L’annonce que le passage à une semaine de travail de 32 heures allait désormais figurer parmi les revendications principales de la CGT envoie un signal très positif aux militants de la confédération.
Philippe Martinez a expliqué que cette revendication n’a rien d’absurde, du point de vue des travailleurs, dont certains doivent travailler de très nombreuses heures pour gagner leur vie, tandis que d’autres n’avaient pas d’emploi. « Il y a besoin que des salariés qui ont trop de travail, qui sont mal dans leur travail, puissent laisser un peu de temps à ceux qui n’ont pas d’emploi », a-t-il déclaré. Martinez a fermement condamné, par la même occasion, l’insuffisance des salaires et les dispositifs rétrogrades de la « Loi Macron ».
La lutte pour le partage du travail – sans perte de salaire – comme moyen de lutter contre le chômage est aussi vieux que le mouvement ouvrier lui-même. Le passage aux 35 heures avait permis, en son temps, de créer quelques centaines de milliers d’emplois, même si la loi était très mal faite. Le passage aux 32 heures pourrait faire de même, surtout s’il était imposé par une lutte énergique et militante mobilisant massivement les salariés dans les entreprises.
Cependant, il faut reconnaître que la situation économique de la France s’est beaucoup dégradée depuis l’époque du gouvernement Jospin (1997-2002). Si les chiffres officiels du chômage situent le nombre de demandeurs d’emplois à environ 3,5 millions de personnes, le véritable chiffre ne doit pas être loin de 6 millions. Depuis le milieu des années 90, la moitié de l’appareil industriel de la France a disparu. Il ne représente plus que 10% du PIB, comparé à 22% à l’époque. Le secteur public a énormément souffert, également, en nombre et en qualité d’emplois, au point que des emplois précaires sont actuellement la « norme » dans ce secteur. La destruction des conquêtes sociales du passé est devenue une nécessité absolue pour les capitalistes.
Dans ces conditions, le patronat opposerait une résistance féroce à toute nouvelle réduction de la semaine de travail. Par ailleurs, face à l’ampleur du problème du chômage, il serait illusoire d’imaginer qu’une nouvelle réduction du temps de travail, même si l’on parvenait à l’imposer, puisse résorber 5 à 6 millions de demandeurs d’emplois. C’est pour cela qu’il faut inscrire la revendication des 32 heures dans une plate-forme programmatique plus large. La CGT ne peut plus rester dans une posture défensive face au capitalisme et aux gouvernements. Il faut passer à l’offensive, en commençant par la mise au point d’un programme d’action qui frappe au cœur du système capitaliste. La source du pouvoir des capitalistes, c’est leur emprise sur l’économie. C’est le fait qu’ils possèdent les banques et toutes les institutions financières (assurances, organismes de crédit, sociétés immobilières, etc.). C’est le fait qu’ils possèdent les grands groupes des secteurs industriel et commercial.
Si la direction de la CGT veut vraiment rompre avec la mollesse du syndicalisme « accompagnateur » qui a paralysé son action au cours de la dernière période, elle devrait commencer par expliquer cette vérité à l’ensemble des travailleurs et s’efforcer par tous les moyens de populariser la revendication pour l’expropriation des capitalistes dans tous ces secteurs. La nationalisation des secteurs clés de l’économie, dont toutes les banques, pour les consolider en une seule banque nationale afin de pouvoir gérer les ressources financières du pays dans l’intérêt public. La nationalisation de l’industrie devrait se faire à une échelle qui placerait la majeure partie de l’économie dans le domaine public, sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs. Voilà ce qui devrait constituer l’axe central du programme de la CGT, axe auquel il faudrait relier toutes les revendications dites « immédiates » : sur les salaires, les droits des travailleurs, les retraites et la défense des services publics. De cette façon, nous pouvons expliquer aux travailleurs non seulement ce que nous voulons, mais aussi comment nous comptons y parvenir et comment nous comptons trouver les ressources pour financer les mesures indispensables pour en finir avec la régression sociale.
Greg Oxley
PCF Paris