Dans cette lutte historique pour combattre la « contre-réforme » des retraites, qui mobilise l’ensemble des professions, nous retrouvons un des moyens d’action les plus efficaces qui est la reprise en mains de l’outil de travail par les salarié.es. Dans le secteur qui est le mien, l’énergie, nous parlons notamment beaucoup des « coupures électriques » qui ont été réalisées afin de faire entendre nos revendications par le plus grand nombre.
L’électricité étant une énergie essentielle, lorsque nous privons symboliquement par la reprise de notre outil de travail certaines zones de distribution d’électricité, cela fait toute de suite la une des médias.
Les agents de l’énergie sont fortement engagé.es dans cette bataille et sont un peu partout sur le territoire, moteur des nombreuses luttes. Les raisons de cette forte implication sont diverses, l’une des principales est l’ancrage syndical et la culture du service public dans les entreprises électriques et gazières. Cet ancrage est l’héritage du programme du Conseil National de la Résistance avec sa loi de nationalisation de l’électricité et du gaz du 8 avril 1946 portée par Marcel Paul, résistant communiste et syndicaliste CGT.
Dans cette résistance en opposition aux contre-réformes dévastatrices des gouvernements, il est de plus en plus difficile de faire entendre les voix d’opposition. A l’heure actuelle, 90% des médias en France sont détenus par 9 milliardaires. De ce constat, il n’est pas étonnant que la zigounette de Grivaux ou la détention inhumaine de Balkany fasse la une devant les mobilisations. De cette manière, nous devenons absents du débat public et lorsque l’on arrive à être devant les micros des chaînes d’informations, les chiens de garde trompent l’opinion avec leurs tons accusateurs.
De cet isolement médiatique nous constatons la création d’une nouvelle conscience de classe, les salarié.es s’accordent à dire que sans l’action collective et sans la prise de conscience politique de notre classe, nous ne serons pas entendus et continuerons à subir les lois de l’oligarchie.
De là, un des moyens les plus marquants et fédérateur sest l’action sur l’outil de travail. Dans l’énergie, nous avons la chance que notre outil de travail touche l’ensemble de la population et c’est pourquoi il nous permet d’être relayé sur le plan médiatique. De plus c’est un levier dans le rapport de force car chaque action pèse sur l’économie, que ce soit des entreprises électriques et gazières par la perte de production ou un manque à gagner, mais également sur les zones concernées par les différentes actions.
Nous parlons souvent des coupures car ce sont elles qui sont les plus polémiques et impressionnantes mais à cela nous pouvons rajouter les très nombreux rétablissements en électricité ou en gaz de foyers frappés par la précarité et qui avait été coupés. Dans la période de Noël, les pères Noël de l’énergie venaient rétablir les foyers dans la précarité afin de pouvoir leur offrir des fêtes un peu plus confortables, d’un côté nous privions les riches d’électricité pour redonner aux pauvres un semblant de confort.
A noter également, les très nombreux compteurs passés en « heures creuses » (tarif le moins cher), le blocage de communication des compteurs Linky vers la supervision d’Enedis ou encore les très nombreuses baisses, voire l’arrêt complet d’unités de production.
Chaque action est décidée collectivement en assemblée générale avec un objectif précis.
On ne parle donc souvent que des coupures parce qu’elles impressionnent les médias du capital qui cherchent systématiquement la polémique en parlant d’hôpitaux coupés, d’école fermée, etc… le plus souvent en utilisant un vocabulaire de guerre parlant de prise d’otages voire d’acte terroriste pour les plus audacieux, ils mettent en avant les pertes financières du petit commerçant qui se retrouve coupé une heure ou deux mais oublient systématiquement d’évoquer le caractère économique des grandes entreprises visées ou des lieux de pouvoir.
Les agents des IEG (Industries Electriques et Gazières) ont, par ces actions, le pouvoir d’atteindre l’intégrité de l’Etat, le pouvoir d’un black-out qui pourrait paralyser notre pays et aller même au-delà de nos frontières. Ce genre de scénario est pour l’instant systématique exclu des décisions prises.
Il y a des coupures dont nous ne parlons jamais, celles des plus pauvres, près de 600 000 foyers privés d’énergie l’année dernière dûes à la libéralisation du secteur. Mais ces coupures-là, elles ne gênent pas les médias bien-pensants !
Sébastien Roumet, CGT Energie Civaux, PCF 86