Depuis l’élection de François Hollande en 2012 et les deux gouvernements successifs d’Ayrault puis de Valls, il n’y a eu pour ainsi dire aucune mesure ayant permis d’améliorer les conditions sociales de l’ensemble des salariés, étudiants, chômeurs ou retraités. Toutes les réformes mises en place n’ont fait que démontrer que l’ennemi n’était non pas « le monde de la finance » comme le prétendait au moment de sa campagne l’actuel président, mais bien ceux qui sont esclaves des intérêts de cet « ennemi », les travailleurs salariés.
Il fallait bien être naïf au regard du programme du parti socialiste proposé pendant la campagne électorale des présidentielles de 2012 pour s’attendre à de grandes avancées sociales. En dépit des effets d’annonce qui n’avaient qu’un but purement démagogique, Hollande a gardé le cap qu’il s’était fixé – à savoir la gestion du capitalisme et de ses conséquences. Il est évident que dans le contexte actuel cela n’est pas sans provoquer des remous au sein même des rangs du PS. La dernière réforme imposée par le gouvernement en est la preuve. La loi Macron, loi fourre-tout, avec ses 254 articles dont nous avions présenté dans un numéro précédent les grandes lignes idéologiques, qui entraine une régression sociale pour l’ensemble des salariés, précarise leurs conditions de travail en portant atteinte à leurs moyens de défense et en accentuant la libéralisation de l’économie, a divisé les parlementaires PS. Le gouvernement s’est vu obligé d’avoir recours à l’article 49.3 de la constitution lui permettant d’imposer son projet et d’éviter le rejet de la loi par une partie de ses troupes. Quant à la droite dans sa posture d’opposition, elle ne conteste pas cette loi dans ses principes généraux, mais lui reproche son manque « d’agressivité ».
Aujourd’hui cette loi présentée aux sénateurs ne devrait pas rencontrer d’opposition de principe dans un sénat reconquis par la droite. Une loi d’un gouvernement de « gauche » soutenue par la droite représentant la politique des intérêts du capital, et contestée par une partie de la gauche, ne fait que démontrer la vraie nature de ce gouvernement : un gouvernement au service de la classe capitaliste qui impose la régression sociale pour préserver ses intérêts .
Depuis 2008 les régimes capitalistes, et plus particulièrement les pays les plus avancés, sont entrés dans une profonde crise. Le système capitaliste est arrivé à bout de souffle. Il n’est plus capable de tirer les conditions d’existence vers le haut. Au contraire, la classe capitaliste cherche à détruire toutes les conquêtes sociales du passé, devenues des obstacles au bon déroulement du système. Le gouvernement est chargé de légiférer, et par la même occasion se place en défenseur du capital. Il n’y a d’autre choix pour ce gouvernement en acceptant le système capitaliste que de soumettre le pouvoir politique au pouvoir économique. Pour cela le gouvernement dans sa complète perdition idéologique face aux problèmes économiques s’en remet au MEDEF. Aucune des lois mises en place depuis 2012 ne s’est faite dans son élaboration sans la participation active du MEDEF : ANI sur la « sécurisation de l’emploi », CICE (crédit impôt compétitivité emploi), pacte de responsabilité ou loi Macron. Toutes ces lois ont comme dénominateur commun l’augmentation des marges des entreprises. Il s’agit là de l’idéologie dominante selon laquelle pour retrouver la croissance et espérer diminuer le chômage, les entreprises doivent dégager des marges plus conséquentes. Toutes ces lois offrent des facilités, des marges de manœuvre et autres avantages fiscaux au patronat pour lui laisser les mains libres plus que jamais. Le système capitaliste est divisé en classes aux intérêts inconciliables.
Si cet antagonisme d’intérêt peut paraître estompé en période de forte croissance, dans les situations de crise comme nous le vivons actuellement il prend un caractère aigu.
