent l’économie ? Les capitalistes détiennent le pouvoir économique et une influence politique certaine par l’intermédiaire de leurs serviteurs, Macron, Biden, Xi Jinping etc. La lutte contre le réchauffement climatique et pour la survie de l’humanité nécessite une réorganisation profonde de la société qui ne peut que se heurter aux intérêts des capitalistes. Cela signifie qu’ils devraient être expropriés et les industries comme celles de l’énergie placées sous contrôle public gérées par les travailleurs. La réorganisation de la société signifie une planification de l’économie basée sur la coopération, la justice sociale et non plus sur la concurrence et l’exploitation. C’est la seule solution pour que la production tienne compte de nouveaux critères. La lutte contre le réchauffement climatique est indissociable de la lutte contre le capitalisme.
Gauthier HORDEL