Dans la perspective du prochain congrès national du PCF, les membres du parti qui ont rédigé ce texte souhaitent qu’il bénéficie d’une diffusion aussi large que possible auprès des adhérents du parti. Si vous pensez qu’il apporte une contribution positive aux discussions préalables au congrès, merci de rajouter votre signature en nous envoyant votre nom, votre section PCF, ainsi que votre éventuelle fonction dans le parti (secrétaire de section, trésorier, etc.) à l’adresse suivante : redaction@lariposte.comou à La Riposte, BP 80378, 75869 Paris CEDEX 18.
Les travailleurs, les jeunes et les retraités de France font l’objet d’attaques incessantes et implacables contre leurs conditions de vie. Cette offensive réactionnaire, d’une ampleur sans précédent depuis le gouvernement de Vichy, est en train de refouler en arrière la société tout entière. Dans les domaines de l’emploi, de la santé, de l’éducation, du logement, des salaires et des retraites, on assiste à une régression sociale sur toute la ligne. Cette situation n’a rien de spécifique à la France. En Europe et à l’échelle internationale, non seulement le capitalisme est incapable d’assurer le « progrès social » que ses représentants prétendent promouvoir, mais il est devenu un système si complètement parasitaire qu’il ne peut plus exister autrement que par la destruction des acquis sociaux.
Nous voyons partout les ravages causés par cette régression : des familles sans foyer et des « marchands de sommeil » qui en profitent, des personnes âgées qui meurent de chaud, de froid ou de malnutrition, plusieurs millions de chômeurs (recensés ou non), plus d’un million de RMIstes, six millions de personnes officiellement pauvres, dont un million d’enfants. On pourrait encore citer bien d’autres manifestations de la misère qui s’installe. En même temps, au sommet de la société, la petite minorité de capitalistes qui profite de ce système infernal amasse des fortunes colossales. Jamais tant de richesse n’a été concentrée en si peu de mains.
Dans les entreprises, le régime interne se durcit. Les patrons s’acharnent contre les syndicalistes et, de manière générale, contre tous les salariés qui osent protester contre la manière dont on les exploite. Les affaires de discrimination ou de criminalisation syndicale à Auchan, Carrefour, Daewoo, Nortène et Exapaq ne sont que quelques exemples, parmi des centaines d’autres, d’un comportement patronal toujours plus agressif. Et pendant qu’on demande à ceux qui travaillent d’être plus productifs et plus rentables, en leur infligeant tour à tour la « flexibilité », la précarité et des pressions morales de toutes sortes, d’autres travailleurs, frappés par le chômage, sombrent progressivement dans la pauvreté et l’exclusion.
Depuis de nombreuses années, le taux de croissance du PIB oscille entre 0% et 2,5%, c’est-à-dire à peine au-dessus du niveau de la simple stagnation. Certains trimestres enregistrent une baisse absolue du PIB. Les profits augmentent. Mais le chômage aussi. Indépendamment des hausses et des baisses conjoncturelles de la production, les problèmes sociaux continuent de s’aggraver. Il s’agit là d’une expression particulièrement frappante de l’impasse dans laquelle le capitalisme nous entraîne.
Dans ce contexte particulièrement grave, le Parti Communiste Français doit non seulement dénoncer les méfaits du capitalisme, mais surtout proposer à la masse de la population un programme qui offre une alternative sérieuse à ce système néfaste. C’est cette question, celle du programme du PCF, qui devrait se trouver au coeur des discussions à tous les niveaux du parti. Le programme, c’est tout d’abord, bien évidemment, l’affaire des militants. Mais au delà des structures du parti, le contenu de ce programme est d’une importance absolument décisive pour l’ensemble des travailleurs, pour les jeunes et, de manière générale, pour tous ceux qui subissent les conséquences sociales et économiques du capitalisme.
