Le 19 novembre dernier, le premier ministre Édouard Philippe annonçait la hausse unilatérale et quasi immédiate des frais d’inscription à l’université pour les étudiant.e.s provenant de l’étranger. Concrètement c’est une multiplication par 10 des droits d’inscription pour les futur.e.s étudiant.e.s voulant s’inscrire dans une faculté française à la rentrée d’octobre 2019. 170 à 2 770 euros en licence, et de 243 ou 380 euros en master ou en doctorat à 3 770 euros, pour un gain d’un peu moins d’un milliard d’euros pour les universités. Ce qui est totalement insuffisant au vu du manque à gagner que subissent les universités, causé par le désengagement de l’Etat vis-à-vis de l’enseignement supérieur, désengagement qui s’est initié avec le processus de Bologne du début des années 2000 mis en place par le gouvernement Jospin.
Mais cette hausse des frais d’inscription ne concerne pas tou.te.s les étudiant.e.s provenant de l’étranger, uniquement les personnes hors programme Erasmus ou originaires du Québec, soit 280 000 étudiant.e.s sur un total de 343 000.
Concrètement, ce seront les étudiantes et étudiants venu.e.s des pays du Sud qui sont visé.e.s et en premier lieu le continent africain puisque 45 % au moins des étudiant.e.s provenant de l’étranger sont issu.e.s de ce continent. Le plus ironique est le lieu de l’annonce de cette hausse inique puisqu’elle s’est faite lors des rencontres universitaires francophones. Ajoutons à cela qu’une grande majorité de ces étudiant.e.s provenant de l’étranger y compris africain.e.s viennent des pays francophones issus des anciennes colonies françaises et belges. Si l’objectif annoncé par l’exécutif consiste en une réorientation géographique pour attirer les étudiant.e.s des pays émergents asiatiques, de fait il s’agit bien d’une décision visant à tarir le flux des étudiant.e.s venu.e.s d’Afrique, doublée d’une volonté de purifier sociologiquement les étudiant.e.s venant en France depuis l’étranger. Outre le caractère raciste,discriminatoire et visant à exclure les enfants étrangers pauvres, c’est un cheval de Troie visant à mettre en route la hausse des frais d’inscription pour tou.te.s les étudiant.e.s y compris français.e.s, promouvant ainsi une privatisation rampante de l’Université, accomplissant l’objectif du capitalisme européen appliqué à l’enseignement supérieur dont le processus de Bologne est l’expression la plus aboutie. Le rapport de la Cour des comptes préconise en effet d’accroître de près de 300% ( 297%) les frais d’inscriptions en Master (243 euros actuellement à près de 1000 euros ( 965 euros exactement) et d’un peu plus du double (105%) pour les doctorats, de 380 à 781 euros, avec un possible ajustement chaque année en fonction de l’inflation. Par ailleurs, la Cour des comptes ouvre la voie à ce que chaque université puisse elle-même fixer ses propres exigences pécuniaires.
Dans les lycées, c’est Parcoursup qui pose problème ! L’an dernier les secondes, aujourd’hui en première, n’avaient pas osé se battre aux côtés de leurs aîné.e.s, mais ces dernier.e.s ont été aux premières loges de la catastrophe qu’a été Parcoursup et ne veulent pas subir ce que les bachelier.e.s de l’an dernier ont subi en matière de retard, de stress à l’approche des examens finaux du bac, de déception, mais aussi de possibilité de se loger dans les villes où ils ont été choisis, à l’image des centaines d’étudiant.e.s sans domicile fixe à la rentrée universitaire ou qui n’ont pas eu de places dans les filières où ils et elles ont été choisi.e.s comme ce fut le cas à Nanterre. Par ailleurs, la réforme du bac qui vise à “américaniser” l’épreuve de fin de secondaire, premier examen universitaire faisant disparaître les filières actuelles pour des parcours dit personnalisés mais qui cache en fait une sélection déguisée et la disparition du caractère national du diplôme pour n’en faire qu’un diplôme à la carte utile sur le marché du travail.
