L’assassinat de Benazir Bhutto est un crime contre les travailleurs et les paysans du Pakistan. Il a été commis en pleine campagne électorale, après des années de dictature militaire. Les masses pakistanaises aspirent à un profond changement. En conséquence, le PPP de Benazir Bhutto connaissait une puissante vague de soutien et était assuré de remporter les élections législatives prévues pour le 8 janvier.
La campagne électorale montait en puissance, et le message socialiste de la tendance marxiste du PPP – The Struggle – recevait un accueil enthousiaste dans tout le pays. Ces élections allaient marquer un grand tournant à gauche, au Pakistan. Cela semait la panique dans la clique dirigeante. Telle est la cause de l’assassinat de Benazir Bhutto.
Cette provocation sanglante avait pour but d’empêcher la tenue d’élections que le PPP allait gagner, et de fournir une excuse à une possible réintroduction de la loi martiale et de la dictature. C’est un acte contre-révolutionnaire qui doit être condamné sans réserves.
Qui en est responsable ? Quand j’ai posé la question à nos camarades de Karachi, ils ont immédiatement répondu : « les Mullahs. » Dans des pays comme le Pakistan, les forces de la contre-révolution se drapent souvent dans les habits du fondamentalisme islamique.
Qui que soit l’agent direct de cet acte criminel, les fils en remontent très haut. Les soit-disant « jihadistes » ne sont que les laquais et les hommes de main de forces réactionnaires qui sont au cœur de l’appareil d’Etat et de la classe dirigeante. Ils sont soutenus par une partie des Services Secrets Pakistanais (ISI), par des barons de la drogue directement liés aux Talibans et par le régime saoudien, toujours soucieux d’appuyer et de financer toute activité réactionnaire à travers le monde.
L’actuelle guerre en Afghanistan a des conséquences désastreuses au Pakistan. La classe dirigeante pakistanaise avait l’ambition de dominer l’Afghanistan après l’expulsion des Russes, en 1989. L’armée pakistanaise et l’ISI y sont impliqués depuis des décennies. Ils sont toujours liés aux Talibans et aux barons de la drogue (ce qui est la même chose). D’énormes fortunes ont été accumulées grâce au commerce de la drogue, ce qui empoisonne le Pakistan et en déstabilise l’économie, la société et la politique.
L’assassinat de Benazir Bhutto est une nouvelle illustration de la dégénérescence et de la corruption extrêmes qui rongent les organes vitaux du Pakistan. La misère des masses, la pauvreté et les injustices exigent une solution urgente. Mais les propriétaires terriens et les capitalistes n’ont aucune solution à ces problèmes. Les travailleurs et les paysans voyaient une alternative dans le PPP.
Certains « de gauche » diront : « mais le programme de Benazir Bhutto n’était pas une solution ». Mais les marxistes du PPP se battent pour le programme du socialisme – le programme originel du PPP. Et les masses ne peuvent apprendre à distinguer les programmes et les politiques qu’à travers leur propre expérience.
Les élections de janvier auraient donné aux masses une opportunité de faire au moins un pas dans la bonne direction, en infligeant une défaite décisive aux forces de la réaction et de la dictature. Elles auraient alors eu la possibilité de mieux distinguer les programmes et les politiques – non en théorie, mais en pratique.
Quel effet l’assassinat de Bhutto aura-t-il sur les masses ? Les larmes ont laissé place à la colère et à un sentiment de choc général. A l’heure où ces lignes sont écrites, il y a des émeutes dans les rues de Karachi et d’autres villes. Les gens bloquent les rues et brûlent des pneus. C’est un avertissement à la classe dirigeante : la patience des masses atteint ses limites. Et leur mouvement ne peut être arrêté par l’assassinat d’un dirigeant – ou de mille.
Les masses soutiennent toujours leurs grandes organisations traditionnelles. Le PPP s’est développé dans le feu des mouvements révolutionnaires de 1968-69, lorsque les travailleurs et les paysans étaient tout près de prendre le pouvoir.
Le dictateur Zia a assassiné le père de Benazir. Cela n’a pas empêché la renaissance du PPP dans les années 80. Les forces du terrorisme d’Etat ont assassiné le frère de Benazir, Murtazar. Ils ont ensuite exilé Benazir et instauré une nouvelle dictature. Cela n’a pas empêché le PPP de connaître une nouvelle résurrection lorsque 2 à 3 millions de personnes sont descendues dans la rue pour accueillir le retour de Benazir, en octobre dernier.
Les masses sortiront du choc et de la colère immédiats. Ces émotions seront remplacées par la révolte et la soif de revanche. Ce qu’il faut, ce n’est pas une revanche individuelle, mais une revanche collective. Il faut préparer les masses à une nouvelle offensive révolutionnaire qui s’attaquera aux racines des problèmes du Pakistan.
Il se peut que la clique dirigeante retarde les élections – mais il lui faudra bien organiser des élections tôt ou tard. Les réactionnaires espèrent que la disparition de Benazir affaiblira le PPP. C’est une erreur sérieuse ! Le PPP ne peut être réduit à un individu. Si c’était le cas, le PPP aurait disparu après l’assassinat de Zulfiqar Ali Bhutto, le père de Benazir.
Le PPP ne se ramène pas à un individu. C’est l’expression organisée de la volonté des masses à changer la société. C’est les 3 millions de Pakistanais qui sont descendus dans la rue pour accueillir Benazir. C’est les dizaines de millions qui se préparaient à voter pour le PPP. Ces millions pleurent, à présent. Ils trouveront le chemin qui fera entendre leur voix.
Les masses doivent protester contre ce meurtre par un mouvement qui débouche sur une grève générale. Elles doivent lever le drapeau de la démocratie. Non à la dictature ! Non à loi martiale ! Pour des élections immédiates !
La direction du PPP ne doit pas capituler aux pressions pour reporter les élections. Convocation immédiate des élections ! Que la voix du peuple soit entendue ! Surtout, le PPP doit revenir à ses principes et son programme originels.
Les principes fondateurs du PPP fixent l’objectif de la transformation socialiste de la société. Cela comprend la nationalisation des terres, des banques et de l’industrie sous contrôle ouvrier, ainsi que le remplacement de l’armée professionnelle par des milices paysannes et ouvrières. Ces idées sont aussi justes aujourd’hui que lorsqu’elles ont été écrites pour la première fois.
Rien n’est plus simple que de tuer un homme ou une femme. Nous autres humains sommes des créatures fragiles. Mais on ne peut pas assassiner une idée dont l’heure est venue !
Alan Woods, le 27 décembre.