Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre. Baruch Spinoza
Par RB, PCF 93, 29 mai 2019
Certes, il est important de ne pas dramatiser outre-mesure le résultat français des élections européennes de ce dimanche 26 mai. Triste ironie, le Rassemblement National arrivé en tête ce soir-là voyait depuis de nombreuses années ses thèmes favoris repris en actes par les partis et les gouvernements européens les plus “respectables” — français compris — qu’ils soient de la droite libérale ou de la bien mal nommée social-démocratie. Cela veut dire que le quotidien des travailleurs ne va pas connaître un bouleversement sur le champ comme ce fut le cas dans l’histoire après une défaite cuisante de la gauche, ou pire une tentative d’élimination physique.
Cependant, le processus de destruction méthodique et implacable des conquis sociaux en France et partout dans l’Union Européenne va s’accentuer. La baisse constante des droits démocratiques à s’informer et à manifester, la criminalisation croissante de l’aide au réfugiés et la stigmatisation des populations héritières de l’histoire coloniale vont se nourrir d’une politique d’austérité dressant plus encore les travailleurs les uns contre les autres.
En présentant Le Pen comme unique adversaire, Macron lui a fait retrouver la place de premier plan qu’il lui avait ravie au soir du débat d’entre-deux tours de la présidentielle. Pour le Président de la République, l’utilité était de laisser en arrière plan les conséquences sociales les plus néfastes de sa politique, afin de déplacer le débat sur le registre des valeurs. Si cette tactique n’est pas nouvelle, loin s’en faut, la réalité aujourd’hui fait qu’elle est devient au mieux inefficace, au pire dangereuse.
En effet, si par le passé les partis capitalistes pouvaient utiliser l’extrême-droite comme épouvantail dans la logique du “front républicain” et du “vote utile”, c’est parce que le capitalisme disposait encore de marges suffisantes pour concéder quelques réformes sociales, si maigres fussent-elles. Par conséquent, le respect des règles démocratiques constituait pour la bourgeoisie un moyen de gagner à bon prix la paix sociale.
La crise de 2008 – 2009 et l’explosion de la dette qui s’en est suivie a changé la donne désormais. Les états capitalistes les plus avancés se sont retrouvés ruinés suite aux sommes énormes qu’ils ont dû injecter dans les banques systémiques qui menaçaient d’emporter l’ensemble de l’économie dans leur chute. Et le chômage qui s’est aggravé a accentué le déficit de la sécurité sociale, jetant des millions de travailleurs dans la précarité. Dans ce nouveau contexte, il n’y a plus d’autre choix pour les gouvernements que de réprimer violemment la contestation sociale et de faire l’impasse sur les droits démocratiques.
Dans ces conditions, il devient difficile pour Macron de se présenter comme le parangon de la vertu démocratique contre le monstre – réel – de la droite bonapartiste, puisque dans les faits la situation l’oblige à appliquer scrupuleusement une politique allant dans le sens que souhaite le Rassemblement National.
Côté PCF, la déception suite au non franchissement de la fatidique barre des 5% de la liste conduite par Ian Brossat est à la mesure de l’enthousiasme soulevé par ce dernier dans le parti durant cette campagne. La personnalité, le charisme et la combativité de la tête de liste n’ont pas pu venir à bout d’une marginalisation bien entamée du parti dans l’électorat de gauche et d’un programme manquant cruellement de contenu révolutionnaire. Certes, la machine médiatique s’est acharnée à mettre des bâtons dans les roues à la visibilité du parti durant la campagne et bien avant, mais il serait erroné de pointer l’index uniquement sur cet aspect.
Il était tout autant erroné de baser notre campagne uniquement sur quelques réformes comme le salaire minimum européen, sur le fait que la liste ait été composée à moitié d’ouvriers et que nous n’ayons accepté aucun des traités jusqu’à présent. La direction du PCF a fait mine de croire que ces arguments allaient toucher l’électorat potentiel du parti, or en réalité c’est le même discours que nous développons depuis des années et qui décidément ne prend pas. Nos dirigeants font l’erreur à chaque fois de considérer les instances de l’Union Européenne comme pouvant être tournées vers le progrès social, alors que celles-ci ont été mises en place dans le but exclusif de servir les intérêts de la classe capitaliste. Il est impossible de faire entendre aux travailleurs que nous pouvons faire de la Banque Centrale Européenne un instrument de progrès social, de l’Euro un levier de gain de pouvoir d’achat et du Parlement une assemblée au service du progrès social.
Il nous faut pour les années à venir capitaliser sur l’enthousiasme soulevé par des figures jeunes et charismatiques comme celle de Ian Brossat, tout en débarrassant notre propagande des illusions réformistes sur l’Union Européenne. Dans les luttes auxquelles nous participons, nous devons rejeter à la fois l’Union Européenne et l’illusion que nous pouvons en sortir en restant dans le cadre du capitalisme. Nous devons construire notre avenir sur la base d’un programme authentiquement révolutionnaire et internationaliste avec, comme but ultime, la mise en place d’une fédération socialiste européenne.