Dans une interview accordée au Monde, fin 2009, François Fillon déclare que le gouvernement « ouvrira le débat sur les retraites en 2010 ». Il ajoute : « Nous prendrons des décisions. Nous poursuivrons l’effort de maîtrise des dépenses d’assurance-maladie. Nous avons à peu près les solutions pour maîtriser les dépenses de l’Etat. […] Il faut que chacun regarde ce qui se passe dans le monde. Notre principal concurrent, c’est l’Allemagne, qui perd beaucoup moins de parts de marché au profit de l’Asie ».
« Ce qui se passe dans le monde », c’est donc que le capitalisme français y est en difficulté, notamment face à son principal concurrent européen : l’Allemagne. D’où l’acharnement du gouvernement contre tout ce qui fait obstacle à la rentabilité du capital, sur le plan intérieur. Nos conquêtes sociales sont devenues incompatibles avec le système capitaliste. Et pour la quatrième fois en moins de 20 ans, la droite prépare une contre-réforme drastique de notre système de retraites.
D’ici 2012, la durée de cotisation requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein passera de 40 à 41 ans (164 trimestres). Prévue dans la contre-réforme Fillon de 2003, cette mesure a été confirmée en janvier 2009. Cependant, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) estime que malgré ce nouvel allongement de la durée de cotisation, l’équilibre du système ne serait toujours pas garanti, à terme. Le COR, dont le Président est nommé en Conseil des Ministres, en est à son sixième rapport. Or, qu’y préconise-t-il ?
Selon le COR, l’équilibre du système de retraites serait atteint, en 2020, par une augmentation de la durée de cotisation à l’assurance-vieillesse (42 annuités en 2020) ou en agissant sur l’un – ou plusieurs – des 3 leviers d’action possibles :
1) Le relèvement de l’âge moyen de départ en retraite.
2) L’augmentation du taux de prélèvement, pour la retraite.
3) La diminution du montant des pensions.
Des parlementaires ont demandé au COR d’étudier différents scénarios pour le calcul des retraites, à l’avenir. Mais s’ils s’affichent, devant les caméras, comme les défenseurs du système de retraites « par répartition » – que nos aînés ont arraché à la classe dirigeante, en 1945 –, ils indiquent en même temps au COR d’autres pistes à suivre : le « régime par points » et le « régime notionnel ».
Dans les deux cas, ces régimes seraient à « cotisations définies », contrairement à nos régimes de retraites actuels, qui sont à « prestations définies ». Actuellement, le montant des droits à la retraite est proportionnel au salaire d’activité, et le régime s’engage à financer les droits ainsi déterminés, quelles que soient les évolutions de la démographie, de l’emploi et des salaires. A l’inverse, dans les régimes « par points » ou « notionnel », le montant des cotisations apportées au régime fixe les limites du montant des pensions qui seront versées. En d’autres termes, le niveau des droits à la retraite fluctue au même rythme et dans les mêmes proportions que le niveau des ressources, auquel il doit s’ajuster en permanence.
Avec la retraite par points, l’accumulation se fait sous forme de points, comme dans les régimes ARRCO – AGIRC ou IRCANTEC. Le montant de la pension s’obtient en multipliant le nombre total de points acquis par la valeur en euros du point, à la date du départ à la retraite. L’équilibre est donc automatiquement obtenu en jouant sur la valeur – variable – du point. Mais le calcul se baserait sur l’ensemble de la carrière, et non plus sur les seules 25 meilleures années. Cela comprendrait, par exemple, les périodes de chômage ! La conséquence immédiate en serait une diminution sévère de la grande majorité des pensions.
Avec le régime « notionnel », l’accumulation se fait sous forme de capital « virtuel » – « virtuel » puisque le régime fonctionnant encore en répartition, le montant des cotisations est immédiatement reversé sous forme de pension. Lors du départ à la retraite, ces droits cumulés seraient transformés en pension : le montant de la pension annuelle est obtenu en divisant le capital virtuel par l’espérance de vie moyenne du salarié à l’âge où il prend sa retraite. Ainsi, plus la durée de vie moyenne s’allonge, plus la pension moyenne est réduite, puisque les « droits acquis » sont répartis sur un plus grand nombre d’années. On aura donc tout intérêt à mourir jeunes !
En juin dernier, devant les parlementaires réunis en Congrès, à Versailles, Nicolas Sarkozy a annoncé « un rendez-vous capital » sur les retraites. Il a annoncé que d’ici l’été 2010, « tout serait mis sur la table », à commencer par l’âge de la retraite et la durée des cotisation. Nous comprenons qu’une nouvelle régression du système de retraites par répartition est un rendez vous important pour le Capital, que Sarkozy et ce gouvernement défendent avec beaucoup d’énergie.
Pendant que le gouvernement verse des milliards d’euros dans les caisses des banques et des multinationales, il prétend que « l’équilibre » du système des retraites n’est pas assuré – et que les travailleurs doivent payer l’addition ! Le capitalisme ne tolère même plus les quelques avancées sociales que les générations précédentes de salariés ont gagnées. La CGT a déjà annoncé des mobilisations contre cette nouvelle agression de la droite au pouvoir. Aucune « concertation », dans ce domaine, ne doit être engagée avec le gouvernement. Il faut refuser toute nouvelle régression de notre système de retraites – et lutter pour son amélioration. Pas de départ à la retraite après 60 ans ! Des retraites décentes pour tous ! Aucune pension ne doit être inférieure au SMIC !
Eric Jouen (CGT et PCF Rouen)