Les grévistes de l’usine Foxconn de Zhengzhou, en Chine, en lutte pour une amélioration des salaires et des conditions de travail, ont dû faire face à la violence brutale de la police, qui frappait les grévistes avec des matraques métalliques. La grève, impliquant plus de 3000 employés, a paralysé certaines lignes de production. Les grévistes se sont défendus vaillamment contre les forces de l’ordre, comme en témoignent de nombreuses vidéos, dont la diffusion est désormais interdite en Chine.
Le régime dans l’usine est implacable. Les salariés font l’objet d’un harcèlement permanent de la part de la direction. Chaque équipe de travail doit respecter des cadences infernales et se voit imposer des quotas de production difficilement atteignable, au détriment de leur santé physique et mentale. Des « contrôleurs de qualité » guettent leurs moindres faits et gestes. Des règles très strictes sont imposées pour éviter des empreintes de doigts ou des égratignures sur les smartphones. Les produits jugés non conformes et retirés des chaînes de production sont déduits des quotas, donnant lieu à une perte de salaires. La tension est telle que des conflits violents éclatent périodiquement entre les salariés et les contrôleurs. Il arrive aussi que des agents de la sécurité agressent les employés, ce qui a provoqué une émeute dans une usine à Taiyuan (capitale de la province du Shanxi), quelques semaines avant la grève de Zhengzhou.
Le taux de croissance annuelle de la Chine a été de 6,7% en moyenne au cours des dix dernières années. Cependant, cette performance impressionnante s’est accompagnée de l’installation d’inégalités sociales flagrantes. Tandis que les familles des dirigeants du régime accumulent des fortunes immenses, soit par l’exploitation directe des travailleurs, soit par des opérations spéculatives, la vie devient de plus en plus difficile pour la masse de la population. La réduction importante de la « pauvreté absolue » – constamment mise en avant par les apologues du régime – peut difficilement cacher cette réalité.
Il y a une dégradation progressive des perspectives économiques du pays. Le taux de croissance du PIB chinois était de 14,2% en 2007. En 2018, elle n’était plus que de 6,6%, et après une remontée temporaire en 2021, la croissance du PIB pour 2022 sera sans doute de l’ordre de 3,5%, soit la croissance la plus faible en Chine depuis 50 ans. La monnaie chinoise est en perte de vitesse sur les marchés financiers. Face à la contraction de la demande, à l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt à l’échelle mondiale, ses exportations sont en baisse. Ses importations, qui sont un indicateur du dynamisme de l’économie nationale, n’ont crû que de 0,3% entre septembre 2021 et septembre 2022. La tentative de brider le développement du secteur privé, dans lequel le régime voyait une menace pour sa stabilité, n’a fait qu’accentuer les difficultés économiques et mettre davantage en évidence le rôle prépondérant des investissements capitalistes dans l’économie nationale. En 2018, le secteur privé représentait 60% du PIB de la Chine, 60% des investissements et 90% des créations d’emplois. Le nombre de chômeurs augmente. Le taux de chômage dans les grands centres urbains se situe à environ 5,5%, mais chez les jeunes de 16 à 26, il est à près de 18%.
En parallèle avec la dégradation de la situation économique de la Chine sur le plan intérieur, le conflit avec les États-Unis a considérablement compliqué son expansion mondiale. La Chine est la deuxième puissance économique dans le monde. À 18 000 milliards de dollars en 2021, son PIB constitue 18,4% du PIB mondial, contre 11% en 2012, selon la Banque Mondiale. En occupant une place de plus en plus importante dans l’économie mondiale, la Chine constitue une menace pour les intérêts d’autres puissances mondiales. Son expansion ne peut être qu’au détriment des États-Unis et des puissances européennes. La France, par exemple, a cédé beaucoup de terrain économique et de pouvoir politique en Afrique à d’autres intervenants, dont, et en première place, la Chine. Pour les États-Unis, le besoin de contenir cette expansion est devenu un objectif prioritaire de sa stratégie internationale. D’où la guerre économique contre la Chine mise en place par Donald Trump et maintenue sous Joe Bidon.
Ce conflit a, bien sûr, une dimension militaire importante. Le « pivot stratégique » des États-Unis a effectué un transfert massif de ressources vers l’espace indopacifique. En 2011, Barak Obama a annoncé un changement important dans la stratégie internationale des États-Unis. Ce désengageant progressivement du Moyen-Orient, au moins 50% des forces navales américaines seraient désormais déployées en Asie centrale. Ensemble, la Chine et l’Inde représentent a moitié de la population mondiale et un tiers de son PIB. C’est un enjeu qui vaut beaucoup plus, du point de vue de l’impérialisme américain, que le sort de l’Irak ou de la Syrie. La Chine est effectivement cernée par une longue chaîne de bases militaires américaines, allant du Japon et des Philippines jusqu’à l’Australie et l’océan Indien. Les capacités militaires de la Chine montent en puissance, avec près de 300 navires de combat, mais pour l’heure l’avantage demeure largement du côté des États-Unis, dont la puissance maritime est plus de trois fois supérieure à celle de son adversaire. Cela signifie que les États-Unis pourraient potentiellement couper ou en tout cas sérieusement réduire les routes maritimes d’importation et d’exportation dont la viabilité économique de la Chine est largement dépendante. En conséquence, la marge de manœuvre de la Chine est relativement étroite.
Lors du récent congrès du PCC – orchestrée et étroitement contrôlée par le pouvoir – Xi Jinping et ses acolytes ont malgré tout affiché une confiance et un optimisme inébranlables. Cependant, si le régime est aussi fort qu’il prétend, pourquoi faut-il strictement interdire toute opposition directe de sa politique ? Pourquoi est-il formellement interdit de publier ne serait-ce que des photos des contestations du passé, comme celle de Tiananmen en 1989 ? Les médias, les réseaux sociaux et Internet sont sous surveillance permanente. Même Winnie the Pooh (Winne l’Ourson) est interdit en Chine, depuis que quelques internautes ont osé le comparer à Xi Jinping ! Clairement, derrière la façade de confiance officielle, le pouvoir chinois est profondément inquiet.
La grève chez Foxconn est révélatrice d’un contexte social et politique de plus en plus tendu. En plus des grèves sporadiques, qui entraînent souvent de lourdes conséquences pour les participants une fois qu’elles se terminent, des manifestations et des émeutes sont fréquentes. Le mécontentement concerne un large éventail d’injustices sociales : les répercussions sociales de la politique de « zéro covid », les bas salaires, le régime oppressant dans les entreprises, le chômage, le traitement discriminatoire des femmes dans le monde du travail, la discrimination contre les « migrants » issus des milieux ruraux, la persécution des Ouïghours, les conséquences terribles des avortements forcés, des stérilisations, de la séquestration des enfants et d’autres ramifications de la limitation autoritaires des naissances. Face à la combinaison d’un régime économique composé de capitalisme et – pour ce qui est du secteur « public » – d’entreprises d’État gérés selon des critères capitalistes, et d’un régime politique autoritaire et oppressant, il y a comme une lame de fond de ressentiment et d’opposition, exprimant une soif de liberté et de démocratie. La classe ouvrière et de la jeunesse chinoise sont un « géant endormi » qui commence enfin à se réveiller !
Lire aussi Chine : Dictature, exploitation, oppressions. Pour une clarification au PCF.
La Riposte