Les 11 et 12 février derniers, Hollande, Merkel, Porochenko et Poutine ont négocié les accords de « Minsk II », censés trouver une solution à la guerre qui secoue l’Ukraine depuis avril 2014. Ces négociations ont suivi un regain de combats intenses qui a commencé fin 2014. Devant l’enlisement de la situation en décembre, les séparatistes, peut-être sous l’impulsion de leurs sponsors du Kremlin, qui ont voulu trouver une distraction à la crise brutale affectant l’économie russe, sont passés à l’offensive contre les forces de Kiev. La cible principale de celles-ci était l’aéroport de Donetsk, avec des barrages d’artillerie pendant lesquels civils et soldats ont été tués des deux côtés.
Cette offensive nous fournit une preuve supplémentaire que ces « rebelles » sont loin d’être des simples « mineurs » ou « conducteurs de tracteur » qui protègent leurs maisons des « agresseurs fascistes » de Kiev, comme certains le prétendent. En réalité ce sont des miliciens dirigés par de véritables seigneurs de guerre, jouissant d’un soutien décisif de la part de l’armée russe, et qui sont tout aussi agressifs que leurs ennemis ukrainiens. La dernière étape de la récente explosion de violence a été la prise de Debaltseve par les séparatistes, le 18 février dernier – malgré le cessez-le-feu du 15 février ! Une nouvelle fois une ville – et sa population civile – a été mise à feu et à sang par la rébellion parce qu’elle était « un nœud de communication stratégique entre Donetsk et Louhansk ».
Nous avons déjà dit dans notre article précédent Le démembrement de l’Ukraine, que les objectifs des rebelles allaient « bien au-delà d’une action défensive de la minorité russophone face à la politique de Kiev. Il s’agit d’une politique agressive visant à conquérir des territoires de l’Ukraine pour les intégrer à un projet impérialiste russe ». Nous soulignons aussi les bombardements par les rebelles des villes de Volnovhaka le 13 janvier, de Marioupol le 24 janvier, et de Kramatorsk le 10 février, deux d’entre elles étant très loin des lignes de front des séparatistes. Auxquels s’ajoute maintenant la prise sanglante de Debaltseve, réalisée avec un appui important tactique et stratégique de l’armée russe. D’ailleurs les autorités de Donetsk viennent de nommer Alexander Afendikov, un chef ultra-nationaliste russe et commandant d’une unité de combat « orthodoxe », nouveau maire de Debaltseve! Difficile de comprendre comment la mort de tous ces civils de la part des « rebelles » peut correspondre à « la défense contre les fascistes de Kiev ».
Notre dénonciation des manœuvres de l’impérialisme russe dans le Donbass et des agissements de ses agents directs, représentés par le premier ministre de la République Populaire de Donetsk (RPD) Zakharchenko, ne cache aucun soutien à l’impérialisme occidental, ni au régime réactionnaire de Kiev. Même si ce régime n’est pas « fasciste », il est vrai que des partis et des bataillons fascistes intimident et brutalisent des opposants dans les régions sous son contrôle. Il incombe plutôt à ceux qui ont clairement choisi « un camp contre l’autre » dans ce conflit de justifier leurs positions. Par exemple, il y a des groupes politiques en Europe, dont des « marxistes », qui persistent à accréditer le mensonge selon lequel les milices « rebelles » seraient des « anti-fascistes » tout simplement parce qu’ils s’opposent au gouvernement ukrainien. Soutenir les milices séparatistes, malgré les preuves accablantes de leur orientation politique clairement réactionnaire et du soutien militaire direct qu’ils reçoivent de Poutine, n’a rien de « marxiste ». Notons que les communistes ont été interdits de se présenter aux élections législatives dans la RPD et que plusieurs militants de l’organisation de gauche Borotba ont été arrêtés en janvier par les autorités de Donetsk. Il s’agit d’une guerre réactionnaire des deux côtés. Il est clair que la classe ouvrière en tant que force indépendante ne joue aucun rôle dans cette situation. Les travailleurs et leurs organisations sont pris entre deux feux.
Le Parti Communiste d’Ukraine d’aujourd’hui a régressé.
