D’énormes moyens matériels et financiers ont été mis en œuvre pour sauver les cinq occupants du submersible Titan. Le Canada a déployé un Lockheed CP-140 Aurora, doté d’un puissant dispositif de recherche et de surveillance sous-marines. Un avion de transport C-17 de la Royal Air Force et un sous-marin de la Royal Navy sont sur place. Le Canada et les États-Unis ont déployé des avions C-130. En plus des avions chasseurs de sous-marins, l’utilisation de bouées sonars (capables de surveiller l’activité sous-marine jusqu’à près de 4000 mètres de profondeur) et de robots de recherche téléguidés accompagnait un nombre important de navires, dont le Deep Energy, un navire d’installation d’oléoducs et de gazoducs sur les fonds marins, et l’Atlantic Merlin, équipé d’un robot sous-marin, ou encore le John Cabot, capable de construire une imagerie détaillée des fonds marins. Aucun chiffre précis n’a été avancé, mais le coût global de cette vaste opération doit certainement se compter en centaines de millions d’euros.
Tout a été mis en œuvre pour générer un maximum d’émotion autour du sort des passagers du Titan. Un cortège d’experts maritimes, explorateurs, ingénieurs, journalistes, politiciens et commentateurs de toutes sortes ont défilé sur les plateformes médiatiques du monde entier. On décrivait en détail l’intérieur du submersible. Le monde entier devait savoir qui étaient ces personnes en danger de mort. On interviewait leurs proches. Pouvait-on seulement imaginer la situation tragique dans laquelle ils se trouvaient, ou l’angoisse de leurs proches ? Ainsi se façonnait un positionnement moral unanime : tant qu’il y avait le moindre espoir de retrouver ces cinq personnes vivantes, l’opération de sauvetage devait se poursuivre, quoi qu’il en coûte.
Le contraste entre cette mobilisation impressionnante et le traitement du naufrage, quelques jours plus tôt, d’un chalutier en très mauvais état dans lequel environ 700 personnes, dont, selon de nombreux témoignages, une centaine d’enfants, ont trouvé la mort au large des côtes européennes. Prévenus à plusieurs reprises de l’existence de ce bateau massivement surchargé et susceptible de couler, le Frontex et les garde-côtes grecs n’ont rien fait pour empêcher la catastrophe. Des appels à l’aide ont été captés par le dispositif Alarm Phone, qui a immédiatement alerté les garde-côtes grecs, qui ont pourtant estimé que le chalutier n’avait pas besoin d’être secouru. Une enquête de la BBC a clairement démontré que le bateau est resté pratiquement immobile pendant au moins trois heures avant de couler.
Comme certains des passagers du Titan, il semblerait que la majorité des passagers du chalutier venaient du Pakistan. Seulement, ils n’étaient pas, eux, des milliardaires. Il n’y a eu pour ces malheureux aucune mobilisation internationale, aucun effort de sauvetage. Ils ont tout simplement été abandonnés à leur sort, condamné à mort par la cruauté et l’indifférence des gouvernements européens, pour qui les hommes, les femmes et les enfants qui risquent leur vie pour venir en Europe ne valent rien.
La Riposte