Selon une directive européenne de 1996, un travailleur de l’Union Européenne est considéré comme « détaché » s’il est envoyé par son employeur pour travailler dans un autre Etat membre de l’Union Européenne. Par exemple, un prestataire de services roumain qui décroche un contrat en France peut décider d’envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place.
Les « travailleurs détachés » sont de plus en plus nombreux en France. Officiellement, ils seraient environ 350 000. Mais tous ne sont pas déclarés. Leur nombre réel se situe probablement aux alentours de 500 000. Dans le secteur du bâtiment, sur 210 000 salariés officiellement recensés, pas moins de 64 000 sont « détachés ». Et encore une fois, ce dernier chiffre est sans doute bien en dessous de la réalité.
Le coût de ces travailleurs – en termes de cotisations sociales mais aussi, très souvent, de salaire de base – est nettement inférieur à celui des travailleurs résidant régulièrement en France. Le recours à ces travailleurs permet aux capitalistes d’augmenter considérablement leurs bénéfices et d’exercer une pression accrue sur les salaires et les conditions de travail de tous les salariés, indépendamment de leur nationalité ou de leur lieu de résidence.
Selon les termes de la loi, les travailleurs détachés doivent bénéficier du salaire et des conditions de travail en vigueur dans le pays d’accueil. Cependant, même quand la loi est respectée, ils sont nettement plus rentables pour les capitalistes parce que ces derniers ne doivent payer que les cotisations sociales selon le barème du pays d’origine.
Et très souvent, la loi est contournée. Ce sont alors des salariés corvéables à merci, travaillant jusqu’à 50 ou 60 heures par semaine – et payés en dessous du SMIC. Le chantage à l’emploi est facile. Les agences d’intérim implantées à l’étranger peuvent terminer le contrat d’un travailleur « non coopératif » et le faire remplacer par un autre en 48 heures. Les contrats peuvent être prolongés ou raccourcis à volonté. Dans des pays où, comme en Allemagne, il n’y a pas de salaire minimum, on trouve des dizaines de milliers de travailleurs « détachés » qui sont payés 2 ou 3 euros de l’heure.
Par ailleurs, comment savoir quel est le pays d’origine – c’est-à-dire de résidence régulière – d’un salarié d’origine polonaise, par exemple, qui est envoyé en France en « détachement » par une boîte d’intérim basée à Chypre ? Ainsi, les agences d’intérim peuvent fournir en masse des salariés d’origines diverses sur la base de cotisations sociales minimales, voire quasiment inexistantes, sans parler des déductions et charges abusives que les employeurs peuvent imposer aux salariés « volontaires » sous prétexte de leur fournir un logement, des repas ou des moyens de transport. Souvent, ces travailleurs vivent et travaillent dans des conditions proches de l’esclavage, dormant dans des hangars ou sous des tentes, mal nourris et mal soignés.
Greg Oxley (PCF Paris 10e)