Par RB, PCF 93
Une nouvelle fois, ce jeudi 27 juin 2019, une attaque terroriste a fait parler (en mal) de la Tunisie. Deux attaques suicides dans la capitale, précédées d’un assaut armé d’un groupe isolé d’une antenne méridionale de la radio-diffusion nationale ont eu lieu le même jour. Pour compléter le tableau, le plus que nonagénaire président du pays a subi un malaise qui a nourri des rumeurs sur son possible décès, rumeur infirmée à l’heure où ces lignes sont écrites.
Ces évènements arrivent alors que la saison touristique, à l’origine selon les calculs de 7 à 14 % du PIB, allait reprendre, augurant une saison exceptionnelle selon des pronostics largement partagées parmi les économistes. Les dernières années, le pays avait vu sa clientèle traditionnelle de petites classes moyennes et salariats relativement aisés français et allemand laisser la place à leurs équivalents est-européens, bien moins argentés. Ce modèle de tourisme low cost et all inclusive, produit d’un mauvais choix stratégique fait au lendemain de l’indépendance, ne peut être viable économiquement pour le pays que si les volumes suivent, avec tous les dégâts environnementaux que nombre de TunisienNEs subissent. Or après la destitution forcée du président Ben Ali par les masses en mouvement début 2011 et la période d’instabilité politique et sécuritaire qui a suivi, les flux touristiques se sont déportés vers d’autres plages aux arrière-pays moins turbulents.
À cela s’ajoute le fardeau financier hérité des années Ennahdha, du nom de ce parti islamiste qui a gouverné le pays de 2011 à 2014. Sur la base d’un népotisme et d’un clientélisme qui n’ont rien à envier aux pires années Ben Ali, ce parti a recruté massivement au sein de l’appareil d’Etat les jeunes chômeurs que l’économie nationale était incapable d’absorber et que les États européens rejetaient. Dans le même temps, et d’une façon paradoxale, cet État pléthorique et largement corrompu n’a pas été en mesure d’empêcher la folle dérégulation économique qui a frappé le pays durant la quasi-décennie qui a suivi la révolution.
Enfin, et pour ne rien arranger, les inégalités territoriales qui furent le déclencheur de la révolution de 2011 s’accentuent alors que les marges budgétaires déjà maigres à l’époque s’amoindrissent. Mais la belle entente qu’il y eut à l’époque de la “Révolution du Jasmin” entre les régions intérieures déshéritées et les régions littorales mieux dotées économiquement mais en manque d’ouverture démocratique n’est plus désormais à l’ordre du jour. Et l’UGTT, le grand syndicat national dont les racines se fondent dans celles du mouvement national tunisien, qui en 2011 joua le rôle de catalyseur de colère populaire est depuis doublement discréditée. Discréditée par les couches populaires précaires car elle a repris son rôle historique de relais du pouvoir, et par les couches moyennes plus favorisées parce que les grèves à répétition des fonctionnaires sous-payés constituent la partie visible du marasme économique.
Dans ce contexte morose, il est sûr que la saison touristique 2019 s’apparentait à une bouffée d’oxygène pour le pays. Mais les terroristes se sont rappelés au souvenir de la population, même si les rues de Tunis ont repris leur allure habituelle quelques heures après le drame, ou quand l’indifférence fait office de résistance.