Dans la soirée du mardi 25 octobre, plus de soixante personnes ont assisté à la réunion publique de la campagne Pas touche au Venezuela !, qui s’est tenue dans le local de la section du PCF du 10ème, à Paris. C’est la neuvième fois que nous organisons une conférence-débat sur ce thème, à Paris, et la troisième fois dans cette salle. Et comme toujours, l’enthousiasme était au rendez-vous.
En attendant les retardataires, Thomas de Aquino, un camarade du Cercle Bolivarien de Paris, nous a interprété à la guitare – et avec talent – un chant à la gloire de la révolution vénézuélienne. Puis Jean-Pierre Leroux, secrétaire de la section locale du PCF, a ouvert la réunion. « Ce qui se passe au Venezuela est très important », a-t-il souligné. « C’est un immense espoir qui se lève pour le peuple Vénézuélien, pour les peuples de toute l’Amérique latine – et, en fait, pour les peuples du monde entier. »
C’est Greg Oxley, de La Riposte, qui a fait l’exposé d’introduction. Pour ceux qui ne connaissaient pas bien la situation au Venezuela, il a retracé les principales étapes de la révolution : le « Caracazo » de 1989, l’élection de Chavez, en 1998, l’échec du coup d’Etat d’avril 2002, la campagne de sabotage de décembre 2002/janvier 2003, et enfin l’« orientation socialiste » – nous y reviendrons – que prend cette révolution depuis le début de 2005.
« Certaines personnes, pour discréditer l’idée de révolution, ridiculisent la perspective d’un ” grand soir ” », a dit Greg. « Mais aucune révolution, dans l’histoire, n’a consisté en un ” grand soir “. Il s’agit toujours d’un processus, qui peut s’étaler sur plusieurs années. Voyez la révolution russe : en un sens, elle commence dès 1905 et ne s’achève qu’en octobre 1917, voire au-delà. Il en est de même avec la révolution vénézuélienne : elle se développe depuis plusieurs années. Cependant, l’idée de ” grand soir ” n’est pas non plus complètement fausse. Car les révolutions ne se développent pas en ligne droite, de façon graduelle. Elles sont ponctuées par des moments décisifs et des tournants brusques. Le coup d’Etat du 11 avril 2002 et la mobilisation populaire massive sur lequel il s’est brisé – voilà un des ” grands soirs ” de la révolution vénézuélienne. »
Greg a également insisté sur le tournant majeur que constituent les premières nationalisations, la radicalisation de la réforme agraire et le débat sur le socialisme qui s’est ouvert, depuis janvier 2005, dans le mouvement bolivarien : « Au lendemain de l’effondrement de l’Union Soviétique, les capitalistes et leurs intellectuels expliquaient que le communisme, le socialisme et le marxisme étaient morts. Mais aujourd’hui, Chavez reconnaît qu’il est impossible de construire un ” capitalisme à visage humain ” et qu’il faut aller vers le socialisme. Lors de sa récente visite en France, il a expliqué qu’il était ” le produit d’une crise “, la crise du système capitaliste. C’est une très bonne définition. La crise mondiale du système capitaliste met partout la révolution socialiste à l’ordre du jour. »
Le débat qui a suivi était particulièrement animé. La nature de la révolution vénézuélienne, en particulier, a fait l’objet d’une vive discussion. Certains intervenants ont mis en doute l’idée que cette révolution était socialiste. Quelqu’un a rappelé, par exemple, que Simon Bolivar, d’où vient le nom de « révolution bolivarienne », n’était pas un socialiste. « Certes, a répondu Greg, la révolution vénézuélienne a commencé comme une révolution nationale-démocratique. L’objectif était de s’affranchir du pillage impérialiste, d’éradiquer la corruption, de redistribuer les terres au profit des paysans pauvres et, de manière générale, d’élever le niveau de vie de la masse de la population – sans toucher à la propriété privée. Mais comme toute révolution, la révolution vénézuelienne est un processus au cours duquel la conscience des masses en lutte évolue sans cesse, et très rapidement. Au début, personne ne parlait de socialisme. Aujourd’hui, tous les vénézuéliens en parlent et en débattent – y compris Chavez lui-même.
« Quant à Simon Bolivar, c’était un très grand homme. Il était inspiré par la révolution française de 1789-93. Mais à son époque, la classe ouvrière à proprement parler n’existait pas, en Amérique latine. Aujourd’hui, par contre, la classe ouvrière constitue une force très puissante de la société vénézuélienne. Et c’est cette classe qui, avec les nationalisations, les expériences de contrôle ouvrier et le débat sur le socialisme, occupe de plus en plus le premier rang de la révolution vénézuélienne. C’est pour cela que nous disons que cette révolution prend la voie du socialisme. »
Cependant, Greg a précisé : « Nous ne disons pas que la révolution a terminé sa course. Au contraire. La classe capitaliste contrôle encore une grande partie de l’économie nationale. Dans l’Etat, la haute administration et l’armée, il y a toujours de nombreux ennemis de la révolution. Et tant que la révolution n’aura pas réalisé ses tâches socialistes – l’expropriation des banques, de l’industrie et des grands propriétaires terriens -, elle sera toujours menacée. »
La question de l’armement du peuple a provoqué une discussion sur l’expérience de la révolution chilienne. Au cours de son exposé, Greg avait dit que Salvador Allende, à la différence de Chavez, avait peur des armes. Dans l’assistance, quelqu’un lui a alors reproché d’insulter la mémoire du dirigeant socialiste, martyr de la révolution chilienne.
« C’est vrai que Salvador Allende est un martyr, a répondu Greg. Mais il n’a pas été le seul. N’oublions pas que l’écrasement de cette révolution a coûté la vie à des dizaines de milliers de gens, et que le mouvement ouvrier chilien a mis des décennies à s’en relever. Et c’est un fait, pour nous, qu’Allende porte une lourde responsabilité dans ce désastre. Sa politique conciliatrice vis-à-vis des généraux contre-révolutionnaires fut fatale à la révolution. Souvenons-nous que c’est Allende lui-même qui a nommé Pinochet – dans l’espoir vain de le calmer. Et quelques semaines avant le coup d’Etat du 11 septembre 1973, Allende, avec l’appui des dirigeants du Parti Communiste Chilien, a ordonné le désarmement des milices populaires. Ce faisant, il préparait le terrain à la contre-révolution, qui n’a pas tardé à frapper. C’est une leçon dont nous devons nous souvenir, y compris au sujet de la révolution vénézuélienne. L’armement des travailleurs et des paysans vénézuéliens est une nécessité incontournable. »
Bien d’autres questions ont été soulevées et débattues, comme par exemple l’hypothèse d’une intervention militaire américaine contre le Venezuela, ou encore les menaces d’assassinat proférées par le télévangéliste Pat Robertson, un proche de Georges Bush. De manière générale, le débat était d’un bon niveau, et d’autant plus passionné que le développement de la révolution vénézuélienne suscite un très grand enthousiasme. D’autres réunions de Pas touche au Venezuela ! se tiendront, tout au long de l’année, dans différentes villes du pays, à commencer, en novembre, par Toulouse, Grenoble et Bayonne.