E n 1806, le propagandiste révolutionnaire Thomas Paine, dont les écrits ont exercé une influence importante pendant la révolution française, a rédigé une note au sujet de la liberté de la presse. Il précisait, dans cette note, que l’origine de ce terme était liée à l’abolition de la censure a priori de la presse écrite en Grande-Bretagne à partir de 1688 et en France pendant la révolution. Mais il rajoute une remarque intéressante. « Rien n’est plus courant chez les imprimeurs, écrit-il, et surtout ceux de la presse écrite, que le cri incessant de la liberté de la presse, comme si, puisqu’ils sont des imprimeurs, ils ont plus de privilèges que les autres ». En effet, le problème n’est pas seulement d’avoir le droit de s’exprimer, mais aussi le pouvoir de se faire entendre. Dans ce domaine, les moyens des uns et des autres sont loin d’être égaux. La liberté de la presse – et, bien sûr, de l’ensemble des médias qui n’existaient pas à l’époque de Thomas Paine – qui a été « criée » très fort lors des attentats du mois de janvier dernier, est avant tout une liberté pour ceux qui possèdent les grands moyens de communication.
Avec les chaînes de télévision, les stations de radio, les journaux et magazines, les sites d’information sur internet, etc., les médias paraissent très nombreux et divers, ce qui peut donner une impression de « pluralisme ». Mais c’est une impression trompeuse. En fin de compte, le contrôle des grands moyens de communication est concentré entre les mains d’une toute petite minorité. Arnaud Lagardère possède les éditions Hachette, Grasset, Fayard, Hatier, Marabout, Hazan, Le Masque, Pluriel, Stock, Armand Colin, Le Livre de Poche, Larousse, Dalloz et Dunod, Paris-Match, Elle, le Journal du Dimanche, Nice-Matin, La Provence. Il possède également Europe 1, Europe 2, RFM, ainsi que Canal Jimmy, MCM, Match TV, Canal Satellite, Planète, AlloCinéInfo et Eurochannel. Martin Bouygues et sa famille possèdent TFI, LCI, Odyssée, Eurosport, Ushuaïa TV, Cinétoile, Cinéstar, Télétoon, TF6, la presse gratuite Métro ainsi que de nombreuses sociétés de distribution de films. Serge Dassault et sa famille possèdent Le Figaro, Le Figaro Magazine, L’Express et Valeurs Actuelles. Ces trois hommes se trouvent tous les trois au cœur de l’appareil industriel capitaliste de la France.
Un constat s’impose : de loin la plus grande partie de la « puissance médiatique » en France est sous le contrôle de cinq empires financiers et industriels : Bouygues, Dassault, Lagardère, Bertelsmann et Vivendi-Universal. Leurs noms sont étroitement associés – comme ceux de Vincent Bolloré et de Jacques Séguéla – à Sarkozy et aux représentants politiques du capitalisme. On constate que les entreprises de sondage – des outils importants non seulement pour « sonder » mais aussi pour façonner l’opinion publique – sont entre les mêmes mains et le même réseau d’« amis ». Les médias ne sont que formellement « libres ». La réalité, c’est qu’ils sont très largement sous le contrôle direct des capitalistes qui usent et abusent de leur pouvoir, dans ce domaine comme dans tous les autres, pour promouvoir leurs intérêts de classe. L’expropriation de ces capitalistes et la création d’un grand service public des médias seraient un grand pas en avant pour la démocratie !