Les travailleurs en lutte contre la privatisation de la SNCM sont engagés dans un combat décisif. En annonçant la privatisation de la SNCM, le 19 septembre dernier, le gouvernement de Villepin s’est attaqué directement aux salariés de l’entreprise et persiste dans son acharnement contre le secteur public. La multiplication de grèves et d’actions de solidarité, suite aux arrestations de syndicalistes à bord du Pascal Paoli, traduit la colère des travailleurs face à l’arrogance et la brutalité du gouvernement.
La vente d’actifs publics aux capitalistes avares de profit s’est souvent faite à « prix d’ami ». Walter Butler est un proche du Premier Ministre. Henri Proglio, PDG de Veolia (dont Connex est une filiale) est un ami de Jacques Chirac. Mais dans le cas de la SNCM, le terme « vente » n’est pas approprié. Le groupe Walter Butler et le groupe Connex ne débourseront pas un seul centime pour s’accaparer une entreprise dont la valeur se situe pourtant entre 450 et 500 millions d’euros. Au contraire, selon les termes de cette scandaleuse opération, l’Etat versera 113 millions d’euros dans les coffres de l’entreprise juste avant de la céder à Butler et Connex pour la somme de 35 millions. Ce n’est pas tout. Les requins capitalistes qui tournent autour des navires de la SNCM prévoient la suppression de 400 emplois sur un total de 2400 – dont le coût sera, lui aussi, pris en charge par l’Etat !
Cette escroquerie a été immédiatement dénoncée par la CGT et le STC. L’ampleur et la vigueur du mouvement de grève ont ébranlé le gouvernement. Breton et Perben ont dû abandonner la privatisation totale initialement prévue, à la faveur du montage Butler-Connex, dans lequel l’Etat conserverait 25% du capital. Mais ceci ne change rien sur le fond. L’échange de 35 contre 113 millions y est maintenu, ainsi que les 400 suppressions d’emplois. Par le biais de cette manoeuvre cynique, le gouvernement veut donner l’impression de faire un « geste » en direction des grévistes, alors qu’il n’en est rien.
Pour avoir conduit le Pascal Paoli jusqu’au large de Bastia, quatre militants du STC ont été placés en garde à vue, à Toulon, avant d’être libérés – malgré l’incarcération de deux d’entre eux requise par le parquet de Marseille. Ils sont accusés de « détournement » et « séquestration de personnes », alors que ce sont plutôt le gouvernement et les acquéreurs qui sont coupables de ces crimes. Après tout, cette affaire n’est rien d’autre qu’un détournement massif d’actifs publics au profit des amis de Chirac et de Villepin, et une prise en otage de tous les salariés de la SNCM dans le but de les jeter, par tranches successives, dans la misère et le désespoir des sans-emploi. Il n’y a rien de violent dans le comportement des grévistes. Ce sont des hommes qui se battent contre la privatisation et pour défendre leur emploi. Leur détermination et leur audace font honneur à toute la classe ouvrière. Ils méritent d’être activement soutenus par tous les travailleurs de France.
La presse et les médias cherchent à discréditer et isoler les grévistes en les présentant comme de violents abrutis. Les journaux télévisés ont sciemment cherché à assimiler l’action des grévistes au terrorisme. De Villepin fait de même, en associant le tir de roquette sur un bâtiment administratif à l’action des marins du Pascal Paoli. En multipliant les provocations de ce genre et en usant de la « manière forte » contre les grévistes, le gouvernement porte l’entière responsabilité des affrontements avec les forces de l’ordre dans les rues de Bastia et ailleurs. L’intervention du GIGN à bord du Pascal Paoli était clairement destinée à intimider les grévistes, ainsi qu’à faire comprendre à tous que le gouvernement et les capitalistes qu’il représente ne reculeront devant rien dans la poursuite de leurs intérêts.
L’ampleur des mouvements de grève a coupé la Corse du continent. Corsica Ferries et CMN ont interrompu leurs rotations. Les salariés des deux dépôts pétroliers de l’île se sont déclarés en grève jusqu’à la libération des syndicalistes STC. La grève des chauffeurs de camion-citerne STC a créé une pénurie d’essence. La mobilisation des personnels d’Air France a complètement arrêté le trafic aérien à Bastia et l’a sérieusement perturbé à Ajaccio. La grève des agents CGT du Port Autonome de Marseille, qui dénoncent une privatisation « latente » des activités portuaires, exige l’abandon des procédures de licenciements engagées contre trois militants, dont le secrétaire adjoint du syndicat. Elle a été reconduite pour samedi et dimanche. Le port de Marseille est complètement paralysé, avec 23 navires bloqués à quai et une vingtaine d’autres en rade, y compris au large des bassins pétroliers de Fosse-sur-Mer et de Lavera.
Cette explosion de colère offre un exemple de ce qui va sans doute se passer dans d’autres secteurs de l’économie face à la politique de privatisation, de précarité et de régression sociale menée par le gouvernement et le MEDEF. Le mouvement syndical, le PCF et le PS doivent s’opposer catégoriquement à la privatisation, même partielle, de la SNCM. C’est la « libéralisation » du trafic maritime qui se trouve à la source des difficultés financières de l’entreprise publique. L’attitude de François Hollande, qui s’est déclaré favorable à la cession de 49% de la SNCM aux capitaux privés, est inacceptable. La SNCM a été créée en 1976 avec une mission de service public. Une privatisation partielle ne serait que la première étape vers une privatisation totale de l’entreprise, et ne répond pas à la question des suppressions d’emploi exigées par les acquéreurs. L’Etat a largement subventionné d’innombrables entreprises privées sous divers prétextes – y compris Hewlett-Packard, qui a récemment décidé de fermer son site de Grenoble. Mais alors, comment justifier le refus d’assurer un financement adéquat de la SNCM ?
Le gouvernement essaie, au passage, de se cacher derrière ce que la Commission Européenne « autorise » ou « n’autorise pas ». Ceci n’est pas notre problème. Nous, nous voulons lutter contre la privatisation et défendre l’emploi. Soutenons sans réserve les travailleurs en lutte, pour que de Villepin, Breton, Perben et leur patron Chirac n’aient d’autre choix que d’informer la Commission Européenne que les travailleurs de France « n’autorisent pas » la destruction des services publics et de l’emploi !
La Riposte