Ce 21 février se sont déroulées des élections législatives en Iran. Alors que le régime est plus contesté que jamais par le peuple iranien, il est absolument exclu que le scrutin en lui-même apporte quelque changement que ce soit. En effet, le système électoral est totalement verrouillé par le Conseil des Gardiens qui écarte systématiquement toute candidature critique vis-à-vis du régime en place. Alors que le pays a connu en novembre dernier ses manifestations les plus massives, et que le mouvement de contestation de ces dernières années met en cause l’ensemble de la classe politique de la république islamique ainsi que le Guide Suprême, il est fort probable que la répression utilisée jusqu’à maintenant pour faire taire les voix critiques ne suffise plus à enrayer cette contestation.
La situation de crise économique que traverse le pays, fortement aggravée par l’embargo américain, pousse de plus en plus d’Iraniens à braver les menaces de répression pour manifester leur mécontentement. Alors que le chômage atteint des niveaux inédits et que l’inflation reste à un niveau insupportable pour les classes populaires, les mesures d’austérité budgétaire annoncées depuis la réélection du président modéré Hassan Rohani en 2017 rendent intolérables les privilèges, la corruption et le clientélisme endémique à la République Islamique.
Les premières manifestations que l’on peut inscrire dans le cadre de ce mouvement de protestation sont celles de décembre 2017. Bien que limitées, tant par le nombre de villes concernées que par la faible mobilisation (quelques dizaines de milliers de manifestants), elles marquent un tournant car pour la première fois apparaissent des slogans ouvertement hostiles au régime ainsi que des revendications principalement économiques et sociales. En effet au moment des manifestations massives de 2009, qui faisaient suite à la réélection à la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, la colère des manifestants visait essentiellement les courants religieux radicaux du système politique iranien. De ce fait, les manifestants soutenaient à l’époque les « opposants » du courant modéré du régime, appelés réformateurs, dont leur candidat battu aux élections Mir Hossein Moussavi. Les réformateurs sont aujourd’hui au pouvoir ; loin d’améliorer la situation des couches les plus précaires de la société iraniennes, ils ont promulgué des lois austéritaires, notamment des coupes dans les dépenses sociales et une augmentation des prix des carburants et des denrées alimentaires. Ce sont ces mesures, annoncées par Rohani pour le budget gouvernemental de 2018, qui sont à l’origine du mouvement de protestation. Mais la faible ampleur de la mobilisation, la répression menée par les Gardiens de la Révolution ainsi que la reconnaissance par Rohani de la légitimité de certaines revendications des manifestants, ont permis au régime d’étouffer rapidement la contestation.
Ce mouvement est relancé en novembre 2019, suite à l’annonce de nouvelles taxes sur le prix des carburants. Alors que le régime peut dépenser sans compter sur le plan intérieur dans les institutions religieuses et les milices pro-régime et sur le plan extérieur, notamment en Syrie, au Yémen et en Irak pour soutenir les mouvements proches de lui, ce sont donc aux masses laborieuses qu’il fait payer la crise économique dans laquelle est plongé le pays. Ces manifestations sont les plus massives qu’ait connu le pays depuis la chute du shah en 1979. Durant une dizaine de jours, des centaines de milliers d’Iraniens descendent dans la rue à travers tout le pays pour dénoncer le régime, la dictature de Rohani et du guide suprême Khamenei. Des banques, des commissariats, des sites gouvernementaux, des bases des bassidjis (milice pro-régime) sont incendiées, tout comme des portraits de Khamenei. Cette fois-ci Rohani, tout comme les partisans de la ligne dure du régime, dénonce les manifestants comme des « anarchistes » téléguidés par les Etats-Unis et Israël. La répression est d’une violence sans précédent : plusieurs milliers d’arrestations et de blessés, entre 200 et 1500 morts selon les sources (5 seulement selon les autorités iraniennes).