En tant que communistes, nous savons qu’à la racine de l’exploitation et des inégalités sociales se trouve la propriété privée des moyens de production. Nous savons, en conséquence, que le passage à une société socialiste représente le seul véritable espoir pour les travailleurs et leur famille. Ceci ne signifie pas, bien évidemment, que nous devons négliger la lutte pour arracher des réformes sociales, ou pour défendre celles qui ont été obtenues par le passé, telles que la réduction du temps de travail hebdomadaire, des augmentations de salaire, la qualité des services publics ou toute autre mesure susceptible d’améliorer les conditions de vie de la population. Au contraire, les communistes doivent être en première ligne de ce combat.
Le réformisme ne se distingue pas d’une politique communiste par le fait de lutter pour des réformes partielles dans le cadre du capitalisme, mais par le fait de se limiter à la seule lutte pour des réformes, sans perspective de rupture avec le capitalisme. Alors que le réformisme écarte de son programme toute mesure susceptible de mettre fin à la domination capitaliste, un programme communiste digne de ce nom doit expliquer aussi clairement que possible la nécessité de substituer au capitalisme un système reposant sur la propriété sociale des moyens de production. Concrètement, cela signifie la nationalisation – ou, si on préfère, la « socialisation » – des banques, des grands moyens de production et de distribution, et la mise en place d’un système démocratique de contrôle et de gestion de l’économie par les travailleurs eux-mêmes.
Dans le programme du PCF, les revendications du parti en matière de salaires, de temps de travail hebdomadaire, de logement, d’éducation, de santé, etc., devraient être liées à la nécessité de rompre avec le capitalisme. Il ne s’agit pas d’exproprier chaque boutique, salon de coiffure ou atelier. Mais toutes les banques et compagnies d’assurances, tous les grands groupes du secteur industriel et les grandes chaînes de distribution devraient être soustraits au contrôle des capitalistes. A l’aide de chiffres, de faits et d’arguments concrets, le PCF doit s’efforcer de convaincre la jeunesse et les travailleurs de la justesse de ce programme, qui constitue la seule issue à l’impasse capitaliste.
Jusqu’au début des années 90, la nationalisation – ne serait-ce que d’une partie de l’économie – constituait l’un des piliers du programme du parti. Mais au cours de la décennie suivante, elle a été complètement abandonnée. Dans la pratique, cela signifiait que le programme du parti s’accommodait de l’économie de marché. On précisait seulement que cette dernière devait être « à dominante sociale », pour reprendre la malheureuse formule de Robert Hue. Ce recul a préparé le terrain à d’autres, plus graves encore. Pendant les années de participation gouvernementale, entre 1997 et 2002, aucune résistance sérieuse n’a été opposée aux privatisations réalisées par le gouvernement Jospin, qui a transféré 31 milliards d’euros de biens publics au secteur capitaliste. Ce chiffre est supérieur à la valeur des privatisations des gouvernements Balladur et Juppé réunis.
Les conséquences de cette dérive sur les effectifs et l’implantation du parti sont bien connues. A l’échelle nationale, nous avons perdu des milliers d’adhérents. Une partie considérable de l’électorat communiste s’est détournée du PCF.
Entre la grande grève de novembre-décembre 1995 et les élections de 2002, le nombre de grèves et de manifestations n’a cessé d’augmenter d’une année sur l’autre. Or, ce regain des luttes sociales s’est accompagné d’un affaiblissement régulier du PCF. L’explication fondamentale de ce paradoxe réside précisément dans la dilution progressive du contenu communiste du programme du PCF, qui ne lui permettait pas de se distinguer nettement de la politique pro-capitaliste défendue par l’aile droite – et jusqu’alors dominante – du Parti Socialiste. Aux yeux de la masse de l’électorat, la similitude des programmes du PS et du PCF s’est exprimée dans la politique qu’ils ont menée conjointement au gouvernement, entre 1997 et 2002. Sur toutes les questions fondamentales, la politique mise en oeuvre par Jospin s’alignait sur la défense des intérêts capitalistes, de sorte que les quelques mesures positives de son gouvernement – telles que la CMU et la loi sur les 35 heures – n’ont pas empêché la dégradation générale des conditions de vie de la majorité de la population. C’est ce qui explique les résultats électoraux désastreux du PS en 2002. Et dans la mesure où le PCF était associé à cette politique pro-capitaliste, il en a également fait les frais.
