Par Patrick Larsen, de Puerto Ordáz
Le 16 décembre dernier, une délégation de quinze militants du CMR (Courant Marxiste Révolutionnaire) et du FRETECO (Front Révolutionnaire des Travailleurs des Usines Occupées), s’est rendue à l’usine sidérurgique SIDOR, à Guyana, dans l’Etat de Bolivar, au Venezuela.
Les camarades avaient été officiellement invités par le SUTISS, le syndicat des travailleurs de SIDOR. Le SUTISS compte environ 4500 membres et figure parmi les syndicats les plus importants du pays. Les dirigeants du syndicat ont récemment été remplacés. De nombreux travailleurs étaient mécontents de l’ancienne direction syndicale. Le nouveau président, José Luis Hernandez, a déclaré qu’il voulait un syndicalisme plus proche des travailleurs et de leurs problèmes quotidiens.
L’objectif de cette visite était de discuter de la question de l’unité, de l’égalité et du socialisme au sein du mouvement ouvrier. D’importants dirigeants syndicaux faisaient partie de la délégation : Félix Martinez, secrétaire général du syndicat des travailleurs chez Mitsubishi, à Barcelona ; Yeant Sabino, secrétaire général du syndicat des travailleurs de Vivex (une usine de Barcelona actuellement occupée par les travailleurs) ; Luis Primo, coordinateur régional de l’UNT à Caracas-Miranda ; Nelson Rodríguez, membre du Comité d’usine à Inveval ; et finalement José Padron, de CANTV (télécom), à Valencia. Étaient également présents des dirigeants nationaux du CMR (Leonardo Badell et Carlos Rodriguez), deux militants de la jeunesse du PSUV de Caracas et un camarade qui représentait le Syndicat des Etudiants espagnol.
Les activités ont débuté à 6h30. Trois camarades ont pris la parole devant l’entrée numéro 3 de l’usine. SIDOR est une immense usine, avec environ 15 000 salariés (internes, sous-traitants et administratifs). Tous les jours, des dizaines de bus arrivent, chargés de travailleurs, par l’entrée numéro 3. Le SUTISS a le droit de demander l’arrêt des bus pour parler aux travailleurs.
Quelque 400 travailleurs ont participé au rassemblement. Nos camarades ont évoqué la nécessité de mettre fin à la puissance économique de la classe capitaliste par la nationalisation de la terre, de l’industrie et des banques, afin de compléter la révolution socialiste. Contre les arguments des réformistes, nous avons souligné que c’est la mobilisation des travailleurs qui, à plusieurs reprises, a défendu et sauvé la révolution.
A 11h, nous nous sommes rendus à l’une des cantines, où des travailleurs prenaient leur déjeuner. Nous y avons monté une plate-forme, avec des haut-parleurs. Une centaine de salariés étaient présents. Après une brève introduction de José Luis Hernández, président du SUTISS, le débat a été lancé par Félix Martinez, secrétaire général du syndicat chez Mitsubishi et dirigeant régional de l’UNT à Anzoategui. Félix a expliqué la lutte pour transformer les syndicats, en rupture avec les idées réformistes, pour en faire un outil révolutionnaire au service des travailleurs. Il a souligné qu’un syndicalisme qui ne va pas au-delà des questions de « pain quotidien » et des revendications immédiates ne sera jamais révolutionnaire. Les travailleurs ont besoin d’une politique syndicale qui relie les revendications immédiates à la lutte pour le socialisme.
Nelson Rodriguez, de l’usine Inveval, a décrit l’expérience de cette entreprise, nationalisée et placée sous le contrôle des travailleurs en 2005. Il a expliqué que le contrôle démocratique des travailleurs est nécessaire, si nous voulons vraiment exploiter les forces productives dans l’intérêt de la population :« Les travailleurs doivent ouvrir les comptes des entreprises et publier les chiffres. Ainsi, ils pourront comprendre les coûts de production et, de cette façon, décider quels investissements sont réellement nécessaires. »
A 14h30, une nouvelle assemblée s’est tenue devant l’entrée de SIDOR. Plus de 500 travailleurs y étaient réunis. José Luis Hernandez y a invité Félix Martinez et Carlos Rodriguez à prendre la parole au nom de toute la délégation.
Dans un discours enflammé, Félix a souligné le devoir qu’ont les travailleurs de s’organiser et de se mettre à la tête de la révolution. « Certains disent que la classe ouvrière a un faible niveau de conscience. Mais si c’était vrai, il n’y aurait jamais eu la magnifique lutte que vous avez menée, ici, pour la nationalisation de SIDOR ! » Il a répété le slogan : « Usine fermée – usine occupée et expropriée par les travailleurs ! ». Ce mot d’ordre a été accueilli par une grande salve d’applaudissements.
Carlos Rodriguez a brièvement pris la parole et a évoqué le contexte politique : « Oui, il faut voter pour l’amendement constitutionnel présenté par Chavez. Mais cela ne suffit pas. Il nous faut compléter la révolution. Cela comprend, premièrement, l’expropriation des principaux leviers de l’économie (la terre, les banques et l’industrie), et leur nationalisation sous contrôle des ouvriers, petits paysans, etc. ; deuxièmement, la destruction de l’Etat bourgeois et son remplacement par un Etat ouvrier révolutionnaire. »Ces idées ont rencontré un excellent écho parmi les travailleurs présents.
Finalement, José Luis Hernández a clôturé le meeting en disant : « Ce sont des camarades marxistes pleins d’énergie. Nous les remercions d’avoir été avec nous aujourd’hui. Nous approuvons ces idées et nous devons les mettre en pratique dans notre lutte pour l’assurance maladie, les retraites et toutes nos autres revendications. »