Égarements idéologiques et répressions
Ainsi les syndicats lycéens ont-ils lancé un appel au blocus des lycées mais sans véritables revendications, tentant de se greffer aux fameux gilets jaunes en énumérant les attaques contre l’Éducation secondaire et supérieure (loi ORE, réforme du bac). Que ce soit pour les assemblées générales du 28 novembre ou les blocus du 30, elles ont été localisées et peu nombreuses. Du côté des étudiant.e.s, le mouvement est cantonné aux universités d’Île-de-France, mais aussi à celles de Toulouse. L’Unef a appelé à un rassemblement isolé place du Panthéon tandis que la CGT appelait à un rassemblement où plusieurs milliers de personnes étaient présentes, tandis que les gilets jaunes tentaient de manifester sur les Champs-Elysées. Cette dispersion s’est retrouvée lors de l’AG interfac Île-de-France où 2000 étudiant.e.s se sont rassemblé.e.s, français et étranger.e.s. à l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales). D’autres militant.e.s ont prôné le rassemblement impossible avec les gilets jaunes au risque de faire tomber les étudiant.e.s parfois sans papiers dans les mains de la police. Le 5 décembre une manifestation plus consensuelle qui rassembla 2000 étudiants est partie de la place du colonel Fabien où se trouve Campus France, système inique qui extorque des milliers d’euros aux étudiant.e.s étranger.e.s pour le droit de pouvoir venir étudier en France. Et à rallier sans autorisation la gare de Lyon où les gendarmes mobiles se sont entraînés à gazer les étudiant.e.s. Malheureusement le manque de perspective a permis aux autonomes de s’engouffrer et de pousser à des blocages stériles que ce soit à Tolbiac ou à Saint Denis bien que leurs manoeuvres ont été mises en déroute à Paris 8. A Nanterre les étudiant.e.s échaudé.e.s par le refus de l’administration de soutenir les étudiant.e.s sans fac durant la première partie du semestre ont réussi à mettre la pression sur l’université en votant le report des partiels. En mesure de rétorsion, le lendemain du nouvel an, Jean-François Balaudé a décidé de frapper fort en interdisant à deux étudiants mobilisés de Nanterre l’accès à l’université à partir de la rentrée de janvier. Victor Mendez est un élu étudiant issu de la Minorité combative de l’UNEF à la commission de la vie universitaire (CFVU) déjà en proie à la répression. En effet, le 9 avril dernier, lors du mouvement du printemps dernier, sept étudiants ont été arrêtés lors d’une AG suite à l’intervention des CRS, demandée par la présidence. Trois d’entre eux ont eu des poursuites judiciaires aboutissant le 17 octobre dernier à la condamnation de Victor à quatre mois de prison avec sursis et à six mois de prison ferme pour Roga, un autre étudiant militant. Ils ont tous les deux fait appel de leur condamnation. La présidence avait pourtant promis de le soutenir, mais fait aujourd’hui tout le contraire. Un rassemblement de soutien est prévu mardi 8 janvier à 12h30 devant le bâtiment B de la fac de Nanterre.
Malheureusement les tentatives de convergences entre lycéen.ne.s et étudiant.e.s ont été inexistantes, celle avec le monde du travail faible hormis à Nanterre mais aussi à Toulouse notamment grâce au travail de Solidaires Etudiant.e.s, malgré le corporatisme de la fédération à peine audible dans la mobilisation, tout comme l’UNEF au niveau national. Les perspectives sont aujourd’hui juridiques avec un recours devant le Conseil d’État, de la part des étudiant.e.s étranger.e.s uniquement pour contrer cette décision ultra-capitaliste. En cette rentrée les lycéen.ne.s appellent à une journée de mobilisation mardi 8 janvier alors que les étudiant.e.s eux appellent à un rassemblement à 14.30 devant le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
JSB JC92, mis en ligne lundi 7 janvier 2019.