La récente élection de Jaïr Bolsonaro à la tête de l’état brésilien est le résultat d’une part de la faillite politique et morale de la direction du Parti des Travailleurs et annonce pour la prochaine période une intensification de la lutte des classes.
Lors de l’élection présidentielle brésilienne, le candidat ultra-conservateur Jaïr Bolsonaro a remporté 55% des voix, contre 45% pour le candidat du Parti des Travailleurs, Fernando Haddad. Sa victoire signifie l’ouverture d’une offensive réactionnaire majeure, dirigée contre les travailleurs et les couches populaires les plus pauvres du pays, au profit des grandes corporations brésiliennes et étrangères qui ont appuyé sa candidature. La campagne électorale était particulièrement tendue, marquée par de nombreuses interventions violentes des forces de l’ordre contre des rassemblements des organisations syndicales et des partis de gauche.
Une responsabilité historique du Parti des Travailleurs
L’arrivée au pouvoir de Jaïr Bolsonaro s’explique par la profonde crise économique et sociale et surtout par la faillite politique du principal parti d’opposition, le Parti des Travailleurs. Porté au pouvoir sous la direction de Luiz Inácio Lula da Silva, plus connu sous le nom de « Lula », en 2002, le Parti des Travailleurs a aussitôt abandonné toute prétention de lutte contre le système capitaliste. Malgré quelques réformes positives, Lula a appliqué une politique d’austérité dans le cadre des accords avec le FMI et, de manière générale, s’est contenté de gérer l’Etat dans les intérêts de la classe dirigeante. Dilma Rousseff, élue en 2010, a fait de même, allant jusqu’à nommer un ministre des finances issu du FMI, dans le contexte d’une récession économique qui a commencé en 2014. Elle a lancé un programme de privatisations de grande envergure, considérablement aggravé la politique de régression sociale et introduit de nombreuses restrictions sur le droit de grève et de protestation. Dilma a été destituée et Lula, malgré l’absence de preuves contre lui, a été jugé coupable de corruption, incarcéré et interdit de se présenter à l’élection présidentielle. Le taux d’abstention était très élevé (21%) pour un pays où le vote est légalement obligatoire, exprimant la démoralisation et la démobilisation de l’électorat du Parti des Travailleurs. La gauche, en trahissant les aspirations de sa propre base sociale pour appliquer une politique de droite, a préparé le terrain pour la victoire des forces ouvertement réactionnaires.
De même que les espoirs soulevés par la révolution dans sa phase ascendante étaient un facteur de mobilisation à travers l’Amérique Latine, son enlisement et son échec ne peut que favoriser les forces contre-révolutionnaires sur l’ensemble du continent.
Le candidat du Parti des Travailleurs Fernando Haddad a mené campagne sur la base d’une plateforme de « modération », essayant de séduire les mêmes politiciens qui avaient poignardé Lula et Dilma dans le dos. Ceci a permis à Bolsonaro de se présenter comme le candidat du « changement ». Il a pu exploiter le bilan misérable des gouvernements du Parti des Travailleurss depuis 2002 et, au passage, le résultat désastreux de l’échec de la révolution vénézuélienne, comme des arguments contre le « communisme ». La profonde crise économique et sociale qui frappe le Venezuela n’est pas, en réalité, la conséquence de la révolution, mais bien au contraire, la conséquence de ne pas avoir mené le processus révolutionnaire jusqu’au bout. Malgré ses qualités indiscutables, Chavez n’avait pas réussi à mobiliser les masses qui le soutenaient pour briser le pouvoir des capitalistes et avec sa mort, la révolution, bloquée par l’arrivisme, la corruption et le conservatisme de la bureaucratie « bolivarienne », s’est effectivement arrêtée à mi-chemin. De même que les espoirs soulevés par la révolution dans sa phase ascendante étaient un facteur de mobilisation à travers l’Amérique Latine, son enlisement et son échec ne peut que favoriser les forces contre-révolutionnaires sur l’ensemble du continent.
Une intensification de la lutte des classes
Bolsonaro s’attaquera désormais aux retraites et aux allocations. Il a qualifié les millions de pauvres qui ne survivent que grâce aux allocations sociales comme autant de « voleurs et de criminels ». Il procédera à la privatisation de ce qui reste du secteur public brésilien, sous les applaudissements des « marchés » – c’est-à-dire des milieux de la spéculation financière. Il s’est engagé à lever les restrictions – déjà très insuffisantes – sur la destruction de la forêt amazonienne. Notoirement misogyne, il est contre le droit à l’avortement. Il désigne le « communisme » comme son ennemi principal. Il se dit plein d’admiration pour la dictature militaire de 1964-1985, responsable de la torture et l’incarcération de plusieurs dizaines de milliers d’opposants dont 434 ont été assassinés selon une commission anciennement créée par Dilma Rousseff en 2011 et qui a rendu ses travaux en 2014. Non content de cela, il déclare sans ambages regretter que ce travail d’extermination n’ait pas été mené « jusqu’au bout ».
Cependant, tôt ou tard, la politique réactionnaire de ce nouveau régime ne manquera pas de provoquer un mouvement de résistance de la part des travailleurs brésiliens. La puissance potentielle de cette résistance sera largement renforcée si les enseignements de l’expérience de ces dernières années sont correctement assimilés par les travailleurs et la jeunesse du pays. La direction du Parti des Travailleurs, en se retournant contre sa propre base, a créé une situation chaotique et semé beaucoup de confusion. Le réformisme, qui se contente de demi-mesures et de changements superficiels, qui n’ose pas toucher à la source du pouvoir de la classe capitaliste – la propriété des banques, de la terre, de l’industrie etc. – a fait la démonstration de son impuissance. Il est grand temps de renouer avec les grandes traditions révolutionnaires des travailleurs brésiliens et de réarmer leurs organisations syndicales et politiques avec une politique qui ne cherche pas à gérer « autrement » le système capitaliste, mais qui ouvre la perspective de son abolition et de l’émancipation sociale et politique des travailleurs et de tous les opprimés par l’expropriation révolutionnaire des exploiteurs.
Greg Oxley, PCF 10e