Les manifestations ont repris au mois de janvier à la suite de l’assassinat du général Soleimani par l’armée américaine. Si les manifestations massives d’hommage au général durant les jours qui ont suivi ont pu laisser croire à une « union sacrée » face à l’ennemi américain, la destruction du vol 752 d’Ukraine International Airlines par les Gardiens de la Révolution a retourné la situation et remis à l’ordre du jour la contestation du régime. Après avoir nié être à l’origine du crash, le régime a dû, devant l’évidence des preuves, reconnaître sa responsabilité dans la mort des 176 passagers (dont 82 Iraniens), ce qui a provoqué la colère d’une grande partie de la population dénonçant les mensonges du régime et son incompétence. A partir du 11 janvier et dans les jours qui suivent, des manifestations se se sont tenues dans une dizaine de villes du pays, même si la majorité de la mobilisation se déroule à Téhéran. Les réseaux sociaux sont largement utilisés pour mettre en cause le régime et des personnalités se joignent alors aux protestataires, notamment dans le domaine des médias et de la culture. Là encore, le régime a violemment réprimé le mouvement même si moins de victimes sont à déplorer qu’en novembre.
La république islamique en Iran n’offre aucune possibilité de changement au sein de ses institutions. La criminalisation de toute critique envers le système ou le Guide Suprême de même que le verrouillage de la démocratie par les dignitaires religieux n’offre aucune autre alternative au peuple iranien qu’une révolution violente pour mettre à terre le régime des ayatollahs. Malgré les difficultés d’organisation pour les opposants, le rythme des mouvements de contestation du régime s’est nettement accéléré ces dernières années, et leurs revendications et l’ampleur de ceux-ci commencent à faire trembler les plus hauts responsables de l’Etat. Comme aucune inflexion dans la politique menée n’est à l’ordre du jour, que la situation économique n’est pas prête de s’améliorer, et que le régime a désormais épuisé toute alternative interne, il faut s’attendre à voir de nouveau le peuple iranien descendre dans la rue dans les mois à venir. S’il est difficile de prévoir combien de temps encore le régime peut se maintenir, il apparaît clairement qu’il joue sa survie dans la période qui vient.
Jules B.
PCF Paris
C’est bien de critiquer l’Iran pour la démocratie, mais nous les français est -il raisonnable de faire ça avec un président comme Macron qui veut casser toutes nos avancées démocratiques. On ne va pas quand même me dire que le 49/3 par exemple est un procédé de démocratie c’est lamentable. Sans parler de reste il faut revoir notre démocratie car nous allons vers une dictature qui ne dit pas son nom. C’est toujours comme ça que commence les dictatures, balayons déjà devant notre porte nous les français si nous voulons être crédible.
Bonjour James,
Nous comprenons l’esprit de vos critiques même si nous ne partageons pas la manière dont vous les formulez. Nous critiquons le régime iranien et non l’Iran, dont le peuple veut majoritairement se débarrasser de ses oppresseurs. Par ailleurs, c’est en tant que militantes et militants communistes que nous le faisons, et non en tant que citoyennes et citoyens françaises et français. Par ailleurs, autant nous nous opposons fermement à l’utilisation de l’article 49/3 de la Constitution par le Gouvernement Philippe, autant il est erroné à notre sens de mettre côte à côte l’utilisation abusive d’un article constitutionnel d’un côté et une pratique de la justice basée sur des règles religieuses profondément misogynes de l’autre. Là où nous vous rejoignons, cependant, c’est qu’au fond il s’agit d’une gradation plus que d’une réelle différence, aspects religieux mis à part. En effet, il y a bien en France une dérive anti-démocratique, et l’histoire montre jusqu’où peut nous mener cette dérive si le prolétariat ne se saisit pas de son destin. Je vous invite à lire le présent article que notre camarade Greg a rédigé du temps du gouvernement Hollande, et si vous voulez à en débattre avec nous 😉 Démocratie, bonapartisme et fascisme
au plaisir de vous lire
Rafik de l’équipe de rédaction
C’est rare de lire dans les medias français même des medias de gauche radicale, un article critiquant le régime théocratique et d’extrême droite iranien et j’en remercie la Riposte
L’Europe du capital soutient ce régime fasciste parce qu’en traitant avec le régime des mollahs les multinationales ou des sociétés française tels que Peugeot ou Renault font des profits énormes sur le dos de la classe ouvrière iranienne (le smic y est environ 100 euros /mois )
La gauche radicale européenne soutiendrait ce régime fasciste parce qu’on croit que c’est un régime anti impérialiste ! Mais Peut-on être anti impérialiste avec une politique économique la plus néolibérale, avec une corruption inouïe dans l’intérêt de l’oligarchie et des complexes militaro religieuse ?
Peut-on être anti impérialistes en aidant Assad, en dépensant des milliards de dollars pour les dogmes et les propagandes religieuses à l’intérieur et à l’extérieur quand la classe ouvrière et les classes dominées ont tout simplement faim ?