Marine G
Le 25 novembre, journée internationale de lutte pour l’éradication des violences à l’égard des femmes, le gouvernement clôturait le Grenelle contre les violences conjugales lancé le 3 septembre dernier. Lors de cette restitution le Premier ministre Édouard Philippe a pris la parole pour parler des mesures qui devraient être mises en place prochainement. Selon ses dires, il s’agirait majoritairement de mesures qui devraient voir le jour en 2020.
Cette journée, tant par sa signification que par cette restitution, était une journée importante pour les divers mouvements féministes, les syndicats et partis politiques de gauche engagés dans la lutte contre le Patriarcat. Elle faisait suite au succès de la journée du 23 novembre, où près de 150 000 personnes ont manifesté à travers la France pour dire « stop » aux violences sexistes et sexuelles.
Et pourtant, sans surprise, ce Grenelle se termine sur une note décevante puisque voilà ce que l’État nous promet de mieux:
- 1000 nouvelles places d’hébergements d’urgence pour les femmes victimes de violences
→ Alors que les appels au 3919 augmentent fortement, que la libération de la parole contre le tabou des violences sexuelles et sexistes est en plein essor, cette annonce paraît largement insuffisante au vue de la situation nationale.
2. Grille unique d’évaluation du danger qui va être diffusée à toutes les brigades
→ Depuis plusieurs mois, les associations féministes demandent la formation des
professionnelLEs de police. Pourtant, à aucun moment il n’est mentionné dans ces mesures de formation spécifique seule cette grille de 23 questions à poser aux victimes pour analyser le danger.
3. Création de 1000 Bracelets électroniques anti-rapprochement
→ Sauf que le bracelet anti-rapprochement ne concerne actuellement que les personnes condamnées, ce qui signifie que seul 0.6 % des femmes victimes de violences conjugales pourraient être protégées par ce dispositif.
4. Suspension de l’autorité parentale pour le conjoint meurtrier et possibilité du juge du tribunal pénal de suspendre l’autorité parentale du conjoint violent
→ Lors d’un assassinat au sein d’un couple avec enfant, la suspension de l’autorité parentale du conjoint meurtrier existait déjà depuis la loi du 9 juillet 2010. Cependant on remarquera l’utilisation du mot « possibilité » en cas de violences conjugales. Un père violent pourrait donc, si le juge l’autorise, garder une autorité parentale sur ses enfants.
5. Formation des enseignantEs à l’égalité entre hommes et femmes.
→ Tout comme le point précédent, cette mesure est déjà obligatoire depuis la loi du 9 juillet 2010 (Loi Daniel Bousquet).
6. Ouverture de la ligne 3919 24h/24 7jrs/7
→ Quand il n’existe pas suffisamment d’hébergements, de lieux d’accueil, de suivi, de soutien, ouvrir un service en continu met les professionnelLEs écoutantEs dans une situation d’impuissance. Cette mesure n’a de sens que si elle peut s’articuler avec un dispositif en amont solide permettant d’orienter les victimes.
7. Création de 80 postes supplémentaires d’intervenantEs dans le domaine social au sein des commissariats et des brigades (actuellement ce nombre s’élève à 271)
→ 350 postes d’intervenantEs sociaux pour le nombres de commissariats et gendarmeries en France reste largement insuffisant.
8. Le droit de briser le secret médical en cas de danger de mort
→ Cette mesure existe déjà puisque le code pénal prévoit déjà une dérogation au secret médical
9. Interdiction de médiation familiale en cas de violences conjugales
→ Cette mesure est déjà en essai depuis janvier 2019 et devait déjà être applicable en 2020. Elle est d’ailleurs censée être obligatoire depuis 2014, depuis que le gouvernement français a ratifié la convention d’Istanbul.
10. Suivi et prise en charge des auteurs de violences avec 2 centres d’accueil par région
→ La création de centres d’accueil pour les auteurs de violences n’est pas une mauvaise chose, ils permettent de préserver le maintien à domicile de la victime et diminue les risques de récidives de l’auteur des violences. Cependant, le budget est déjà mince pour l’accueil des victimes. Nous pouvons citer le cas du Morbihan en Bretagne dont la ville de Lorient a vu son lieu d’accueil pluriprofessionnel pour les femmes victimes de violences conjugales fermer dans le plus grand silence fin 2017. A moyens constants, l’ouverture de lieux d’accueil pour les auteurs de violences se fera au détriment du financement de lieux d’accueil pour les victimes !
D’autant plus qu’une augmentation du budget n’est pas prévue dans les mesures de ce Grenelle. En effet, lors de son discours le Premier ministre explique que l’an prochain le gouvernement s’engage à mettre environ 360 millions dans la lutte contre les violences faites aux femmes mais il s’avère que c’est quasiment la même somme que celle qui a été apposée en 2019. Pourtant, Édouard Philippe nous dit : « Il ne manque pas d’argent ! ». Alors où est il ? Comment mettre en place des mesures efficaces si le gouvernement ne met pas plus de moyens ?