Chaque mois, les médias et les politiciens attendent avec impatience les nouveaux chiffres du chômage.
Ils scrutent le moindre indice sur le visage des ministres concernés. Suivant la moue qu’ils font, les médias nous assènent des « petites embellies pour l’emploi » ou « Michel Sapin avait mis ses lunettes noires, signe que les chiffres du mois seront mauvais » et autres banalités du genre pour nous faire croire qu’ils savent ce que personne ne sait sauf l’INSEE et le ministre !
Les ministres concernés ont compris cette course folle à l’info et en jouent avec les médias. Selon les chiffres qu’ils connaissent déjà, ils arpentent les plateaux de télévision ou de radio, essayant de préparer le terrain à l’annonce qu’ils feront un peu plus tard.
Les politiques, journalistes et économistes prennent ce chiffre comme une sorte de température du corps social. Ce n’est pas totalement faux. Il fait partie des indicateurs importants, mais il est loin d’être le seul !
Alors, il est toujours tentant pour les gouvernants d’essayer de truquer le thermomètre pour faire « baisser la température » artificiellement, quand bien même celle-ci continuerait d’augmenter ou de stagner. Ou bien d’atténuer la signification du chiffre en cherchant des « pathologies » moins inquiétantes !
Le gouvernement socialiste a tenté d’user de ces stratagèmes. En août 2013 une erreur (plutôt commode) de relance par SMS avait fait baisser le nombre de 1,5% en un mois, en radiant plus que de raison des demandeurs d’emploi qui n’avaient pas à l’être.
Mais en deux autres mois en 2015, le gouvernement a fait encore plus fort. Les chiffres de mai, avec une hausse de 16000 inscrits en plus, furent l’occasion pour Michel Sapin de nous trouver la meilleure excuse possible à cette hausse ! Il paraîtrait que les chômeurs se soient inscrits plus que d’habitude, ce qui expliquerait ce mauvais chiffre !
Les licenciés de tout poil ne doivent pas être très « Charlie ». Ils savent que l’économie française va mal, et tout ce qu’ils trouvent à faire lorsqu’ils se retrouvent sans emploi, c’est courir à Pôle Emploi pour s’inscrire ! On comprend Michel Sapin. Coluche n’aurait pas dit mieux : « Quand on pense qu’il suffirait que les chômeurs ne s’inscrivent pas pour que le chômage baisse ! ».
Les chiffres du mois de juin furent bien meilleurs avec une hausse de « seulement » 1300 chômeurs en plus ! Rebsamen, Sapin, Valls et même Hollande pavoisaient ! Mais à trop vouloir en faire, on se fait prendre. On apprend que c’est en fait une « meilleure classification » des chômeurs qui a permis cette « petite » hausse, qui, d’après nos ministres Coué, serait le signe d’une reprise qui s’amorce.
Cela relève d’une tromperie dont personne ne parle. En effet, le chiffre du chômage qui nous est donné régulièrement, à plus de 3,55 millions, concerne uniquement ceux de la catégorie A. Si on y ajoute les catégories B et C, on arrive à 5,4 millions. Et avec les catégories A, B, C, D et E nous atteignons 6,07 millions, rien que pour la France métropolitaine ! On ne sait pas pourquoi (mais on le devine) le taux impressionnant de chômage dans les DOM n’est pas comptabilisé. Est-ce que des chômeurs majoritairement noirs n’ont pas à être comptabilisés, peut-être ?
On connait la réalité des catégories – un chômeur en formation est en catégorie D, un licencié qui accepte un contrat de sécurisation professionnelle CSP est en catégorie E pour le temps de la CSP etc. – et la facilité avec laquelle Pôle Emploi radie (environ 50 000 par mois pour raisons administratives et plus de 150 000 pour défauts d’actualisation, soit au total environ 200 à 300 000 radiations par mois !).
En tout état de cause, depuis 2008, juste pour la catégorie A, il y a eu une augmentation de plus de 65% ! Le nombre de personnes en sous-activité atteint surement plus de 10 millions. Chaque mois qui passe, un chômeur s’appauvrit un peu plus. Alors, il est clair que nos conditions de vie, pour la majorité des salariés, se dégradent de plus en plus avec ou sans emploi.
En finir avec le chômage, ce serait en finir avec un immense gâchis. Tous ces hommes et femmes qui veulent contribuer à la richesse de la société, pour eux et pour leurs enfants, en sont empêchés par l’anarchie de la production capitaliste qui est la cause de la crise que nous connaissons actuellement.
Sylvain Roch, PCF et CGT (Tulle)