Dès le lendemain de son élection, Nicolas Sarkozy a commencé à mettre en oeuvre son programme au service des capitalistes. Parmi les multiples mesures réactionnaires, il y a le projet de réforme de l’Enseignement Supérieur, qui vise à détruire l’université publique. Pour mettre la pression sur l’UNEF, Sarkozy a déclaré que cette réforme était « la plus importante » de son mandat. Elle porte l’objectif double de mettre l’université au service des intérêts des capitalistes et de s’en prendre à l’un des principaux foyers de résistance auxquels s’étaient heurtés les gouvernements précédents.
En quoi consiste cette loi ? Elle vise à instaurer « l’autonomie des universités » : les établissements pourrons librement recruter leurs personnels (enseignants ou non), rechercher leurs propres sources de financements, louer ou vendre leurs locaux, etc. Ceci se double d’un affaiblissement de la démocratie interne aux universités : la composition du Conseil d’Administration sera modifiée. Le nombre de représentants des personnels techniques et des étudiants diminuera, alors que le nombre de personnalités extérieures à l’établissement augmentera. Ainsi, dans le conseil qui décide de la politique de l’établissement, il pourra y avoir jusqu’à deux fois plus de chefs d’entreprises que d’élus des étudiants, et quatre fois plus que d’élus IATOS (personnels techniques) !
Dans les faits, cette réforme place les universités au service de l’économie capitaliste. Elles seront encouragées à trouver des financements privés, et pour cela devront définir leur offre de formation en fonction des besoins immédiats des entreprises, ces dernières pouvant avoir plus d’un tiers des sièges en conseil d’administration. En outre, la liberté, pour les universités, d’embaucher des personnels en CDI, est une attaque frontale contre le statut de fonctionnaire.
Contrairement à ce qu’affirme la droite, ce projet de loi n’est pas nouveau. Ce n’est pas la première fois que la classe dirigeante s’attaque au service public de l’enseignement supérieur. Déjà, en 1986, le projet de loi Devaquet visait à instaurer la sélection, la liberté pour chaque établissement de fixer ses frais d’inscriptions et la casse du cadre national des diplômes. Il fut retiré grâce à la mobilisation étudiante. En 2003, la réforme dite LMD, même amputée de la LMU (Loi de Modernisation des Universités, qui annonçait l’actuelle loi), revenait à la charge en cassant le cadre national des diplômes, ce qui a aggravé les inégalités sociales et géographiques entre étudiants, tout en accentuant la crise financière des universités, la réforme s’étant mise en place sans budget supplémentaire.
En 2005, le « Pacte sur la recherche » était une véritable insulte aux chercheurs mobilisés contre la pénurie des moyens et pour une recherche publique indépendante des intérêts privés. Ce Pacte détruisait le monopole d’Etat sur la délivrance de titres universitaires en encourageant l’association d’établissements privés aux établissements publics au sein de PRES (Pôle Régionaux d’Enseignement Supérieur), chargés de définir la politique de recherche sur un site universitaire. La « loi sur l’autonomie » ne fait que compléter ce processus en mettant les universités sous la coupe des intérêts capitalistes et en accentuant l’inégalité entre établissements par l’augmentation du financement privé.
Concurrence indiennne et chinoise ?
La ministre de l’Education nationale, Valérie Pécresse, expliquait dans Libération que « si les universités françaises ne se réforment pas au plus vite, elles seront concurrencées d’ici cinq ans par les universités indiennes et chinoises ». Les travailleurs connaissent bien ce type d’argument : au nom de la concurrence mondiale entre salariés, la droite attaque les conditions de travail, remet en cause les 35 heures et bloque les salaires.
Rappelons qu’en Inde et en Chine, seule une petite minorité de la jeunesse accède à l’université. Mais c’est bien ce dont rêve la classe dirigeante française, qui ne supporte plus de payer des années d’études à des jeunes dont un grand nombre pointeront finalement au chômage ou devront accepter des « petits boulots » sous-payés et sans rapport avec leur qualification. Sarkozy ne veut pas tant nous « rapprocher de l’entreprise » que de l’ANPE et de l’exploitation !
Pour tenter de désamorcer la contestation, le gouvernement a mis en place des pseudo-concertations, avant l’été. Ces soit-disant « négociations », qui portaient uniquement sur les modalités d’applications de la loi, ont attiré la direction de l’UNEF aussi sûrement qu’on attire les mouches avec du sucre. Comble du scandale, une fois les « concertations » terminées, alors qu’il est apparu à tous que la loi constituait une grave régression, la direction de l’UNEF s’est empressée de dire que le projet « préservait l’équilibre » et était « acceptable ». Pour obtenir cette approbation, le gouvernement a pris soin de remettre à une date ultérieure la généralisation de la sélection et l’augmentation massive des frais d’inscription, dans l’espoir de limiter les risques d’une mobilisation des étudiants, à la rentrée. Mais tout le monde sait que cette réforme prépare les conditions de telles attaques.
Pour faire passer la pilule, le gouvernement avait « promis » une augmentation du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, à hauteur d’un milliard d’euros par an, sur cinq ans. Mais Sarkozy et sa clique viennent de nous annoncer que la situation économique ne permettrait pas d’atteindre cet objectif. Les mesures budgétaires reposaient sur une prévision de croissance de 2,5% en 2007, alors que les anticipations les plus optimistes tablent désormais sur un maximum de 2%. Et comme il n’est pas question de remettre en cause le « paquet fiscal » au profit des plus riches, qui ampute le budget de 13 milliards d’euros, l’université attendra !
Résignation des dirigeants de l’UNEF
Malheureusement, la position des dirigeants de l’UNEF est frappée du sceau de la résignation et de la peur d’aller à l’affrontement. Un communiqué publié sur le site internet du syndicat étudiant, le 27 juillet, considère que la loi est « en deça des besoins des universités et des étudiants » – bel euphémisme – mais note tout de même que « les parlementaires ont adopté quelques amendements qui constituent des avancées ». Enfin, on cherche en vain, dans ce texte, la perspective de mobiliser les étudiants, à la rentrée. La direction de l’UNEF préfère placer tous ses espoirs dans la bonne volonté d’une « commission paritaire mixte »… contrôlée par le gouvernement. C’est une très mauvaise plaisanterie.
Face à un projet aussi réactionnaire, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et refuser de regarder la réalité en face. Notre rôle est de mobiliser la jeunesse et les travailleurs pour la défense de leurs intérêts. Il faut construire la résistance aux projets du gouvernement dès la rentrée. Dores et déjà, l’aile gauche de l’UNEF a fait le choix de la mobilisation sous le mot d’ordre d’abrogation de la loi, et un collectif d’organisations de jeunesse devrait se constituer, début septembre, pour tenter de construire un mouvement étudiant contre l’Autonomie des universités. Ce collectif devrait rejoindre les organisations syndicales de salariés qui sont opposées à la loi pour construire ensemble la mobilisation. Celle-ci doit être menée en lien avec les combats des salariés, qui font face à des attaques – droit de grève, etc. – dictées par le même objectif de soumettre toute la société aux intérêts du capitalisme.
Jérémie Giono (Bureau National de l’UNEF)