Parmi les traditions du PCF et du mouvement ouvrier, il y a celle des cotisations des militants, qui vise à garantir à l’indépendance financière de nos organisations – condition indispensable pour une indépendance politique. Le PCF se distingue également par le fait que chaque élu reverse au parti la totalité du salaire lié à sa fonction et, en retour, reçoit du parti une indemnisation financière. Cette mesure est une application d’un principe qui remonte à la Commune de 1871 selon lequel les élus ne doivent pas gagner plus qu’un ouvrier qualifié. C’est un principe qui protège le parti du carrièrisme, dans une certaine mesure.
Le problème, c’est qu’en se penchant sur la répartition actuelle des recettes nationales du PCF, on constate que les indemnités des élus en constituent la majorité : 46% à l’échelle nationale, selon les chiffres de 2011. Viennent ensuite les dons (16%), puis le financement public (12%), et ensuite seulement les cotisations des adhérents (10%). La somme des indemnités des élus et le financement public représentent 58% du budget du PCF. Autrement dit, plus de la moitié du budget du parti dépend directement ou indirectement d’institutions officielles, c’est-à-dire de l’Etat. Et cette situation de dépendance financière, partielle mais conséquente, menace l’indépendance politique du parti.
En pratique, le poids de ces indemnités dans notre budget fait qu’elles pèsent lourd dans le débat sur les alliances électorales, bien plus que si nos ressources n’étaient pas dépendantes de l’argent public. Cela multiplie le risque d’effacement politique en nous entraînant notamment dans l’erreur qui consiste à confondre – consciemment ou non – les élections avec une bataille financière. Il s’agit bel et bien d’une bataille politique. Débuter les négociations pour une alliance électorale sur le nombre de candidats éligibles ou sur la répartition des postes à responsabilité puis poser secondairement la question du programme revient à prendre le problème à l’envers. Beaucoup de camarades nous diront que ceci est une évidence, et qu’il n’est finalement même pas nécessaire de discuter de ce lieu commun. Mais quand vient l’heure des débats et des prises de décisions, cette « évidence » est maquillée derrière une série d’arguments qui, comme nous l’avons dénoncé lors des débats sur les dernières municipales à Paris, repose en dernière analyse sur le nombre d’élus.
Si l’argumentation reposant sur le nombre d’élus finit par l’emporter, souvent à contrecœur pour de nombreux camarades, c’est qu’une grande partie d’entre eux craint de voir disparaître le parti par manque d’élus et de ressources. De leur point de vue, avoir des élus permet de faire vivre le parti, c’est en quelque sorte la garantie de son existence. Or, comme chacun sait, donner une solution simplifiée aux difficultés de l’heure présente sape inévitablement l’avenir. C’est bien le cas ici : poser la question des alliances en termes du nombre d’élus ou de l’enjeu financier est une vision à très court terme. A la longue, si le parti ne se détache pas politiquement de ses « alliés » socialistes, les gens vont se demander à quoi il sert.
En interne, il arrive souvent que la base du parti se retrouve engluée dans une routine dont les perspectives se limitent à l’échéance électorale suivante. Cela engendre une fatigue et une certaine démoralisation parmi les camarades, qui ont parfois le sentiment d’être considérés uniquement comme des bras pour afficher et tracter lors des campagnes. C’est pourquoi à terme, sans expression programmatique et sans des perspectives clairement révolutionnaires, la diminution du nombre d’adhérents et d’élus est inévitable.
Le parti a tout à gagner en adoptant une politique révolutionnaire intransigeante. Imaginez, par exemple, l’impact qu’aurait eu un ministre communiste, sous le gouvernement Jospin, en démissionnant pour marquer son opposition et celle de son parti au programme de privatisation massive du gouvernement. Le parti aurait perdu un représentant au gouvernement, mais il aurait gagné l’occasion inestimable d’incarner à l’échelle nationale une opposition ferme à la politique pro-capitaliste du PS. En menant campagne, se présentant comme l’alternative révolutionnaire à cette politique, le parti aurait pu gagner le soutien non seulement d’une grande partie des salariés d’Air France et de France Télécom, mais aussi de la population en général. En suivant cette voie, il aurait pu se renforcer en termes d’effectifs – et se renforcer financièrement au passage. La puissance militante et financière du parti est un sous produit de sa politique et de son action. C’est qu’en refusant de remettre en cause la propriété capitaliste, la direction du parti a dû se soumettre aux règles imposées par le capitalisme et s’est mis à la remorque de la direction du PS. En collaborant au programme de casse sociale de ce dernier, la direction du parti a discrédité le PCF comme organisation de lutte contre le capitalisme. Pourquoi adhérer à un parti qui se dit communiste sur le papier mais qui, lorsqu’il est au pouvoir, fait le jeu de l’économie de marché ?
En ce qui concerne le financement du parti, pour être clair, nous ne sommes pas en train de dire qu’il faut refuser l’argent de l’Etat. Le PCF revendique plus de 130 000 adhérents. Selon la direction du parti, seulement 54 % étaient à jour de leurs cotisations en 2011, soit environ 70 000 adhérents. Pour commencer, le parti devrait se fixer pour objectif d’augmenter le nombre de cotisants et mener une campagne interne pour augmenter le montant de leurs cotisations. La lutte révolutionnaire nécessite des ressources humaines mais aussi matérielles : pour l’impression de tracts, d’affiches, payer le salaire des permanents, les loyers des locaux de section ou fédéraux, louer des salles pour des meetings etc. Cela devrait être rappelé à nos militants et expliqué à nos sympathisants, pour appeler à aider financièrement le parti. La part des dons pourrait ainsi être sensiblement augmentée. Bien évidemment, nos cotisants ne sont pas ceux du MEDEF ou de l’UMP. Les sommes sont plus petites, mais leurs sources potentielles sont incomparablement plus nombreuses. Il faut renouer avec la tradition de l’engagement révolutionnaire. Les cotisations et les dons sont le reflet de la confiance des militants et sympathisants en leur parti pour mener à bien les tâches qu’il s’est fixées. Pour de grands objectifs, les gens sont prêts à faire des efforts importants.
La question des finances et celle du programme sont liées. Le paradoxe est qu’au moment où on assiste à une crise profonde et générale du système capitaliste, le socialisme semble avoir été abandonné par l’ensemble des leaders du mouvement ouvrier. Le réformisme mène le parti dans l’impasse. Ses militants vont devoir se battre pour ramener les idées du marxisme au premier plan, y compris lors des campagnes électorales. La lutte pour convaincre les gens de nos idées révolutionnaires ne sera pas facile. Mais si le PCF fait preuve d’audace et affiche clairement ses objectifs communistes, une partie significative de ceux qui « ne croient plus en la politique » pourrait nous rejoindre dans notre combat pour en finir avec le capitalisme.
Boris C. PCF