Le temps de travail socialement nécessaire est le seul qui compte dans la formation de la valeur.
(Marx, Le Capital)
Le temps de travail mesure la valeur d’échange
Dans notre économie où domine l’échange, la production capitaliste est une production d’échange. Le producteur ne fabrique pas pour subvenir à ses propres besoins, ni à ceux de ses proches, mais pour les présenter sur le marché pour les échanger contre d’autres produits dont il a besoin. Le marché est le lieu de rencontre des producteurs, et sur ce marché un produit peut s’échanger contre un nombre plus ou moins important d’autres produits, selon la valeur des produits.
“Ce qui a de la valeur, c’est ce qui nous est utile.” C’est ce que nous pouvons entendre comme explication. Il est vrai qu’un verre d’eau lorsqu’on a marché des heures sous le soleil a énormément de valeur, mais chez soi il nous suffit de tourner le robinet pour se servir et de pouvoir se réhydrater avant d’avoir soif. Cette valeur d’usage est donc purement relative. Pour aller plus loin dans le raisonnement, ouvrir la fenêtre pour renouveler l’air de la chambre où dort un bébé est très utile mais n’a aucune valeur d’échange entre un consommateur et un vendeur, si ce n’est au moment de l’achat de la fenêtre.
Le marché est un lieu où un nombre indéfini de producteurs peuvent proposer une même marchandise et où un nombre indéfini de consommateurs veulent se la procurer.
Imaginons des fabricants qui produisent des téléphones et des tablettes et les mettent en vente sur le marché. Si la vente des tablettes est plus rémunératrice que celle des téléphones, les fabricants favoriseront la production de tablettes. Comme comparativement aux téléphones plus de tablettes seront mises sur le marché, le prix des tablettes aura tendance à diminuer, tandis que celui des téléphones aura tendance à augmenter. Mais comment va s’établir l’équilibre ? Ou quelle est la proportion moyenne où on échangera un certain nombre de téléphones contre un certain nombre de tablettes, c’est-à-dire quelle est la valeur des téléphones et la valeur des tablettes ?
“La valeur d’un produit s’établit en fonction de l’offre et de la demande.” C’est ce qu’on entend souvent. “Si le prix des téléphones augmente c’est qu’on n’en produit pas assez, et si le prix baisse c’est qu’on en produit trop.” Cependant, sur le marché, cela ne fonctionne pas de cette manière, puisque si les fabricants de téléphones déversaient des quantités énormes de téléphones, le prix ne descendrait pas au dessous d’un certain seuil, si tant est qu’ils puissent augmenter de manière infinie leur production. Et d’un autre côté, ils ne diminueraient pas de manière indéfinie sans passer à un autre produit. Ce que l’on peut retenir, c’est qu’entre ces oscillations plus ou moins importantes, il existe une valeur moyenne.
“Ce n’est pas parce que la mer connaît une marée haute et une marée basse qu’on ne peut pas chercher son niveau moyen”
Ce n’est pas parce que la mer connaît une marée haute et une marée basse qu’on ne peut pas chercher son niveau moyen. Comment établir cette valeur moyenne pour tous les produits mis en vente sur le marché? Il faut trouver un dénominateur commun à l’ensemble de ces produits. Le seul facteur qui soit commun à toutes les marchandises est le travail nécessaire à leur production.
C’est donc le temps de travail nécessaire à la production des marchandises qui détermine la valeur d’échange, autour de laquelle des oscillations existent en fonction de l’offre et de la demande.
Le temps de travail socialement nécessaire : une précision importante
Pourtant, pour la personne qui s’est fixé comme objectif dans la vie de remplir son compte en banque personnel, ce sont ces variations entre l’offre et la demande qui vont faire les hauts et les bas de son existence. Mais pour la personne qui souhaite construire une autre société, pour elle et pour l’humanité à laquelle elle appartient, rien de plus révolutionnaire que de découvrir que c’est le travail qui détermine la valeur d’échange.
On pourra nous provoquer de cette manière : “Les machines et les robots produisent des marchandises, et même plus vite et de meilleure qualité”. Cela est vrai mais l’utilisation de machines nécessite également du temps de travail humain (pour leur conception et leur entretien). De plus, si elles permettent la production de marchandises, elles ne sont pas génératrices de plus-value puisque leur valeur diminue au fur et à mesure de la production des marchandises. C’est ce qu’on appelle l’amortissement dans le coût de revient d’une marchandise.
D’ailleurs le coût de revient comprend également les matières premières, les outillages, les locaux, la manutention, la gestion…Mais la valeur de chacun de ces produits est au final déterminée par le travail qu’ils exigent. Par exemple, la valeur du minerai de fer dépend du travail que son extraction va demander. Une machine ou un robot a demandé des heures de travail de fabrication, de mise au point, de dépannages, de maintenance…et n’est en fin de compte que du travail cristallisé.
Mais on nous dira “Comment comparer le travail d’un ingénieur qui met au point un robot avec le travail de l’ouvrier qui va le monter ?” Le marché (qu’on appelle marché du travail) réduit l’équation au même dénominateur : si 1 heure de travail de l’ingénieur est estimée plus chère qu’1 heure de l’ouvrier, alors plus de jeunes souhaiteront se tourner vers la formation d’ingénieurs. De même entre les différentes branches d’activités, comme la mécanique, la restauration, l’architecture etc….
“La valeur d’une marchandise peut être plus précisément énoncée en disant qu’elle est le temps de travail socialement nécessaire à sa production”
Lorsque tous ces facteurs (durée des études et de l’apprentissage, qualité et compétences dans le travail…) sont pris en compte, on peut établir que, par exemple, 1 heure de travail de technicien en laboratoire équivaut à 1 heure trente minutes de technicien de production etc…La valeur d’une marchandise peut être plus précisément énoncée en disant qu’elle est le temps de travail socialement nécessaire à sa production.
Un concept révolutionnaire
En réalité cette valeur ne s’exprime jamais directement, mais indirectement par échange avec une autre marchandise contenant la même quantité de travail socialement nécessaire.
Cette découverte de Marx – la théorie de la valeur travail – permet de comprendre les tendances à long terme des prix des marchandises qui suivent une courbe dépendant du temps de travail, et donc des progrès des technologies et de la productivité.
Grâce à cette théorie, nous pouvons saisir, dans le système capitaliste, le caractère social de la production et l’appropriation privée des produits du travail, et pressentir un système socialiste qui permettrait une véritable planification rationnelle, avec le caractère social de la production et l’appropriation sociale des produits du travail.
La rédaction