Nous avons eu l’occasion de suivre la grève des facteurs de la plaque de Saint-Germain-en-Laye. Cette plaque distribue le courrier pour 25 communes des Yvelines, parmi les plus importantes comme Poissy, Marly-le-Roi, Conflans Saint-Honoré et Noisy-le-Roi.
Le mercredi 9 décembre, les facteurs de Neuilly-sur-Seine (92) sont en grève à 80 % depuis le 29 octobre 2015. Ils se battent contre la suppression de 8 tournées, la mise en place d’une surcharge de travail pour les facteurs en cas de maladie de leurs collègues, et la délocalisation d’un service de livraison. C’est la troisième réorganisation qu’ils subissent. Cette fois, c’en est trop. Les collègues du 92 sont venus dans l’établissement de Saint-Germain afin de s’exprimer devant leurs camarades, car le problème existe dans les deux établissements. L’établissement de Saint-Germain avait subi la suppression de 11 tournées, en octobre dernier. Certains facteurs cumulent plus de 50 heures supplémentaires en un mois. La Poste refuse de payer les dépassements d’horaire.
Alors que les facteurs de Neuilly s’exprimaient devant leurs collègues de Saint-Germain, la direction de Saint-Germain a appelé la police. En plein État d’urgence, le responsable du site a déclaré que « des éléments étrangers se seraient introduits sur le site ». La police a débarqué massivement, mitraillette à la main, suivie des renseignements généraux et un huissier de justice. La réalité est que le secrétaire départemental du syndicat SUD 92 avait décliné l’identité des présents et que les représentants départementaux CGT 78 étaient également présents.
Il a été décidé qu’un préavis de grève, à l’appel de la CGT 78 et FO 78, serait déposé pour les sites de Saint Germain, Chanteloup, Noisy-le-Roi et Conflans, pour le vendredi 11 décembre. Les syndicats réclamaient la création de 6 tournées sur Saint Germain, la refonte de la réorganisation et un certain nombre de garanties pour les prochaines réorganisations.
Craignant l’ampleur de la grève et les problèmes que cela allait engendrer pour la distribution des plis électoraux, la Poste a réquisitionné ses cadres jusqu’à 1 h 0 du matin, afin de trier les plis électoraux sur les sites en grève. Le jeudi matin, les facteurs de Saint-Germain et Chanteloup ont trouvé les portes de la Poste fermées. La direction de la Poste faisait rentrer les facteurs au compte-goutte, en leur mettant la pression pour qu’ils distribuent l’intégralité des plis électoraux en un jour : « Soit vous rentrez et vous vous occupez des plis électoraux, soit vous repartez ! » La Poste forçait ainsi la main pour que les facteurs se mettent en grève.
Le vendredi 11 décembre, la direction de la Poste a bloqué l’accès au site et fait rentrer un par un les facteurs sous la menace suivante : « Vous signez la feuille de présence tout de suite et si vous décidez de ne pas travailler vous serez en absence irrégulière ». Les cadres étaient alors accompagnés d’un huissier de justice et de deux vigiles sur le site de Saint-Germain. On remarque que la Poste n’a pas d’argent pour ses agents, mais elle peut payer plusieurs huissiers de justice (400€ par heure) et des vigiles pour intimider les facteurs. 80 facteurs de Saint-Germain et Chanteloup ont rejoint le mouvement.
Plusieurs grévistes se sont vus menacés par téléphone, à leur domicile, de mise en absence irrégulière et abandon de poste, s’ils ne reprenaient pas le travail immédiatement.
Mais le mercredi 16 décembre, la direction de la Poste de Saint-Germain a enfin décidé de négocier. De grosses avancées ont été faites après 7 jours de grève. La Poste s’engage à la refonte de la réorganisation des tournées de Saint-Germain, mais refuse la création de nouvelles tournées. Le paiement de 900 heures supplémentaires, le recrutement de 5 agents en CDI, la négociation d’un accord local sur une prime pour l’ensemble des agents de la plaque courrier.
Malgré des avancées certaines, un point de blocage restait fort. Les représentants du personnel ont pris très au sérieux les menaces de la direction sur les sanctions disciplinaires. En effet, face aux menaces, les agents réclamaient que la phrase « aucune sanction pour les grévistes et les représentants du personnel » soit inscrite dans le protocole. La grève aurait pu s’arrêter mercredi si la direction de la Poste ne s’était pas engagée dans une logique de vengeance imbécile. La grève fut alors reconduite le lendemain.
Le vendredi 18 décembre, alors que se déroulait le CHSCT départemental de la Poste (avec la direction départementale et l’ensemble des organisations syndicales), les grévistes ont voulu interpeller les syndicats qui n’étaient pas engagés dans la grève, à savoir la CDFT et SUD 78, mais également la direction départementale des Yvelines. La CGT a alors fait une déclaration préalable afin que la direction du 78 s’engage à débloquer la situation. Cet appel à négociation fut alors joint d’un préavis de grève départementale pour la semaine suivante, si jamais aucune solution n’était trouvée à Saint-Germain.
Lundi 21 décembre, après 10 jours de grève, beaucoup de facteurs ont été contraints de reprendre le travail pour des raisons financières. Il restait cependant encore plus d’une vingtaine de courageux facteurs pour tenir bon face aux menaces. Le lundi matin, à 7 h, une ultime tentative de négociation fut entamée, mais la direction ne voulait rien lâcher. Forte de la reprise des autres collègues, elle a menacé de retirer les cinq CDI si le protocole n’était pas signé le jour même.
Les débats furent animés entre les grévistes, quant à la décision à prendre. « Prenons-nous le risque de tout perdre ? Combien de temps allons-nous pouvoir tenir ? Combien de collègues allaient devoir reprendre ? Pouvons-nous tenir jusqu’à la rentrée 2016 ? ». Il est clair que le rapport de force avait changé. Après 12 jours de grève, à 11 voix pour la reprise, 7 voix contre et quelques abstentions, il fut décidé de signer le protocole de fin de conflit afin de garantir les acquis de la lutte. Cependant, il était impossible de reprendre tout de suite. Les grévistes exigeaient que les jours de grève soient étalés sur 4 mois et payés pour une partie d’entre eux et que la lutte allait se poursuivre au tribunal si la Poste persistait dans sa logique de vengeance. Finalement, la direction a cédé sur ces dernières revendications et la grève prit alors fin.
La lutte fut rude et psychologiquement difficile, mais obtenir 5 CDI à l’heure où la Poste supprime du personnel est clairement une grande victoire pour les facteurs. Aucune sanction n’a eu lieu à l’heure où nous écrivons ces lignes, mais la CGT est clairement déterminée à ne pas en rester là. Systématiquement, toute sanction prise contre les facteurs sera attaquée aux Prud’hommes. A côté de cela, l’Inspection du Travail a déjà été mise au courant de toutes les entraves syndicales qui ont eu lieu pendant ce conflit. A ce titre, l’Inspection du Travail nous confirme que la direction départementale 78 sera convoquée prochainement afin d’éclaircir la situation et de mettre fin aux menaces.
Fabien Lecomte CGT, PCF