Les 2, 3 et 5 novembre dernier, trois réunions sur les idées du marxisme se sont tenues au « Prolé » d’Alès, dans le Gard, à l’initiative des militants de La Riposte et du réseau « Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme ». Conçues comme des soirées de formation pour les militants du PCF, elles étaient cependant ouvertes au public. Elles ont réuni respectivement 23, 26 et 15 personnes.
Le premier soir, Jérôme Métellus, du PCF de Paris, a exposé les principes fondamentaux du « matérialisme historique », la conception marxiste de l’histoire. « A en croire de nombreux universitaires et intellectuels contemporains, cette réunion ne devrait pas avoir lieu », a remarqué Jérôme. « En effet, selon eux, il ne peut pas y avoir de science de l’histoire. L’histoire ne serait qu’une série d’accidents ; on ne pourrait y découvrir aucune loi. Ces intellectuels s’imaginent que c’est une idée très moderne. Ils se trompent. Au XVIIIe siècle, déjà, l’historien Edward Gibbon résumait ainsi ce point de vue : l’histoire “n’est que le registre des crimes, des folies et des infortunes de l’homme” ». Aujourd’hui, cette idée reflète l’impasse du système capitaliste, qui s’est transformé en un monstrueux obstacle au progrès social. La classe capitaliste, qui en a confusément conscience, rejette instinctivement toute approche scientifique de l’histoire, car elle en redoute les conclusions révolutionnaires.
Marx a découvert que le développement des forces productives est, en dernière analyse, la force motrice l’histoire. L’essor et la chute de différents systèmes socio-économiques peuvent être expliqués en termes de capacité ou d’incapacité de développer les moyens de production. Cependant, Marx et Engels n’ont jamais dit que « tout se ramène à l’économie », comme on l’entend trop souvent. Comme l’écrivait Marx, « les hommes font leur propre histoire. Cependant, ils ne la font pas arbitrairement, dans des conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. » Parmi ces « conditions héritées du passé » figurent les idées, la religion, les institutions et les partis politiques, etc. Certes, ceux-ci s’élèvent sur une « base économique » déterminée par l’état des forces productives – mais, en retour, ils jouent un rôle dans le cours de la lutte des classes. Ce qui est effet devient cause, et vice-versa. L’histoire est un processus dialectique, et non mécanique.
Le débat qui a suivi l’exposé de Jérôme a couvert de nombreux thèmes : l’origine et le rôle des idées, l’histoire des religions, la théorie de la « décroissance soutenable », la situation catastrophique du « Tiers-Monde », etc. Un camarade a demandé si la chute de l’URSS pouvait s’expliquer, elle aussi, par l’incapacité du régime à développer les forces productives. « En dernière analyse, oui », a répondu Jérôme : « dans les années 80, l’économie soviétique ne se développait plus. C’était la prémisse fondamentale des événements qui ont abouti à la restauration du capitalisme. Après avoir été un obstacle relatif au développement de l’économie, la bureaucratie stalinienne a fini par se transformer en obstacle absolu. »
« The Take »
Le lendemain, les camarades ont projeté un excellent documentaire de Noami Klein, The Take, sur le mouvement des usines « récupérées » en Argentine, au lendemain de la crise de 2001. Usines « récupérées », c’est-à-dire : non seulement occupées, mais dont la production est relancée par les travailleurs. Le mot d’ordre du mouvement, qui a embrassé plus de 200 usines : « occuper, résister, produire ».
Dans sa brève présentation du film, Daniel Hébrard, du PCF du Gard, a souligné que ces travailleurs argentins nous rappellent cette vérité simple mais fondamentale : les patrons et l’encadrement capitaliste ne sont pas nécessaires au fonctionnement de l’industrie. Les salariés sont parfaitement capables de gérer eux-mêmes des entreprises. Lors du débat, un camarade a dit : « toutes les Unions Locales de la CGT et toutes les sections du PCF devraient organiser des projections autour de ce film. » Un autre camarade a remarqué que plusieurs travailleurs argentins, dans le documentaire, tirent des conclusions très avancées de leur lutte. Par exemple, l’une des travailleuses d’une entreprise du textile déclare : « Si les salariés peuvent gérer eux-mêmes cette entreprise, ils peuvent gérer toute l’économie. » C’est précisément la conclusion à laquelle nous mène ce documentaire, que nous mettrons en ligne très prochainement.
La théorie économique de Marx
Le jeudi 5 octobre, enfin, Greg Oxley, du PCF Paris, a exposé les grandes lignes de la théorie économique de Karl Marx. Il a commencé par rappeler la grande vitalité du marxisme : « Ouvrez simplement le Manifeste du Parti Communiste. Qu’y prévoyaient Marx et Engels ? La concentration du capital, la constitution d’un marché mondial intégré, le développement massif du salariat, la disparition progressive des petits paysans et artisans, l’aggravation des inégalités sociales, l’inéluctabilité des crises de surproduction… Tout ceci, nous l’avons. C’est le monde dans lequel nous vivons ». Puis Greg a expliqué les mécanismes fondamentaux de l’économie capitaliste : la théorie de la valeur, l’origine de la plus-value, les crises de surproduction, la fameuse « baisse tendancielle du taux de profit », etc. Enfin, il a réfuté les idées « keynésiennes » qui dominent dans les directions des partis de gauche et des syndicats.
Le débat a été particulièrement riche. De nouveau, la question de l’Union Soviétique – et de sa chute – a été posée. Plusieurs camarades ont également demandé des précisions sur le fonctionnement d’une économie socialiste. « L’objectif sera d’assouvir les besoins matériels de tous, a expliqué Greg, et de développer la technologie à outrance pour diminuer le temps de travail, de façon à ce que la masse de la population – et non plus une minorité privilégiée – puisse accéder à la culture, la science, la philosophie, l’art, etc. »
Ces trois soirées ont été très appréciées. La plupart des camarades ont regretté que le PCF n’organise que très rarement des formations sur les idées du marxisme. Rendez-vous a donc été pris pour une nouvelle série de réunions de ce type, dans le Gard, dès que possible.
Nous remercions les militants du PCF d’Alès, dont l’accueil a été extrêmement chaleureux, ainsi que tous les camarades qui ont contribué à la préparation de la nourriture – et dont les grands talents culinaires ont été unanimement salués !
La Riposte