L’idée généralement admise est que communisme et écologie ne font pas bon ménage. La faute au bilan désastreux de l’URSS sur la question écologique et à certains courants de pensée qui refusent à Marx tout lien avec la pensée écologique. Pour eux, Marx est considéré comme un auteur mettant l’humain au-dessus de la nature et surtout le plaçant hors de toute considération écologique.
Et pourtant, l’étude précise du XIXe siècle et de la pensée marxiste prouve au contraire que l’écologie était l’une des préoccupations scientifiques et philosophiques de l’époque et de Marx, même si, il faut bien le remarquer, le terme est apparu tardivement à la fin de ce siècle.
Ainsi, le professeur Justus von Liebig, qui travaillait sur la chimie organique appliquée à l’agriculture, fut l’un des premiers scientifiques à montrer comment les plantes utilisaient les minéraux du sol pour croître. Il mit ainsi en évidence une relation entre les plantes et leur environnement. Les travaux de ce scientifique intervenaient dans un contexte de crise de l’agriculture anglaise qui connaissait un appauvrissement catastrophique des sols cultivés. Face à ce constat, le Royaume-Uni entreprit d’importer des engrais naturels du monde entier au détriment de la fertilité des sols étrangers. Justus Von Liebig ne mit pas longtemps à mettre en cause l’agriculture industrielle dans cette crise écologique.
C’est en partie sur la base des travaux de ce scientifique que Marx s’intéressa à la relation entre l’humain et la nature. Il développa ainsi le concept central de métabolisme entre l’humain et la nature. Ce métabolisme était une tentative de décrire un réseau d’échange d’énergie et de matière permettant le maintien et le développement de la vie humaine, ce qu’à notre époque on appellerait l’écosystème humain. Le travail humain y joue alors la condition générale du métabolisme entre l’humain et la nature. Comme le nid construit par le travail de l’oiseau est le résultat du métabolisme entre l’oiseau et la nature.
Au regard de la crise écologique que traversait l’agriculture anglaise au XIXe siècle, Marx, en accord avec Justus Von Liebig, montra que le capitalisme – en érigeant la ville au dépens de la campagne, ce qui favorisait l’exode rural – a provoqué une rupture métabolique entre l’humain et la nature. La ville consommait la majeur partie de la nourriture sans retour à la campagne des déchets organiques (dont les humains eux-mêmes, une fois mort). En conséquence, les sols anglais cultivés s’appauvrissaient. Et c’est parce qu’il était plus rentable de concentrer les travailleurs dans des usines et de mécaniser l’agriculture que l’exode rural vers les villes se poursuivait.
Au cœur de l’argumentation de Marx réside l’idée que l’agriculture à grande échelle interdit toute application véritablement rationnelle de la nouvelle science de la gestion des sols, « si bien que la production capitaliste ne développe pas la technique et la combinaison du processus de production social qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur » (Le Capital ; Livre 1). Enfin, on a beau prêter à Marx une foi absolue dans la réussite du progrès à résoudre les problèmes de l’humanité, il n’est cependant pas dupe : c’est « … cette science et cette technique qui aux mains des capitalistes perturbent d’un autre côté le métabolisme entre l’homme et la terre en se transformant en une force pour l’exploitation de l’homme comme de la terre » (Le Capital ; Livre 3).
Ainsi donc, les crises écologiques ne pourront pas être résolues sur la base du capitalisme. C’est pourquoi, pour recréer le métabolisme entre humain et nature, Marx va proposer des solutions sur la base du communisme. Il écrivait : « du point de vue d’une organisation économique supérieure de la société, le droit de propriété de certains individus sur des parties du globe paraîtra aussi absurde que le droit de propriété d’un individu sur son prochain. Une société entière, une nation et même toutes les sociétés contemporaines réunies ne sont pas propriétaires de la terre. Elles n’en sont que les possesseurs, elles n’en ont que la jouissance et doivent la léguer aux générations futures après l’avoir améliorée en boni patres familias ». (Le Capital ; Livre 3) Dans ce sens, il prôna avec Engels « la combinaison du travail agricole et du travail industriel ; mesures tendant à faire graduellement disparaître la distinction entre la ville et la campagne » (Manifeste du Parti Communiste). Le but de ces mesures est clairement d’avoir une gestion raisonnée de la production minimisant le gaspillage de ressources naturelles.
Comme on peut le voir, Marx était loin d’ignorer l’impact de l’humain sur la nature et il recherchait des solutions pour concilier progrès scientifique et technique, et la préservation des ressources naturelles pour les générations futures. Alors en effet, fidèle à son analyse de la société, Marx place l’humain au centre de la maîtrise technique et scientifique de la nature. Cependant, il le fait en ajoutant que la prise en compte des problèmes écologiques inhérents à la production dépend du système socioéconomique. Il en découle que seul le socialisme/communisme, ayant pour but non pas le profit mais le bien-être de l’humanité, peut proposer une organisation de la société qui résolve ces problèmes.
Julien V. (PCF 91)
J’ai lu une très bonne critique du livre de John Bellamy Foster, Marx écologiste, ou il est repris ces idées.