Il y a deux ans et demi, le peuple français mettait fin, sans regret, au mandat de Nicolas Sarkozy. Après cinq ans d’une présidence qui aura vu l’économie française s’enfoncer dans la récession, la dette publique exploser et les conditions de vie de la grande majorité de la population reculer, Sarkozy revient pour sauver la patrie en danger !
Ce retour n’est pas le fait de sa volonté, de sa soif de pouvoir et de son désir de revanche : contraint par les événements, le berger doit retrouver la tête de son troupeau. Telle est la fable qu’il vient nous conter pour son retour sur le devant de la scène, à grand renfort de fanfares médiatiques.
Son piètre bilan ? La faute à la crise, lui et ses partisans n’en démordent pas.
Pourtant cette crise lui a sans aucun doute permis de sauver les apparences : durant la campagne de 2007, il réclamait une « France de propriétaires ». Inciter des travailleurs qui n’en avaient pas les moyens à acquérir des propriétés au moyen d’astuces financières vicieuses (les taux d’intérêt variables), c’est ce qui était à l’origine de la crise des subprimes, élément déclencheur de la crise financière, la cause principale étant une crise de surproduction généralisée dans tous les pays occidentaux. On peut donc s’estimer heureux que Sarkozy n’ait pas eu le temps d’introduire en France un mécanisme similaire.
Si la France a, dans un premier temps, mieux résisté que ses voisins, c’est que son économie dispose de normes prudentielles plus strictes, notamment dans le secteur bancaire, et que sa population bénéficie d’acquis sociaux lui permettant de ne pas se retrouver dans la misère du jour au lendemain. Ces mêmes acquis sociaux, dont les médias capitalistes nous rabâchent à longueur de journée qu’ils coûtent trop cher et que cet argent serait bien plus utile sur le compte en banque des grandes multinationales ! Le gouvernement « socialiste » qui sévit actuellement n’en pense pas moins et le prouve en coupant largement dans les dépenses publiques pour subventionner massivement le patronat.
S’il est un domaine où Sarkozy surpasse nettement Hollande, c’est dans celui de la communication. Ses gesticulations quotidiennes, scénarisées et mises en scènes dans la totalité des médias de masse, ont pu donner l’illusion qu’il avait une prise sur les évènements et qu’il était un acteur incontournable des décisions internationales. Les faits sont pourtant têtus.
Il déclarait « moraliser le capitalisme » : les entreprises du CAC 40, et notamment les banques massivement renflouées avec l’argent public, retrouvent des profits supérieurs à 2007. Il se présentait comme le leader politique de l’Europe : tout comme Hollande, il est impuissant face à la ligne imposée par l’Allemagne, qui montre l’étendue de ses dégâts dans les pays les plus fragiles comme la Grèce. Il se prétendait (et le prétend toujours d’ailleurs) être un rempart contre le Front National : il en a répandu et vulgarisé les idées réactionnaires, ce qui l’a rendu plus fort qu’il ne l’a jamais été.
Depuis 2012, il a pris du recul, médité sur son action présidentielle, se vante même d’avoir fait son autocritique : il ressort de celle-ci des faits sans importance, qu’il n’aurait pas été toujours parfait sur la forme. Mais sur le fond rien à jeter, Super Sarko a été un Super Président. Quand on voit à quel point rien n’a changé chez lui depuis deux ans, tant sur le plan idéologique que sur celui des artifices de communication, on se dit que cette pseudo retraite n’a pas dû être épuisante intellectuellement.
Un nouveau site internet est déjà prêt pour la campagne à la présidence de l’UMP, sur lequel il formule ses engagements : une accumulation de banalités, phrases creuses, déjà dites et répétées à maintes reprises par le passé par des politiciens de son espèce désireux d’apparaitre comme l’homme du changement. Pour le concret il faudra donc attendre. Cependant, dans les meetings que Sarkozy organise à travers la France, il dévoile peu à peu la ligne politique qu’il devrait adopter pour les prochaines échéances électorales, fruit de sa méditation de deux ans : et là, quelle incroyable surprise ! Nous retrouvons le même candidat que nous avions laissé vaincu en 2012. «L’immigration menace notre façon de vivre»… « Nous voulons bien accueillir les autres, mais nous ne voulons pas changer notre pays»… «Nos valeurs doivent être défendues, face à un islamisme fanatisé qui rêve de semer la terreur en Occident»… «Refuser le débat sur la question de l’immigration, c’est encourager les peurs». Voila le remède miracle qu’il a mis tant de temps à mettre au point, et qui rétablira à coup sûr la situation de la France et des Français. Et pour ce qui est d’encourager les peurs, il est un maître en la matière.
Le premier combat dans lequel il se lance est celui pour la reconquête de l’UMP
Un parti qui s’est endetté de près de 80 millions d’euros en moins de quinze ans, dont une majeure partie sous sa direction. Il est donc probable qu’il puisse y avoir là des révélations gênantes qui puissent être faites contre lui s’il ne verrouille pas le parti à l’approche des présidentielles. A ce propos, le désormais fameux Patrick Buisson, qui soufflait à Sarkozy ses positions les plus réactionnaires, menace déjà de faire des révélations « spectaculaires ».
Le calendrier judiciaire de Sarkozy est d’ailleurs sans précédent pour un ancien président, plus dense encore que pour Chirac. A ce sujet, il adopte « la méthode Berlusconi » en guise de défense : il n’est qu’une pauvre victime de méchants juges, certainement socialistes, qui cherchent à l’abattre pour l’empêcher d’accomplir son destin. Les rétro-commissions de l’affaire Karachi, celles qui auraient été contractées avec le Kazakhstan lors d’une vente d’hélicoptères durant sa présidence, le financement de sa campagne de 2007 (par Kadhafi) et de celle de 2012 (affaire Bygmalion)… Bref, s’il est bien un homme qui a activement participé à décrédibiliser l’action des hommes politiques, c’est Nicolas Sarkozy.
Les derniers sondages le montrent : l’image d’un Sarkozy nouveau et vierge de toute responsabilité dans des affaires passées ne trompe pas l’opinion publique.
Victime et rassembleur, deux qualificatifs qu’il essaie de (sur)jouer aujourd’hui mais qui sont à contre-pied de ce qu’il a toujours été, mais personne ne s’y laisse prendre. Les révélations s’accélérant sur les affaires internes à l’UMP, avec la démission de Copé, ont complètement chamboulé le calendrier que Sarkozy s’était fixé pour son retour. Nous l’avons vu, il ne peut pas prendre le risque de laisser la tête du parti à un partisan de Fillon ou Juppé, ce qui pose une épreuve supplémentaire sur sa route.