Ceci dit, nous rejetons catégoriquement les arguments de ceux qui voient dans les difficultés de la dernière période les signes d’un déclin « historique » irréversible de notre parti. Comme le montre notre campagne victorieuse pour le « non » à la constitution européenne, le PCF dispose de réserves sociales très importantes, précisément parce que son adversaire « historique » – le système capitaliste – ne peut désormais fonctionner qu’au détriment de la vaste majorité de la population. Il n’y a absolument rien d’irrémédiable dans les erreurs et les égarements qui sont à la source de l’affaiblissement du parti. Son redressement passe, premièrement, par l’adoption d’un programme communiste à la hauteur de la situation, mais aussi par une politique correcte concernant ses rapports avec le Parti Socialiste et la question de la participation gouvernementale.
Nombreux sont les communistes qui, après l’expérience amère du gouvernement Jospin, sont tentés par l’idée de déclarer d’avance que le PCF ne gouvernera plus jamais avec le PS. Certes, l’entrée du PCF dans un gouvernement de « gauche » qui privatise à tour de bras, comme celui de 1997-2002, est une option qui doit être totalement exclue. Cependant, pour que la démarche des communistes soit bien comprise par les travailleurs et les jeunes, il ne faut pas, à notre avis, exclure d’avance toute nouvelle participation gouvernementale. Au contraire, le PCF devrait expliquer publiquement qu’il est parfaitement disposé à participer au gouvernement avec le PS, mais à condition que ce gouvernement prenne des mesures décisives contre les capitalistes et pour améliorer sérieusement les conditions de vie de la majorité.
Ces mesures devraient inclure l’abrogation de toutes les contre-réformes réalisées par la droite : celles sur les retraites, la sécurité sociale, le temps de travail hebdomadaire, etc. Le SMIC devrait être porté à 1500 euros bruts, sur la base de 35 heures de travail hebdomadaire. Les allocations chômage, le RMI et les retraites doivent être considérablement revalorisés. Un vaste programme destiné à augmenter le nombre de logements sociaux doit être mis en oeuvre, de façon à en finir une fois pour toutes avec les loyers chers, les logements vétustes et le scandale insupportable des SDF. Toutes les entreprises privatisées devraient être renationalisées, sans indemnisation pour les grands actionnaires. Les grands groupes capitalistes qui dominent l’économie nationale, y compris les banques, devraient être nationalisés et soumis à une gestion démocratique et transparente dans l’intérêt des salariés, des usagers et des consommateurs.
Cette approche serait comprise et soutenue par une partie très importante du salariat et de la jeunesse, et mettrait l’aile droite du Parti Socialiste dans une situation extrêmement difficile. Si les dirigeants socialistes refusent la participation du PCF sur la base d’un tel programme, c’est-à-dire préfèrent gouverner dans l’intérêt des capitalistes, l’expérience de ce gouvernement ne pourra se traduire que par le discrédit des dirigeants socialistes et par un renforcement considérable du PCF. En outre, la responsabilité de la non-participation du PCF au gouvernement serait placée sur les épaules des dirigeants socialistes, qui auraient refusé les mesures progressistes proposées par les communistes.
Ces deux éléments indissociables – l’adoption d’une plate-forme politique véritablement communiste et une attitude ferme sur la question de la participation gouvernementale – jetteront les bases d’un redressement du PCF. Ils doivent aller de pair avec une amélioration, en interne, de la formation politique. La négligence de la théorie a désarmé nos militants et sympathisants face à l’offensive idéologique du capitalisme, qui a été particulièrement puissante depuis l’effondrement de l’URSS. L’échec du stalinisme a été présenté comme l’échec du socialisme, et le capitalisme comme un ordre économique et social inéluctable. Sans repères théoriques, sans explications et sans perspectives, de nombreux camarades ont été découragés et désorientés.
