A Gaza, les bombardements des forces armées israéliennes ont tué et mutilé des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne sont pour rien dans les tirs de roquettes perpétrés par le Hamas. Le sang qui coule s’ajoute à la souffrance d’une population qui sombre dans la misère, la pénurie alimentaire et l’insalubrité. Les égouts se déversent dans les rues. Il manque de tout. Sur une population totale de 1,5 million d’habitants, 1,1 million dépendent de l’aide alimentaire. Selon un rapport d’ONG britanniques, le bouclage de la bande de Gaza par Israël a entraîné la crise humanitaire la plus grave depuis 1967.
Les « pourparlers » entre le gouvernement israélien et Mahmoud Abbas reprendront. Ce dernier les avait momentanément interrompus – du moins officiellement – suite au carnage qui a coûté la vie à au moins 120 Palestiniens. Mais ce n’est pas un détail de ce genre qui va durablement gêner ce pion de l’impérialisme. Les « discussions » entre l’Autorité Palestinienne et le gouvernement israélien, sous le patronage de l’impérialisme américain, ne sont qu’un écran de fumée destiné à masquer la macabre réalité de la violence et de l’oppression infligées aux travailleurs et aux jeunes des territoires prétendument « autonomes ».
Le Hamas a profité de la corruption et la servilité des chefs de l’OLP pour gagner les élections législatives de janvier 2006. Par la suite, Abbas a été armé et financé pour mener un véritable coup d’Etat contre le Hamas, en Cisjordanie. La population palestinienne se trouve exposée aux exactions non seulement de l’Etat d’Israël, mais aussi des deux appareils militaires rivaux du Hamas et du Fatah, dont chacun cherche à consolider son contrôle des armes, de l’affairisme, des trafics – ainsi, bien évidemment, que des financements liés aux rapports qu’ils entretiennent avec les régimes réactionnaires dans la région, et au-delà.
Les tirs de roquettes et attentats du Hamas sur le territoire israélien ne servent à rien, si ce n’est à fournir un prétexte aux bombardements israéliens. L’impact de ces tirs est absolument nul sur le plan militaire, mais ils aident le gouvernement israélien – largement discrédité, après la défaite de l’armée israélienne au Liban – à souder la population autour de sa politique d’oppression impérialiste.
La population de Gaza n’exerce aucun contrôle sur le comportement du Hamas, dont la politique obéit exclusivement aux objectifs de la clique réactionnaire qui le dirige. Ces tirs visent à faire du Hamas un interlocuteur incontournable à la table des négociations organisées par les grandes puissances. Et ce qui s’y négocie, c’est surtout la distribution de pouvoirs et de dollars, en échange de la « paix ». Ceux qui reçoivent les sommes distribuées – et autres faveurs, tels des contrats commerciaux, etc. – s’engagent à faire la police et à « maintenir l’ordre » dans les territoires, pour le compte de l’Etat israélien. Tel est le rôle d’Abbas, qui n’est autre qu’un agent conscient des intérêts des Etats-Unis, d’Israël, de l’Arabie Saoudite et, accessoirement, des puissances européennes.
L’émancipation des Palestiniens est absolument impossible sans un bouleversement général de l’ordre capitaliste dans toute la région. L’impérialisme israélien, tout comme ses appuis à Washington et en Europe, n’acceptera jamais la création d’un Etat palestinien à ses frontières. Il y va de ses intérêts vitaux. La même chose est vraie pour tous les Etats arabes aux alentours, ainsi que pour le régime iranien. Toute avancée réelle vers l’émancipation des Palestiniens ne pourrait que fragiliser les régimes répressifs et réactionnaires de la région. Ainsi, en dépit de leur démagogie « pro-palestinienne », les gouvernements de l’Egypte, de la Jordanie, de l’Arabie Saoudite et de l’Iran ont au moins autant de raisons de craindre l’émancipation des Palestiniens que le gouvernement israélien. C’est pour cette raison que toutes ces puissances entretiennent des relations avec le Fatah et le Hamas. Les négociations baptisées « processus de paix » – dans lesquelles les rédacteurs de L’Humanité placent tant d’espoir – n’ont strictement rien à voir avec la paix ou avec les droits démocratiques de Palestiniens. Elles n’ont rien à voir, non plus, avec l’établissement d’un Etat palestinien. Il s’agit uniquement de consolider et de verrouiller le dispositif d’intimidation et de contrôle d’une population enfermée dans sa cage « autonome » et privée de toute possibilité de résistance. Pour cela, la complicité des dirigeants du Fatah et, si possible, du Hamas, est nécessaire.
