La fédération 93 du syndicat policier ultra-droitier Alliance vient de marquer un recul symbolique d’une grande importance à Stains mais a visiblement repris du poil de la Bête. Dans cette ville populaire limitrophe de Saint-Denis et de la Courneuve, le maire communiste sortant Azzédine Taïbi avait été reconduit dès le 1er tour des élections avec près de 58% des votes exprimés. Il est apprécié notamment pour son engagement incessant dans les luttes antiracistes et antisionistes ainsi que pour ses actions d’éclat pour la défense des services publics. Cette fermeté politique doublée d’un sens aigu du dialogue lui avaient sans aucun doute permis de remporter confortablement la bataille municipale dès le premier tour.
En termes de bataille, c’en est une autre qu’il a engagée aux côtés du collectif Adama. Comme on le sait, ce collectif formé autour d’Assa Traoré se bat avec dignité et courage depuis quatre ans pour faire reconnaître le plaquage ventral par trois gendarmes sur son frère comme ayant causé la mort de ce dernier dans une gendarmerie de l’Oise. Le parallèle avec la mort de Georges Floyd survenue dans des conditions comparables à Minneapolis n’a pas manqué de résonner dans les consciences militantes. Par conséquence, les versions françaises des manifestations qui ont lieu au niveau mondial contre les violences policières aux Etats-Unis n’ont pas manqué d’inclure les revendications du collectif Adama, grâce notamment à l’habileté politique et à la communication sans faille d’Assa Traoré. Celle-ci, loin de livrer une vision caricaturale de la Police présentée comme étant entièrement raciste, demande à ce que les policiers déviants et racistes fassent l’objet d’enquêtes impartiales et dénonce dans le même temps l’impunité policière systémique que l’Etat a entretient depuis trop longtemps. Elle appelle enfin à ce que les gendarmes présents au moment de la mort de son frère dans la caserne dénoncent de l’intérieur l’attitude et le comportement déviant des gendarmes ayant causé la mort de son frère.
Pour écouter le passage en entier dans son interview sur l’émission Clique TV (de 16:15 à 18 :30) :
C’est dans ce contexte que le maire de Stains nouvellement reconduit a commandé une fresque en hommage à Georges Floyd et Adama Traoré aux artistes stanois du « Collectif Art », dont voici une photographie. On y voit notamment Adama Traoré côte à côte avec Georges Floyd, et la phrase « Contre le Racisme et les Violences Policières »
Le 21 juin dernier, soit trois jours après le jour de l’inauguration, l’édile publie un communiqué choqué et inquiet du fait qu’un « syndicat de police », à savoir la fédération du 93 d’Alliance, « appelle à un rassemblement et à recouvrir cette fresque » le lendemain, lundi. Cette provocation intolérable a de fait amené le collectif pour Adama à organiser un contre-rassemblement le même jour et sur le même lieu. Dans un tel contexte de tension, le drame devenait inévitable. Le maire a donc demandé avec insistance à la Préfecture du département de faire entendre raison au syndicat policier et de faire annuler le rassemblement.
De fait, le syndicat policier s’est retranché à Bobigny, et maquillant la réalité, a déclaré qu’il ne souhaitait pas faire recouvrir la fresque mais supprimer ou modifier la phrase d’hommage. Or le collectif Adama a effectué une copie d’écran des deux versions de l’appel à rassemblement du syndicat sur Facebook, qui montrent bien une inflexion substantielle dans la « revendication » de ses membres.
Ici la première version de l’appel à rassemblement, contenant effectivement la volonté de « repeindre » la fresque.
Et ici, la seconde version, expurgée de la demande de refaire la fresque, et avec « simplement » la volonté de repeindre ou de supprimer la phrase « contre le racisme et les violences policières ».
A l’issue de la rencontre avec le préfet de la Seine Saint-Denis le 21 juin, nouveau recul, puisqu’Alliance affirme avoir obtenu du Préfet l’effacement du mot « policières ». A ce rythme, on s’en tirerait presque avec une demande d’enlever le contour rouge entourant la phrase ! Jamais un renoncement syndical n’aura sonné aussi joliment à nos oreilles militantes !
Seulement voilà, il s’agit là d’une tentative cynique de censure de la part d’un syndicat ayant déjà marqué l’actualité des luttes avec le maniement éhonté du mensonge et de la calomnie. Et qu’en ces temps où le déboulonnage de statues de figures de l’esclavage et du colonialisme provoque une crise d’urticaire jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat, voici que ce dernier en la personne du Préfet de la Seine Saint-Denis se couche docilement devant le dernier rempart qui lui reste face à une colère sociale prête à exploser à tout moment !
Rafik B, PCF Saint-Denis