Cet article a été écrit fin avril.
Depuis le début de l’année, les hommes politiques et observateurs bourgeois célèbrent « l’exception marocaine ». Ils affirment que le Maroc ne connaîtra pas de scénario « à la tunisienne ». Comprenez : c’est un pays réformateur et progressiste ; tous les marocains adorent le roi ; l’économie avance – et ainsi de suite. Pourtant, il y a près de 10 % de chômeurs (officiellement). 15% de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’analphabétisme frappe 60 % des Marocains.
Comme le rappellent nos camarades de la Ligue d’Action Communiste, section marocaine de la Tendance Marxiste Internationale, le Maroc est classé 130e (sur 182) par le Programme de Développement des Nations Unies. La Tunisie occupe la 81e place. Le chômage des jeunes Marocains, la corruption endémique, la main mise de la famille royale sur l’économie du pays : tous ces éléments n’ont rien « d’exceptionnel » et font penser à la Tunisie comme à l’Egypte ! Ainsi, le roi et sa famille sont les plus grands propriétaires de terres, mines, banques, etc. Les entreprises du « roi des pauvres » représentent 60 % des échanges de la bourse de Casablanca, le deuxième plus gros centre financier d’Afrique. L’érosion des classes moyennes accentue la polarisation de la société entre une minorité de riches et une grande majorité de pauvres.
Le 20 février dernier, des manifestations ont secoué 52 villes du pays. Le régime a répondu par une vague de répression, que les médias français couvrent d’un silence complice – et par des pseudo-concessions. Le 9 mars, Mohamed VI annonçait une réforme de la Constitution, de véritables élections démocratiques du parlement, une justice « indépendante », une meilleure séparation des pouvoirs, etc. Le tout serait élaboré par une commission nommée… par le roi ! Les manifestants ont bien compris que ces réformes de façade visaient à calmer la rue. Un nouvel appel à manifester a été lancé pour le 20 mars. Ce jour-là, 64 villes ont participé au mouvement. Selon les organisateurs, il y avait près de deux fois plus de manifestants que le mois précédant (40 000 contre 25 000).
Entre ces grandes manifestations, plusieurs petits rassemblements ont été organisés chaque semaine, à travers le pays, pour maintenir la pression. Le 24 avril, plus de 100 villes du pays avaient appelé à manifester ! Des manifestations de soutien étaient organisées à Boston, Barcelone, Montréal, Paris, Bruxelles… Les mots d’ordre des jeunes et des travailleurs marocains se radicalisent. Ils demandent la fin du régime. Sur l’une des pancartes brandies par un manifestant, on pouvait lire : « Nous luttons pour nous libérer de la servitude, pas pour obtenir des meilleurs conditions d’esclavage ». Fait notable : à Casablanca, de nombreuses discussions ont eu lieu, à la fin de la manifestation, pour savoir s’il fallait démarrer un meeting permanent sur la place centrale, à l’image de la place Tahrir en Egypte.
Le capitalisme marocain est incapable de répondre aux besoins et aspirations des masses, et aucune « réforme constitutionnelle » n’y changera rien. Comme en Tunisie et en Egypte, les revendications démocratiques – comme la convocation d’une Assemblée Constituante – doivent être prolongées par des revendications de type socialistes, à commencer par l’expropriation des immenses richesses de la famille royale. La lutte a commencé au Maroc. Un seul mot d’ordre : « révolution jusqu’à la victoire ! »
Romain Kosellek (PCF Paris)