Effet des politiques d’austérité dont souffre l’hôpital public depuis des décennies, la crise du Covid-19 porte en elle les germes d’une possible révolte contre le système capitaliste.
Par Greg Oxley, PCF Paris 10e arrdt
La pandémie du coronavirus Covid-19 menace de tuer plusieurs millions de personnes à l’échelle mondiale. Les répercussions sociales, économiques et politiques de cette pandémie seront extrêmement graves. Même aux États-Unis – première puissance mondiale – la contraction de l’économie est d’ores et déjà très nette. Selon le secrétaire de la Trésorerie [Ministre des Finances] des États-Unis, le taux de chômage pourrait s’élever à 20% si le virus n’est pas rapidement vaincu, alors que l’année 2019 avait vu ce taux arriver au plancher historiquement bas de 3,5%. Le Royaume-Uni, sous les effets conjugués de la crise sanitaire et de sa sortie de l’Union Européenne, sera plongé dans une récession économique aux répercussions sociales incalculables. L’Italie était déjà en récession, et l’Allemagne en frôlait une, avant la crise sanitaire. Si une récession mondiale devait s’installer – et ceci nous paraît être la perspective la plus probable, désormais – aucun continent, aucun pays, n’y échappera, indépendamment de sa situation économique à la veille de la pandémie. La crise dans chaque partie du monde se fera sentir dans les autres.
L’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie. En France, alors que le nombre de personnes contaminées – et recensées comme telles – double tous les deux ou trois jours, l’ampleur véritable de la diffusion du virus est nécessairement plus importante encore. Les mesures de confinement décidées par le Gouvernement – prises tardivement et en incohérence flagrante avec le maintien du premier tour des élections municipales – visent à ralentir sa progression. Le volet économique et social des annonces prévoit plusieurs mesures pour soulager les pertes attendues des revenus des capitalistes et du « petit » patronat, mais pour les travailleurs, pour les chômeurs, pour les mal-logés et sans domicile, pour les millions de personnes qui sont pauvres ou à peine au-dessus du seuil de pauvreté, Macron et son gouvernement ne proposent pratiquement rien.
Habile menteur, Macron a assuré que personne ne sera laissé sans ressources. Ce n’était pas vrai avant la pandémie, ce ne sera certainement pas vrai ni pendant, ni après. Ce qui se passe actuellement aura un impact brutal sur les conditions de vie de l’immense majorité de la population, composée typiquement des gens « qui ne sont rien », selon la terminologie propre de ce président des riches. Lorsque les valeurs boursières sont minées, les capitalistes transfèrent leurs investissements vers des placements plus sûrs. Le profit avant tout, et peu importe les conséquences qui frappent ceux qui vivent de leur travail. Les emplois des travailleurs en CDD ou sans contrat, les intérimaires, les salariés d’entreprises de sous-traitance, les « auto-entrepreneurs », seront rapidement et massivement supprimés. Un grand nombre d’emplois en CDI seront également détruits. Quelles « aides » sont proposées par Macron pour les très nombreuses victimes de cette purge ? Aucune, jusqu’à présent.
Le coronavirus Covid-19 est un fléau, certes. Mais la force de son impact dans le domaine de la santé publique et dans le domaine social et économique est fonction de l’ordre social et du comportement des gouvernements sous lesquels nous vivons. La politique de Macron ne se distingue pas notoirement de celle de ses prédécesseurs, y compris ceux de la « gauche ». Il poursuit les mêmes objectifs réactionnaires. Tous ces gouvernements se sont efforcés d’imposer la régression sociale et de démanteler les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. La généralisation de l’emploi précaire, augmentant la vulnérabilité des travailleurs concernés, a été une priorité dans les revendications du patronat et donc dans la politique des gouvernements. Depuis des décennies maintenant, on cherche à remplacer des emplois stables par des emplois « flexibles », précisément pour permettre aux employeurs de s’en débarrasser facilement et, si nécessaire, en masse, comme ils le font actuellement.
Il y a eu également des attaques incessantes contre les services publics et ceux qui y travaillent. Depuis longtemps, les hôpitaux publics et les personnels soignants ont été en ligne de mire des gouvernements, celui de Macron compris. Selon la Direction des Études et des Statistiques du Ministère de la Santé, sur les 3036 établissements de soins recensés, 17 500 lits, dont 13 631 dans les établissements publics, ont été fermés entre 2013 et 2019. Ces suppressions ont été au cœur des conflits dans le secteur de la santé depuis des années. Pendant la grève dans les services d’urgences de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Christophe Prudhomme, délégué CGT, a dénoncé la suppression de 100 000 lits hospitaliers en 20 ans, reflet d’un manque global de moyens, responsable d’un nombre élevé quoique difficile à estimer de décès qui auraient pu être évités. Il arrive aussi que des lits existants doivent être « fermés », faute de personnel. Au niveau national, cela concernait plusieurs milliers de lits.
Ainsi, bien avant la crise du coronavirus Covid-19, le personnel soignant était déjà parfois obligé, par la force des circonstances, à « faire des choix » – des choix de vie ou de mort, en substance – face à la pénurie de moyens matériels et d’effectifs. Il était déjà impossible de prendre tous les patients en charge correctement au prix d’une pression managériale sur le personnel à les rendre eux-mêmes malades. Le cas relativement bien médiatisé de la patiente décédée à l’hôpital Lariboisière de Paris, en décembre 2018, après avoir attendu des soins pendant douze heures sur un brancard, est à mettre à côté d’autres drames du même ordre qui ne sont pas portés à la connaissance du public. On connaît aussi les conditions d’accueil souvent scandaleuses dans les EHPAD. Tous les plaidoyers, les protestations, les pétitions, les revendications émanant du milieu hospitalier, toutes les alertes sonnées par les syndicats, ont été ignorés, méprisés. Or, aujourd’hui, ce sont ces mêmes hôpitaux, ravagés par des années d’austérité, qui sont censés faire face à la pandémie du coronavirus Covid-19 ! Osez donc nous parler désormais de budgets de santé « exorbitants » et de lits « excédentaires », vous qui, par votre servilité aux intérêts capitalistes, par votre indifférence aux besoins de la population, avez tout fait pour casser l’hôpital public !
À l’échelle mondiale et en Europe, le déferlement du coronavirus Covid-19 s’épuisera un jour. Mais à quel prix pour la santé publique ? En France, la crise sanitaire et sociale actuelle survient au lendemain d’une longue période d’agitation sociale. Le mouvement des Gilets Jaunes et les grèves massives contre la réforme des retraites témoignent de l’exaspération populaire croissante face à la régression sociale. La succession des mouvements de grève et manifestations sous le mandat de Macron a été d’une ampleur inconnue en France depuis 1968. Le coronavirus Covid-19 exacerbe et rend plus évident la nature de classe de la société. Les uns sont « confinés » dans des villas luxueuses, d’autres dans quelques mètres carrés, trop souvent insalubres. D’où l’insistance hypocrite de Macron sur « l’union nationale ». Lui et les autres stratèges du capitalisme doivent être très inquiets. Et s’ils ne le sont pas, ils devraient l’être. Le climat social change. Les idées se radicalisent. Après le passage de la vague du coronavirus Covid-19, ou peut-être même avant, viendra le temps des bilans. La résistance à l’austérité sera renforcée. La remise en cause des « élites » – c’est-à-dire de la classe dirigeante – gagnera du terrain, et nous mettra sur le chemin de la grande transformation révolutionnaire de la société française sans laquelle il ne sera pas possible d’abolir les inégalités flagrantes, l’injustice et l’exploitation que nous inflige le capitalisme.