L’issue de la lutte qui se déroule en Grèce aura des conséquences importantes pour les travailleurs de l’ensemble du continent européen. Si la coalition d’intérêts capitalistes que représentent la Commission Européenne, la BCE et les banques centrales nationales, le FMI et les places boursières l’emporte sur le mouvement ouvrier et le gouvernement grecs, ce sera un revers pour la lutte contre la régression sociale partout ailleurs. L’échec de cette lutte en Grèce ne fera qu’enhardir les maîtres actuels de l’Europe dans leur acharnement contre les conditions de vie des travailleurs. A l’inverse, il porterait un coup dévastateur à la crédibilité de tous les mouvements et partis qui prétendent qu’une réorientation de la politique européenne vers une « Europe sociale » est possible dans le cadre du capitalisme.
L’arrivée au pouvoir de Syriza constitue une mise à l’épreuve de ce réformisme de gauche qui, abstraction faite des détails secondaires de leurs programmes, caractérise l’approche politique non seulement de Syriza, mais aussi de Podemos et d’Izquierda Unida en Espagne, de Die Linke en Allemagne, du PCF et du Front de Gauche en France, entre autres.
L’idée fondamentale qui sous-tend cette approche et qu’il est possible de modifier le mode de fonctionnement du système capitaliste et réformer ses institutions pour en faire des moteurs du progrès social pour en finir avec le chômage, l’inégalité sociale et l’exploitation. Le PCF, par exemple, réclame depuis de nombreuses années une réforme de la BCE, du FMI, de la Banque Mondiale et de l’OMC. On est tenté de rajouter : « Et pourquoi pas le Pentagone, tant qu’à faire ! ». Sa direction s’oppose à la nationalisation de l’ensemble des grands moyens de production, mais veut réglementer l’économie capitaliste. Elle réclame de nouveaux droits pour les travailleurs dans les entreprises capitalistes. Elle réclame un « contrôle social des banques privées ». Cette même approche programmatique est partagée, grosso modo, par l’ensemble des partis européens mentionnés ci-dessus.
Les lecteurs de La Riposte et les communistes qui connaissent la teneur de nos « textes alternatifs » au PCF savent que nous ne sommes pas d’accord avec cette politique réformiste, dont la faille est d’éviter la question de la résistance capitaliste. La capacité de résistance des capitalistes est extrêmement puissante, en raison de leur contrôle de l’industrie, du commerce, du système financier et de tous les rouages de l’économie. Vous pouvez donner le droit aux travailleurs de contester les décisions d’un capitaliste, mais tant qu’il sera le propriétaire de l’entreprise, le capitaliste décidera tout de même – et peut même décider de fermer l’entreprise. Et dans ce cas, que valent les droits des travailleurs ? Le capitaliste a non seulement des droits. Il a aussi le pouvoir que lui confère la propriété des moyens de production. Le rapport de force est donc très inégal, et ce qui se passe en Grèce en est une nouvelle illustration. L’UE et toutes les forces du capital veulent étrangler le nouveau gouvernement grec, l’obliger à renoncer à tout ce qui ne leur convient pas. Tsipras a été élu pour augmenter le salaire minimum ? Les capitalistes y répondent par une grève d’investissement et 50 milliards d’euros ont traversé les frontières dans le mois suivant son élection ! Le réformisme, qui n’ose pas toucher à la propriété capitaliste, n’a aucune solution à ce problème. Il en est réduit à des protestations et des supplications. Qui, au juste, va réformer la BCE ? Qui va réformer le FMI ? Est-ce le PCF ou Podemos, peut-être ? Parler ainsi, c’est brasser de l’air. Inutile de demander aux capitalistes de se comporter comme s’ils n’en étaient pas ! Le mouvement ouvrier ne devrait présenter aux travailleurs que des propositions programmatiques qu’ils peuvent eux-mêmes mettre en application.
Historiquement, le mouvement communiste se distinguait des courants sociaux-démocrates et réformistes en ce qu’il comprenait et expliquait la nécessité de lier les luttes sociales à la conquête du pouvoir. Concrètement, ceci veut dire la mobilisation des travailleurs pour effectuer l’expropriation des capitalistes des secteurs financier, industriel et commercial et la mise en place d’une république qui incarne et défend le pouvoir des travailleurs. Cet objectif révolutionnaire, seul, permettra de briser l’emprise capitaliste sur l’économie et en finir avec cette Union Européenne qui a été faite par et pour les capitalistes. Pour Syriza, il constitue la seule alternative à la capitulation et à la défaite. Quelle que soit l’issue immédiate de la lutte en Grèce, la compréhension de cette réalité sera le meilleur gage de victoires futures.