Aucune des mesures prises par le gouvernement n’a été capable d’endiguer la montée du chômage. Il y a cependant une légère reprise économique ces dernières semaines. D’après les dernières prévisions de l’INSEE, les chiffres de la croissance seraient en augmentation de 0,4% au premier trimestre et de 0,3% pour le second. Ces chiffres ne traduisent pas une véritable relance de l’économie française. Ils dépendent notamment de la politique monétaire. La récente politique de la BCE a été d’injecter de la liquidité dans l’économie, ce qui a eu pour conséquence une dépréciation de l’euro en baisse de 27,8% par rapport au dollar. Dans ces circonstances, le marché mondial, dont la monnaie de référence est le dollar, offre des conditions favorables aux exportations françaises. Cependant, la balance commerciale française est toujours massivement déficitaire, ce qui veut dire grossièrement que la baisse de l’euro aura des conséquences sur le pouvoir d’achat et cette « reprise » ne signifie nullement une amélioration du niveau de vie des salariés bien au contraire. La crise économique est la conséquence de la sursaturation des marchés. Les profits ne peuvent repartir à la hausse qu’au détriment des salaires. Toute la politique économique du gouvernement est conforme à cette vérité implacable. Les propos de Manuel Valls ne sont qu’hypocrisie lorsqu’il se plaint que le patronat ne joue pas le jeu, que les promesses d’embauches ne sont pas au rendez-vous malgré tous les avantages fiscaux que le gouvernement lui a octroyés. Cela ne fait que démontrer le rôle parasitaire que la classe capitaliste joue dans la société. Le chômage aujourd’hui à 10% ne cesse d’augmenter sur le long terme.
Valls nous demande de faire confiance au patronat en ce qui concerne l’investissement productif et la répartition des richesses alors que son seul but est l’augmentation des profits. Il faut être un fieffé réformiste pour croire à un changement de cap, ou à une possible amélioration sans remettre en cause la propriété privée des moyens de production et d’échange. Toute politique qui ne remet pas en cause ce fondement du capitalisme n’aboutira qu’à la capitulation et à son propre asservissement aux intérêts de la classe capitaliste.
De nouvelles mesures de casse sociale sont prévues. Le MEDEF l’exige, le gouvernement s’exécute. Une série d’annonces a été faite en ce sens comme le projet de loi Macron 2 portant sur l’investissement privé, le numérique et les PME. Un projet de loi sur le dialogue social devrait aussi voir le jour. Son but sera de permettre à l’entreprise de s’exonérer davantage de ses responsabilités vis-à-vis de ses salariés en cassant tous les leviers permettant à un salarié de pouvoir se défendre face à l’arbitraire patronal. Il faut « lever le frein de la peur de l’embauche » selon Valls. La philosophie est d’assouplir les conditions de licenciement pour les PME et TPE pour commencer. Cette réforme obligerait à un aménagement du CDI, permettant de licencier des salariés sur un éventail plus large de prétextes, par exemple « l’évolution du marché », et non plus de réels problèmes économiques. Le salarié se verrait alors privé de la possibilité de se défendre aux Prud’hommes. Avec un CDI vidé de son contenu les salariés seront dépossédés de toute forme de sécurité de l’emploi, et à la merci du bon vouloir des capitalistes. Cette nouvelle forme du CDI est largement soutenue par des économistes comme Jean Tirole, récent lauréat du prix Nobel d’économie. On sait que cette distinction ne peut être obtenue que par des personnes se situant dans le courant de l’idéologie dominante, par des théoriciens serviteurs du capitalisme. Jean Tirole n’accepte pas que les licenciements doivent être justifiés par de réelles difficultés économiques. Ce genre d’économiste plaide pour la soumission totale de l’homme à l’économie capitaliste et le MEDEF tire bénéfice de l’autorité d’un prix Nobel.
Le capitalisme ne permet plus à l’humanité de se hisser vers le haut. Toutes les mesures en préparation ne sont que retour en arrière. Il n’y a aucune autre alternative sous le régime capitaliste, régime économique en putréfaction. La tâche du mouvement ouvrier n’est pas seulement de défendre les restes des acquis sociaux mais aussi de proposer un programme de rupture avec le régime capitaliste responsable de tous les maux de la société.
Gauthier Hordel PCF CGT