Les récentes noyades en masse d’émigrants fuyant la guerre et la misère ne sont malheureusement que les derniers épisodes dans l’histoire longue et tragique des migrations illégales vers l’Europe sur la Méditerranée. Au total, les trois grands naufrages d’octobre et d’avril ont coûté la vie à environ 1600 personnes. Au moins 1750 personnes se sont noyées depuis le début de l’année. Entre 2000 et 2015, les pertes de vie recensées s’élèvent à 25000. Et la réalité est sans doute beaucoup plus grave.
Le fait que tant de personnes tentent la traversée malgré les dangers témoigne de la misère, du désespoir et des dangers encore plus terribles qui existent dans de nombreux pays africains et au Proche Orient. Il témoigne aussi de l’activité criminelle des trafiquants qui font fortune en vendant les places dans ces embarcations de fortune, mais surtout de la politique tout aussi inhumaine des Etats membres de l’Union Européenne, dont les efforts financiers et logistiques sont beaucoup plus tournés vers la sécurité des frontières que vers celle des migrants en danger de mort. Il est vrai que plus de 200 000 personnes ont été secourues par la marine italienne. Il n’empêche que les moyens de surveillance très sophistiqués qui existent auraient pu empêcher de nombreuses catastrophes, par exemple en déclenchant des opérations de sauvetage avant que les bateaux n’entrent dans des zones maritimes fortement agitées.
Après les naufrages du mois d’avril, l’Union Européenne a organisé un « sommet d’urgence » au sujet de l’immigration clandestine. Cependant, aucune décision susceptible de changer la situation n’a été prise. Le gouvernement italien a demandé une participation financière et logistique plus importante de la part des Etats membres de l’UE concernant les opérations de sauvetage. Mais de nombreux gouvernements pensent tout bas ce que le gouvernement britannique a dit tout haut, à savoir qu’un renforcement du dispositif de sauvetage en mer ne ferait qu’encourager les migrants.
Or, les gouvernements des grandes puissances européennes et des Etats-Unis sont très largement responsables de la catastrophe économique, sociale et humanitaire qui sévit dans les pays d’origine des réfugiés. Selon les Nations-Unies, plus de 500 000 personnes sont entassées dans des campements le long de la côté libyenne, en attente d’une embarcation. La Libye compte près de 2 millions de réfugiés au total, en conséquence de la guerre contre Kadhafi déclenchée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis en 2011, soutenant les forces djihadistes, dont Al Qaïda et les milices qui se sont coalisées depuis pour former « Etat Islamique ». De même, l’intervention en Syrie, initialement en appui des mêmes forces fondamentalistes et visant cette fois-ci à renverser le régime de Bachar El-Assad a ouvert à son tour une période de guerre civile et de terribles souffrances pour la population. Le peuple syrien est pris en tenaille entre les forces armées du régime et les milices d’« Etat Islamique ». L’impérialisme français est fortement engagé au Niger, au Tchad, au Mali, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie, au Cameroun, en République Centrafricaine et dans de nombreux autres pays frappés par la pauvreté, la famine et la guerre. Le blocus et le bombardement de Gaza ont produit, eux aussi, un nombre important de réfugiés. Les interventions impérialistes successives au Moyen Orient depuis un quart de siècle, avec pour objectif de s’assurer du contrôle des ressources pétrolières et renforcer la position stratégique des Etats-Unis, ont déstabilisé toute la région.
La Riposte