Le désaccord entre les dirigeants du Hamas et ceux du Fatah porte essentiellement sur le fait que les premiers n’ont pas encore obtenu la même « reconnaissance » et les mêmes faveurs que les derniers. Dans d’autres circonstances, l’administration américaine aurait déjà arrangé les choses en mettant suffisamment d’argent sur la table pour parvenir à un accord. L’impérialisme américain a souvent financé des organisations de ce genre, par le passé. Au lendemain des élections remportées par le Hamas, la Maison Blanche était favorable à un accord entre le Fatah et le Hamas. Aujourd’hui encore, elle passe par l’intermédiaire de l’Egypte pour inviter le Hamas à sa table. Tôt ou tard, comme le Fatah avant lui, le Hamas finira par reconnaître Israël. Cependant, le conflit entre le régime iranien et les Etats-Unis entre en ligne de compte, et complique le ralliement du Hamas, dont le régime iranien constitue l’un des principaux bailleurs de fonds.
Bush a multiplié des discours belliqueux à l’égard de l’Iran. Comme on le sait, Sarkozy et Kouchner, officiers aspirants de Bush, ont même menacé de lancer une guerre contre l’Iran, dans un excès de zèle aussitôt renié. Si on ne peut pas exclure des frappes ponctuelles contre des installations iraniennes de la part des Etats-Unis – ou d’Israël –, ceux-ci n’ont pas les moyens de lui faire la guerre. Le gouvernement américain est en train de perdre les guerres en Irak et en Afghanistan, qui ne lui laissent pas la possibilité de s’engager dans un autre conflit d’envergure ailleurs. Quant à la France, sa menace fut considérée, en Iran et dans le monde entier, comme une expression parmi d’autres de la folie des grandeurs qui caractérise toute l’activité diplomatique de la France depuis l’élection de Sarkozy.
Le paradoxe, c’est que c’est précisément l’intervention des Etats-Unis en Irak qui a permis à l’Iran de renforcer sa position de superpuissance régionale. Derrière l’agressivité des discours de Bush, les stratèges sérieux de l’impérialisme américain sont à la manœuvre pour parvenir à une entente avec l’Iran, sans laquelle ils ne pourront jamais s’extraire du bourbier irakien. La capacité de nuisance du Hamas constitue une carte supplémentaire du régime iranien, qui alimente généreusement les caisses et les arsenaux du Hamas. La masse des Palestiniens, enfermée dans les ruines et la misère de ses enclaves « autonomes », n’est que la petite monnaie du jeu stratégique des puissances impérialistes.
La solution de la question palestinienne est entre les mains des travailleurs et des jeunes de la région. La classe ouvrière d’Egypte, de Jordanie et d’Iran détient la clé pour sortir de cet enfer. Il faut que les travailleurs de ces pays et leurs organisations retrouvent les traditions révolutionnaires et l’esprit des grandes luttes qui ont jalonné leur passé. Il faut qu’ils luttent pour l’expropriation des capitalistes et des banquiers qui les exploitent et les oppriment, qu’ils inscrivent sur leur bannière le programme d’une fédération socialiste du Moyen-Orient. La victoire du socialisme dans un seul pays de la région – en Egypte, en Iran ou ailleurs – changerait radicalement le rapport de force entre les classes dans tout le Moyen-Orient et les pays du Maghreb. D’autres victoires suivraient. Pour les Palestiniens, comme pour les travailleurs d’Israël, la perspective d’une société socialiste, sans exploitation, sans oppression, aurait une force d’attraction immense. Elle porterait un coup fatal aux manœuvres impérialistes, qui ont causé tant de souffrances aux Palestiniens comme à des dizaines de millions de travailleurs et de jeunes, à travers la région.
Greg Oxley (PCF Paris 10e)