Depuis la partition criminelle de 1947, les classes capitalistes de l’Inde et du Pakistan ont donné la preuve de leur incapacité complète à faire avancer la société. Il fut un temps où la bourgeoisie indienne prétendait être laïque, démocratique et même « socialiste ». A présent, le BJP (le parti arrivé au pouvoir en 1998) montre la face hideuse de la réaction. La croissance relativement forte de l’économie est un phénomène temporaire, en partie dû à une mousson favorable (en 2003). Mais cela ne bénéficie pas à la très grande majorité de la population, qui est condamnée à vivre dans une abjecte pauvreté.
Le taux de croissance relativement élevé suffit tout juste à faire face à la rapide croissance démographique et à la croissance encore plus rapide du nombre de chômeurs. Les coupures de courant, l’état lamentable des routes, la pollution de l’eau, la corruption du gouvernement, l’illettrisme, la faim, les pogroms – ces éléments façonnent les conditions d’existence de millions de travailleurs et paysans indiens. Avec 17% de la population mondiale, l’Inde réalise moins de 2% du PIB mondial et 1% du commerce mondial.
En dépit des discours « modérés » de Vajpayee, le BJP demeure ouvertement réactionnaire. Il est responsable de l’horrible pogrom anti-musulman de Gujarat. Le Rashtriya Swamyamsevak Sangh (RSS), ouvertement communaliste, était impliqué, ainsi que le quasi-fasciste Shiv Sena. En réalité, cependant, le parti du Congrès ne vaut guère mieux. On peut mesurer sa faillite au fait qu’il doive s’en remettre à Sonya Gandhi, qui n’est même pas indienne. Après des décennies de pouvoir, le Congrès est divisé et en crise. Le BJP comme le Congrès sont des partis réactionnaires et anti-ouvriers. Ce qu’il faut, c’est une alternative de classe indépendante.
Le Parti Communiste Indien (PCI) et le PCI(m) ont des bases de masse dans la classe ouvrière et la paysannerie indiennes. Ces partis doivent rompre avec la classe capitaliste et engager une campagne de mobilisation massive pour chasser le BJP du pouvoir et le remplacer par un gouvernement ouvrier et paysan. Une telle campagne susciterait l’enthousiasme de millions de travailleurs, paysans, Dalits (les « intouchables ») et membres des nationalités opprimées. Cela couperait immédiatement l’herbe sous les pieds des communalistes et des réactionnaires. Si les classes laborieuses de l’Inde ont été assez fortes pour battre le Raj britannique, elles sont assez fortes pour battre les propriétaires terriens et capitalistes indiens. Ce qu’il faut, c’est une direction solide et déterminée !
Si la bourgeoisie indienne a échoué à faire avancer l’Inde, la bourgeoisie pakistanaise – encore plus corrompue et réactionnaire – a ruiné le Pakistan et l’a mené aux frontières de la barbarie. Sur des bases capitalistes, il n’y a d’issue ni pour l’Inde, ni pour le Pakistan, ni pour aucune des nations qui constituent le sous-continent. Le Sri Lanka a été décimé par des décennies de guerre civile et de conflits ethniques. Le Népal est également plongé dans une guerre civile fratricide. Le Cachemire languit dans ses chaînes. Partout, les masses sont exploitées, opprimées, humiliées.
La classe ouvrière indienne est la plus puissante de la région. Elle a des traditions très militantes, comme l’a montré la grève générale d’avril 2003 contre les plans de privatisation du gouvernement BJP. De même, le 24 février, une autre magnifique grève générale a eu lieu. Au cours de celle-ci, on estime que 50 millions de travailleurs, y compris des employés de l’Etat, ont suivi le mouvement, qui réclamait la révision du jugement de la Cour Suprême sur le droit de grève, ainsi qu’un virage à 180° de la politique économique du gouvernement.
La grève a été totale dans les Etats dirigés par la gauche, et a eu d’importantes répercussions sur l’ensemble du pays. Organisée par les syndicats centraux et les fédérations industrielles, la grève était complète dans l’Ouest Bengal, dans le Kerala, le Tripura, et donné lieu à une situation semi-insurrectionnelle dans l’Assam, le Haryana, l’Orissa et le Jharkhand. Tous le poids de l’Etat fut mobilisé pour contrer les grévistes. La classe ouvrière a affirmé son droit à faire grève envers et contre l’interdiction de la Cour Suprême. La police a chargé et des arrestations de grande échelle ont eu lieu, notamment dans le Delhi, l’Haryana, l’Orissa et le Pondichéry.
L’ampleur de la grève était impressionnante. Toutes les sections de la classe ouvrière ont été entraînées dans la lutte. Les employés des banques et des compagnies d’assurance se sont joints à la grève. Les installations pétrolières du Tripura, d’Assam, de l’Ouest Bengal et du Bihar ont été affectées. Ont également pris part à la grève un grand nombre de mineurs, d’employés des entreprises publiques à Bangalore, Hyderabad et Visakhapatnam, des travailleurs des plantations, du bâtiment et de la sidérurgie à Salem, Durgapur et Burnpur. La grève a aussi affecté l’activité des ports de Kolkata, Haldia, Cochin, Gujurat, Paradip, Tuticorin et Mumbai. Aucun avion n’a décollé de Kolkata et le trafic ferroviaire était perturbé en de nombreux endroits du pays.
Cette magnifique grève montre l’énorme potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière indienne, dès lors qu’elle se mobilise et lutte. La réponse massive des travailleurs à l’appel à la grève illustre la nullité de l’affirmation du gouvernement, selon laquelle le capitalisme indien a crée de la prospérité pour tous. La politique économique « pro-marché » du gouvernement du BJP n’a bénéficié qu’à une toute petite minorité de riches exploiteurs, aux prix d’une aggravation de la pauvreté, d’une augmentation du nombre de chômeurs, de privatisations, de fermetures d’entreprises et d’attaques à répétition contre la classe ouvrière.
Les classes dirigeantes indiennes et pakistanaises sont toutes deux terrifiées par les masses de leur propre pays. Aujourd’hui, elles ont besoin d’un accord pour les pacifier. Demain, elles tenteront de les distraire en créant une ambiance d’hystérie guerrière. Il y aura toujours assez de prétextes – des actions terroristes, des massacres communalistes, etc. Tout cela découle logiquement de la situation. Sur la base du capitalisme, aucun accord de longue durée ne peut être trouvé. Seule la classe ouvrière, par des moyens révolutionnaires, peut montrer la voie hors de cette terrible impasse. La classe ouvrière ne peut accepter les frontières existantes, qui sont en contradiction avec toutes les frontières naturelles et divisent des peuples qui parlent la même langue et ont en commun des milliers d’années d’histoire.
Après des décennies d’« indépendance » formelle, la balkanisation du sous-continent indien est la principale raison de sa faiblesse et de sa domination par l’impérialisme. La révolution ouvrière doit par conséquent placer en tête de son programme le slogan d’une Fédération socialiste du sous-continent comme seule solution pour les peuples de la région. Seule l’unification de l’énorme potentiel productif de l’ensemble du sous-continent permettra d’élever les peuples de cette vaste et imposante région à leur véritable niveau.