Un nouveau rapace fait son apparition dans le domaine de la spéculation sur les crédits, c’est ce qu’on appelle les « Fonds Vautours ».
Ces rapaces sont des sociétés spécialisées dans la spéculation sur les créances douteuses. Les créances sont des droits exigés sur des débiteurs par les créditeurs qui leur ont fourni une prestation financière.
Tout commence en 2001 lorsque l’Argentine, après 3 ans de récession, se déclare en incapacité de paiement. Sa dette s’élève alors à 100 milliards de dollars. Le pays se met alors en défaut de paiement et entame de longues négociations auprès de leurs créanciers. Les créanciers échangent leurs obligations contre de nouveaux titres d’une valeur inférieure à 70% des titres originaux. 93% des créanciers ont accepté cette offre et Buenos Aires se révélera bon payeur jusqu’à aujourd’hui. L’histoire se complique lorsque NML Capital propose aux créanciers de l’Argentine de racheter les titres qui ont fait défaut mais avec une décote de 80%. En d’autres termes, pour chaque dollar non payé par l’Argentine, NML Capital les rachète 20 centimes. Au lieu d’une perte sèche, les créanciers prennent quelques miettes. L’idée de NML Capital est alors de poursuivre l’Argentine en justice afin d’exiger le remboursement total de la dette, plus les intérêts. Par cette manœuvre, NML Capital espère un retour sur investissement de 1 600% !
Le 21 Novembre 2012, le juge fédéral du district de New York, Thomas Griesa, ordonne à l’Argentine de verser la somme de 1.33 milliard de dollars à divers fonds spéculatifs, dont NML.
Les conséquences directes de ce jugement placent le pays dans un deuxième défaut de paiement. Or, l’injustice vient du fait que l’Argentine a effectué tous les remboursements prévus et peut continuer ainsi, mais ces versements ont été bloqués au niveau des banques, par la décision du juge. Le juge exige de rembourser NML en priorité. De plus, la justice américaine place l’Argentine dans de grosses difficultés économiques. En effet, le pays ne peut plus emprunter sur les marchés internationaux. Ceci favorise alors la fuite massive des capitaux. Le FMI et le ministère américain des finances s’inquiètent de la situation et s’apprêtent à invalider la décision du juge. Comme un seul homme, ils décident de soutenir l’Argentine.
Cependant, c’était sans compter sur le fait que les fonds vautours disposent de leur propre lobby, l’American Task Force Argentina.
Jouissant des services d’anciens hauts fonctionnaires de l’administration Clinton, l’organisation a dépensé plus d’un million de dollars pour défendre le dossier. Ils ont fait pression sur les représentants américains au conseil du FMI. Le FMI est donc revenu sur sa décision et a validé la décision du juge. Ce retournement mettra bien des fonctionnaires du conseil dans l’embarras. Ainsi, en réponse aux questions portant sur ce sujet, William Murray, porte-parole du FMI, déclara : « Allez voir les gens du département du Trésor, ce sont eux qui pourront vous répondre ». Lagarde, directrice du FMI, dira que « la direction et les équipes du FMI demeurent préoccupées par les implications systémiques larges de [cette] décision. » Même l’International Capital Market Association (ICMA), l’organisation représentant les intérêts des acteurs des marchés de capitaux, fait part de sa préoccupation.
Ils ont eu raison d’être préoccupés car la réponse de l’Argentine ne se fit pas attendre et les pays en voie de développement ont vu ici l’intérêt de la soutenir. L’Argentine cherche le moyen de régler ses créanciers en dehors de la juridiction américaine. Pour ce faire, elle propose aux créanciers d’échanger leurs bons contre de nouveaux titres, émis en Argentine. Le problème étant que jusqu’en septembre dernier, il était impossible aux pays en voix de développement d’émettre des bons dans d’autres juridictions que celle des Etats-Unis. A L’ONU, les pays occidentaux ont formé un front commun pour protéger leurs intérêts. Qu’à cela ne tienne, le « groupe des 77 », comprenant les pays en développement et la Chine ont fait voter un texte visant à établir un mécanisme qui permet de rétablir la souveraineté économique d’un pays par la création de ses propres bons.
Ce développement présage de nouveaux bouleversements sur les marchés. Il est fort probable que nous assistions d’ici peu à un début de fuite des émissions des dettes d’Etats vers d’autres centres financiers.