Avec le vote massif en faveur de Chavez au référendum révocatoire du 15 août, le mouvement révolutionnaire vénézuélien a, une fois de plus, remporté une victoire éclatante sur la classe capitaliste nationale et l’impérialisme américain. Sur la base d’un taux de participation de 90%, près de 60 % des électeurs ont demandé le maintien d’Hugo Chavez au poste de président. L’opposition, qui a immédiatement contesté le résultat des élections, a dû cependant se résoudre à l’échec.
Après le coup d’Etat manqué d’avril 2002 et la grève patronale de décembre 2002/février 2003, ce référendum représentait la troisième tentative de renverser Hugo Chavez. A chaque fois, l’opposition a été soutenue par le patronat, les dirigeants syndicaux corrompus, les hautes instances de l’Eglise, les médias privés – sans oublier l’appui de l’administration américaine. Mais à chaque fois, l’extraordinaire énergie révolutionnaire des masses a eu raison de cette coalition, qui rassemble tout ce que la société vénézuélienne compte de corrompu et de réactionnaire.
L’organisation du référendum était elle-même le résultat d’une fraude massive de la part de l’opposition. La possibilité d’organiser un tel référendum supposait que 2,4 millions de signatures soient rassemblées. Or il est de notoriété publique, au Venezuela, qu’au cours de la collecte de ces signatures, l’opposition n’a pas hésité à faire signer plusieurs fois la même personne, ou encore à faire signer les morts ! Même certains membres de l’opposition l’ont reconnu. Cependant, face aux énormes pressions de l’opposition et de Washington, le Conseil National Electoral a décidé d’organiser tout de même le référendum. Et à présent, l’opposition jette le discrédit sur son résultat. Cela montre bien que les soi-disant démocrates de l’opposition – dont un certain nombre ont participé à la tentative de coup d’Etat de 2002 – ne tolèrent la démocratie qu’à condition de gagner les élections !
La contre-révolution espérait s’appuyer sur le référendum pour destituer Chavez, revenir au pouvoir et liquider les acquis de la révolution bolivarienne. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévues. L’opposition misait sur la complicité de deux agences de l’impérialisme américain : l’Organisation des Etats Américains (OEA) et le Centre Carter, ce dernier étant dirigé par l’ex-président des Etats-Unis Jimmy Carter, dont l’hostilité à l’égard du mouvement révolutionnaire vénézuélien ne fait aucun doute. Les « observateurs » de ces deux institutions (financées par le gouvernement américain) étaient officiellement venus pour contrôler et valider le processus électoral – en réalité, pour si possible en contester le résultat au profit de la contre-révolution. Le 15 août, la journaliste du Monde Marie Delcas écrivait : « plus le résultat sera serré, plus le rôle des observateurs électoraux sera crucial : de leur jugement pourrait bien dépendre la suite des évènements. » Ce qu’il fallait lire entre ces lignes hypocrites, c’est qu’en cas de résultat serré, l’AOE et le Centre Carter auraient pu tenter de proclamer leurs propres résultats.
Mais voilà : le résultat a donné une écrasante majorité aux Chavistes. Par ailleurs, ce résultat confirme le fait que le rapport de force entre les travailleurs vénézuéliens et la contre-révolution est pour le moment à l’avantage des premiers. Jimmy Carter, qui n’est pas complètement stupide, a très certainement fait pression sur l’opposition pour qu’elle renonce à tenter un nouveau coup de force. A ce stade, en effet, un tel scénario déboucherait inévitablement sur une guerre civile – que la contre-révolution aurait de bonnes chances de perdre.
La victoire de Chavez ne mettra pas un terme aux sabotages et à la propagande haineuse de la contre-révolution. Elle a essuyé une nouvelle défaite, mais il serait parfaitement naïf de s’imaginer qu’elle va attendre sagement les prochaines élections et laisser le gouvernement Chavez réaliser son programme. La stratégie de la droite repose précisément sur le sabotage permanent et systématique des avancées de la révolution. Leur objectif est de semer le plus de chaos possible, de façon à créer les conditions d’un coup d’Etat victorieux.
Dans ce contexte, la politique de la direction du mouvement bolivarien jouera un rôle clé dans l’issue du conflit de classe qui, comme dans toute révolution, atteint au Venezuela une extrême intensité. Or, Chavez est entouré de nombreux éléments réformistes qui ne cessent de semer l’illusion selon laquelle il serait possible, moyennant quelques compromis, de se concilier l’opposition et l’administration américaine. Ces incurables réformistes ne cessent de répéter qu’il ne faut pas « provoquer » Bush, et s’imaginaient que l’opposition allait baisser les armes après la victoire de Chavez au référendum. Mais l’opposition n’a pas baissé les armes : elle a au contraire immédiatement remis en cause le résultat du référendum. Quant à l’administration Bush, elle n’a pas besoin d’être provoquée : elle l’est déjà. Le processus révolutionnaire vénézuélien heurte de plein fouet ses intérêts, car il inspire les travailleurs de l’ensemble de l’Amérique latine, que les capitalistes américains exploitent abondamment et considèrent comme leur « chasse gardée ».
Encore une fois, la stratégie générale de la contre-révolution consiste à saboter systématiquement le mouvement révolutionnaire, en attendant qu’une occasion se présente de renverser Chavez et d’écraser le mouvement révolutionnaire. C’est ce qui a été largement démontré par l’expérience de ces dernières années, et il est temps d’en tirer les leçons. On ne peut pas faire la moitié d’une révolution. Les réformes engagées au cours de la révolution ne peuvent être consolidées et poursuivies qu’à condition de mettre fin au pouvoir économique de la classe dirigeante vénézuélienne, dont elle se sert pour semer le chaos. Seule l’expropriation des capitalistes et l’instauration d’un régime de démocratie ouvrière permettront de satisfaire les besoins du peuple vénézuélien. Par ailleurs, un tel développement de la révolution déclencherait à travers le monde une vague de sympathie et de solidarité telle que les fondations du capitalisme mondial en seraient profondément affectées. Ce serait une étape majeure dans la lutte pour le socialisme à l’échelle mondiale.
Jérôme Métellus, MJC-Paris