Son soutien électoral est tombé brutalement de 22.2 % aux présidentielles de 1999 à 3.55% en 2010. En outre, sa ligne politique est ouvertement pro-russe et néostalinienne, et il a même sombré dans un racisme primaire, comme illustré par un article récent dans son journal Kommunist intitulé « blanc à l’extérieur, noir à l’intérieur » dans lequel les manifestants du Maidan étaient comparés aux habitants des « ghettos noirs des États-Unis : un foyer de parasites oisifs ». Des prises de position de ce type empêchent le Parti Communiste de rassembler les travailleurs sous sa bannière et de représenter une alternative claire à la politique réactionnaire du gouvernement.
La guerre civile en Ukraine est une manifestation parmi d’autres des tensions accrues entre les puissances occidentales et les Russes. Les premières ont étendu leur zone de rayonnage vers l’est de l’Europe depuis les vingt dernières années et les seconds essaient de récupérer leurs zones d’influence historique, remontant au temps des Tsars et ensuite sous l’URSS. Pendant les années 90, la Russie post-soviétique, sous Boris Eltsine, a tenté un rapprochement avec l’Occident. Elle n’a pratiquement rien fait pour aider son allié historique – la Serbie – pendant la guerre du Kosovo. Mais, depuis la reprise de son économie dans les années 2000, aidée par la rente pétrolière, la Russie sous Poutine a commencé à défier l’Occident plus ardemment et un clash entre ces deux blocs était donc inévitable tôt ou tard. En Ukraine, Poutine a perdu « son homme » – l’ancien président Viktor Ianoukovitch – à la tête du pays, évincé par les manifestations du Maidan en février 2014 mais a réagi très vite pour contrer le nouveau pouvoir pro-occidental, d’abord par la prise de la Crimée quelques jours après, et ensuite en déclenchant des soulèvements dans l’est du pays sous la direction du chef de guerre ultranationaliste russe Igor Strelkov. Dans un entretien donné en novembre 2014 à un journal d’extrême-droite russe Zavtra, Strelkov a déclaré que c’était bien lui qui a déclenché la guerre dans le Donbass en avril 2014 : « C’est bien moi qui a tiré la gâchette de cette guerre”, a-t-il dit.
Dans cette rivalité inter-impérialiste, le mouvement ouvrier international n’a pas à soutenir l’un ou l’autre camp.
Il n’existe pas un pays « moins impérialiste » que l’autre. Certes, face à l’OTAN, la Russie est « la moins forte », mais prétendre qu’elle représente un quelconque « contre-pouvoir » progressiste et qu’il faut soutenir contre l’impérialisme occidental est une idée complètement fausse – avec une armée professionnelle de plus 700 000 hommes et 1 600 têtes nucléaires, la Russie est aussi une grande puissance militaire mondiale. Elle aussi a un réseau impressionnant de bases militaires en dehors de ses frontières, notamment en Arménie, Belarus, Transnistrie, Syrie, Vietnam et ailleurs. Faut-il encore souligner que la Russie actuelle est un pays capitaliste, dominé par une oligarchie hyper-riche et corrompue, protégée par un pouvoir de plus en plus autocratique ? La division de l’Ukraine n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière et la lutte contre la politique réactionnaire de Kiev ne peut être menée que sur la base d’une politique indépendante de l’ensemble du mouvement ouvrier ukrainien, qui frappe le cœur du problème en visant à briser le pouvoir économique de la classe capitaliste.
Marc C. (PCF)
Merci pour cet article qui a le merite de demystifier le role exacte de la Russie dans ce conflit. Loins d’être antifaciste il sert les intérets Russe sur fond d’eurasisme ce nouveau paradigme nationaliste chauvin grand russe. Ceci etant dis je ne paratage pas la position du ni ni défendus ici. En effet ce conflit dépasse le cadre même de ses propres frontières. C’est un conflit généré par l’occident dans un but de “containment” de la puissance russe. Sur tous les fronts et depuis la guerre d’irak les USA essayent de contenir les puissances emergentes (les BRICs) dans le but avoué de ne pas perdre sa suprématie sur l’économie mondiale. Dans le cas precis de l’Ukraine c’est autant le role economique et strategique de ce pays pour l’economie russe qui est en question. Soutenir de quelque manière que ce soit le rattachement de l’Ukraine a la CEE est en soit un acte de guerre adréssé a la Russie, dont l’Ukraine est un element essentiel. Les travailleurs de France ne peuvent laisser s’engager un conflit a leur porte en leur nom en mettant juste dos a dos les protagonistes. Nous devons appeler a la fin des ingerences etrangères en Ukraine, et lutter chez nous a une politique indépendante de la France sur ce sujet et la fin de l’ingérance de la France en Ukraine.