Interview de John Peterson, rédacteur de Socialist Appeal (Etats-Unis)
Comment expliquez-vous la victoire de Bush aux présidentielles ?
L’explication est assez simple : il n’existe aucune alternative politique, aux Etats-Unis, susceptible de mobiliser les travailleurs contre les partis capitalistes. Les démocrates ne nous représentent pas, et des millions de travailleurs le comprennent instinctivement. 40% de l’électorat ne s’est pas donné la peine d’aller voter. Seul 20 % de l’électorat total a voté pour Bush.
Certes, le mot d’ordre des démocrates – « tout sauf Bush » – a mobilisé des millions d’électeurs qui voulaient surtout se débarrasser de cette administration et de sa politique ultra-réactionnaire. Mais cela n’est pas un véritable programme politique offrant une solution aux travailleurs, qui souffrent autant sous les démocrates que sous les républicains.
Il faut un parti qui se batte pour une couverture sociale et médicale pour tous, pour une éducation de qualité et gratuite pour tous, pour des conditions de logement, des emplois, des retraites et des salaires corrects. Les démocrates n’offrent rien de tout cela. On a besoin d’un parti issu des syndicats et du monde du travail pour battre Bush et défendre un programme socialiste.
Quelles seront les conséquences de la victoire de Bush ?
Bush va poursuivre sa politique agressive, chez nous comme à l’étranger, mais avec encore plus de zèle. Il poursuivra ses attaques contre le niveau de vie des travailleurs. Il nous pressera comme des citrons. Mais tout a une limite. Le pouvoir colossal va de pair avec une arrogance colossale. Cette arrogance, conjuguée au caractère particulièrement borné de l’administration actuelle, nous réserve une série de chocs et de crises. Ce seront quatre années d’enfer et de chaos en Irak. Et pour les travailleurs américains, ce sera la sous-traitance et la précarité des emplois, le démantèlement des services sociaux, les attaques contre le système de santé et l’aggravation de l’endettement.
A un certain stade, les travailleurs américains seront obligés de se défendre. On le sent venir. Les travailleurs américains et la jeunesse sont de plus en plus en colère contre Bush et ne trouvent pas d’alternative chez les démocrates, qui se sont montrés incapables de nous défendre. Les travailleurs ne peuvent compter que sur leur propre force pour se défendre face aux capitalistes et leurs représentants politiques – qu’ils soient républicains ou démocrates.
« La dette publique des Etats-Unis est un énorme abîme qui risque d’entraîner le pays tout entier dans ses profondeurs »
Bush demande de nouveaux crédits pour financer la guerre en Irak. Quelles en seront les conséquences pour l’économie américaine ?
La dette publique des Etats-Unis est un énorme abîme qui risque d’entraîner le pays tout entier dans ses profondeurs.
Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis étaient le premier pays créditeur au monde. Aujourd’hui, ils sont le plus grand débiteur. Le déficit a augmenté de 412 milliards de dollars depuis le début de 2004 ! A ce rythme, il atteindrait 14 000 milliards de dollars avant la fin de la décennie !
Au lieu de tenter de le réduire, le Sénat vient d’augmenter le plafond d’endettement public de 800 milliards de dollars. Toute cette dette constitue un énorme gâchis et un poids sur l’économie nationale. Et elle doit être payée, tôt ou tard – avec les intérêts.
Cela ne peut pas durer indéfiniment. La seule façon de faire face à cette dette, en fin de compte, c’est de s’en prendre aux conditions de vie des travailleurs, des jeunes et des retraités.
Comme vous pouvez le constater, on assiste à une accumulation de pression économique et sociale dans la société américaine, et ce n’est qu’une question de temps avant que cela provoque une violente éruption. En ces temps de crise et d’instabilité à l’échelle internationale, avec le regain des luttes sociales à travers le monde, les travailleurs américains ne seront pas longtemps en reste. Eux aussi vont devoir se mettre en lutte.
La Riposte