Aucun des problèmes auxquels nous sommes confrontés n’est sans solution. Contrairement à ce que prétendent nombre de ses détracteurs, le PCF ne mourra pas. Face à la régression sociale et aux attaques de la droite, les travailleurs et les jeunes ont plus que jamais besoin d’un PCF fort et combatif. Le renforcement du parti, c’est l’affaire de tous les communistes. Par un effort commun, faisons en sorte que son programme et son action soient à la hauteur de la lutte que nous menons pour libérer l’humanité de l’exploitation capitaliste.
Premiers signataires :
Greg Oxley (Paris 10e) ; Jérôme Métellus (Paris 18e) ; Hubert Prévaud (Toulouse) ; René Fleurie (Houplines) ; Christophe (Toulouse) ; Pierre Trapier (sec.de section, Portes-lès-Valence) ;
Nathalie Grégoire (Paris 10e) ; Serge Portejoie (Paris 14e) ; Fabrice Inglès (Paris 10e/MJC) ; André Delange (Paris 9e) ; Hassan Laaziz (Paris) ; Isabelle Martin (Paris 13e) ; Bruno Ameslant (Montmorency) ; Laurent Guillem (Toulouse) ; François Gody (Toulouse) ; Joyer (Coteaux de l’Hers) ; Nicole Amouraoux (Escalquens) ; Maithé Sola (Bruguières) ; Hassan Lazzid (Fonsegrives) ; Sophie Rault (Fonsgrives) ; Francine Begards (Castres) ; Antoine Molesin (Cahors) ; Nicolas Douchin, Françoise Douchin (31) ; Yoan Coursierres (Poste 31) ; Eric Touret (Comminges, 31) ; Fabien Jambou (Grenoble) ; Clément Lorillec (Hirson / Saint-Michel) ; Aurélien Guillot (Rennes) ; Christine Lebon (Lormont 33) ; Laurent Chambon (Thônes) ; Monique Vernin, Maurice Vernin (Corbeil, Essonne) ; Pascal Jouveaux (Pont Audemer, 27) ; Fares Haloui (Sâone et Loire) ; Jean-Marc Domart (Paris 11e) ; Jean-Louis Ruz (Soueich 31) ; Yves Le Gloahec (Feurs-Loire) ; Jean-Michel Toubin (Saint-Just/Saint-Rambert, 42) ; Christian Graux (Créteil 94) ; Guy Calafato (Romilly-sur-Seine, Aube) ; Felices Josyane (Montpellier) ; Kamel Benabdessadok (Vitry-sur-Seine, 94) ; Micheline Coutelan (Secrétaire de section, Nogent-Le Perreux, 94) ; Lucienne Quero, (Embrun, 05) ; Jean-Baptiste Vincensini (Grenoble) ; Jean-Luc Dellis (Amiens, 80) ; Jérémie Giono (Grenoble) ;Francis Plantier, (ancien secrétaire de section, Florensac) ; Alain Guillot, (Lons le Saunier, Jura) ; Olivier Grevet, (Marles-les-Mines, 62) ; Michel Vila (Blois) ; Xavier Dubois (Valenciennes) ; Patrick Kaczmarek (Somme) ; Somdeth Sakda (Porte-lès-Valence) ; Jean Stemmelen (Mulhouse) ; Raphaelle Dadat (Poitiers) ; Daniel Zoïa (Vallée de l’Ariège) ; Jo Hernandez (animateur fédéral, Tarn 81) ; Stéphane Cot (Valailles, 27) ; Nadine Couessurel (Paris 20) ; François Charles (Cellule Guevara, 30) ; Pascal Plantevin (Toulon, membre de l’exécutif fédéral) ; Noël Collet (Annecy)