L’Espagne est l’un des pays européens les plus touchés par la crise. Il y a à peine quelques mois, le gouvernement Zapatero refusait de parler de crise. Aujourd’hui, l’économie espagnole est officiellement en récession, et la sortie de ce sombre tunnel n’est pas seulement lointaine : elle n’est pas distinguable.
La flambée du chômage illustre cette situation. Les chiffres de 2008 étaient mauvais ; ceux du début de l’année 2009 sont catastrophiques. D’après l’EPA (Enquête de Population Active), il y avait 3,2 millions de chômeurs en 2008, soit 1,2 million de plus qu’en 2007. Pour des milliers de familles, les fêtes de Noël 2008 furent très amères : la moitié de ces 1,2 million de salariés ont perdu leur emploi au cours du dernier trimestre 2008. Or, sur le seul mois de janvier, 200 000 emplois ont été supprimés ! C’est le plus mauvais chiffre jamais enregistré. Ces chiffres sont dramatiques pour des milliers de foyers espagnols, surtout lorsqu’on sait que 827 200 foyers ne reçoivent ni salaire, ni aide ou allocation de l’Etat.
Les mesures proposées par le gouvernement Zapatero, pour combattre la crise, ne changeront rien pour la classe ouvrière. Comme celles que prennent les autres gouvernements, en Europe, ces mesures récompensent les pertes des spéculateurs et des grands capitalistes : 30 milliards pour les banques (chiffre qui pourrait monter à 50 milliards) et 100 milliards de fonds publics pour couvrir les opérations de crédit des banques. Des millions de salariés se demandent pourquoi l’Etat verse des milliards d’euros dans les coffres de capitalistes qui ont fait d’énormes profits pendant le « boom » économique – au détriment des services publics, des retraites, de l’éducation, de la santé, etc. D’autant plus que malgré ces subventions, les capitalistes continuent de licencier des milliers de salariés. Dans beaucoup d’entreprises, les accords salariaux signés avec les syndicats ne sont pas respectés. Quand plus de 11 millions de jeunes et de travailleurs ont voté Zapatero, lors des élections de 2008, c’était pour qu’il mette en place une politique améliorant leurs conditions de vie. Mais Zapatero semble oublier qui l’a mis au pouvoir, et pourquoi.
Il devient chaque jour plus clair, dans la conscience des jeunes et des travailleurs espagnols, que le fait d’avoir élu un gouvernement de gauche ne suffit pas pour que leurs conditions de vie progressent. Après cinq années de gouvernement Zapatero, la vie n’a pas beaucoup changé pour la classe ouvrière espagnole : précarité, loyers exorbitants, bas salaires, services public insuffisants… Et au moment où des centaines de milliers de salariés perdent le seul moyen qu’ils ont de faire vivre leurs familles, le gouvernement décide de récompenser les coupables de cette situation !
Toutes les conditions de mobilisations massives de la classe ouvrière sont réunies. Malheureusement, les dirigeants syndicaux ne sont pas à la hauteur des circonstances et refusent d’organiser une grève générale de 24 heures. Pour eux, ce serait reconnaître que leur stratégie de « concertations » avec le patronat est un échec sur toute la ligne.
Malgré cela, les travailleurs de différentes entreprises ripostent aux attaques de la classe dirigeante : chez Nissan, Renault, Opel, Cegasa, Avicu… Dans quelques régions, les directions syndicales ont été forcées d’organiser des journées de mobilisation. La jeunesse a également commencé à exprimer sa colère. A trois reprises (octobre, novembre et mars), des dizaines de milliers d’étudiants et de lycéens ont défilé à l’appel du Sindicato de Estudiantes, dans plus de 60 villes du pays, pour protester contre les attaques visant l’éducation publique – sous prétexte de crise économique.
Du fait de la situation économique, de la politique du gouvernement espagnol et de l’exemple des mobilisations dans d’autres pays européens (Grèce, France, Italie, etc.), la colère des salariés finira par trouver le moyen de s’exprimer dans la rue – malgré les réticences à mobiliser des dirigeants syndicaux. Le souvenir de la dernière grande victoire du mouvement ouvrier est encore très vif. En 2004, les mobilisations massives de millions de jeunes et de travailleurs ont délogé la droite du gouvernement et entraîné le retrait des troupes espagnoles d’Irak. De plus en plus de travailleurs se rendent compte que ce système n’est pas « réformable », et qu’il n’y a pas d’autre voie qu’une lutte massive contre la classe capitaliste et son système en faillite.
Natalia Martínez