La rivalité entre impérialistes européens et américains s’étend au Moyen-Orient et à l’Afrique. Dans sa volonté d’envahir l’Irak au mépris du Conseil de Sécurité, le calcul de l’administration Bush consistait en partie à exclure les Français, les Allemands et les Russes de la région. Elle pensait pouvoir remporter une victoire facile sans la participation des Européens, pour ensuite mettre la main sur les richesses pétrolières de l’Irak et distribuer les contrats de construction lucratifs aux grosses compagnies qui financent le Parti Républicain – et qui maintenant attendent leur récompense. Même les Britanniques auraient été exclus de la curée – une juste rétribution pour leur « loyauté » servile.
Mais les choses ne se sont pas passées comme Bush et Rumsfeld l’espéraient. La résistance irakienne a ruiné leurs plans. Elle tue un grand nombre de soldats américains, retarde la reconstruction du pays et pèse lourdement sur les finances américaines. Aussi le gouvernement américain fait-il des avances à l’Europe, l’invitant à participer au désordre qu’il a crée en Irak. Mais l’Europe n’est pas pressée de porter ce fardeau. Les Français observent avec une jubilation mal dissimulée la déconfiture de leur rival transatlantique. Les Britanniques se trouvent dans une alliance inconfortable, et les Américains ne leur jettent que quelques os à ronger, sous la forme de contrats de construction, pour prix de leur peine. Mais le fossé entre l’Europe et les Etats-Unis sur la question de l’Irak reste toujours aussi profond.
Ayant été exclus de l’Irak, les Européens considèrent maintenant l’Iran comme une base alternative. Les ouvertures de l’Europe à l’égard de Téhéran ne sont pas une coïncidence. Pendant que Washington souffle le chaud et le froid au sujet de « l’axe de la terreur », Paris et Berlin s’efforcent d’établir de bonnes relations avec les mollahs. Téhéran utilise la question des armes nucléaires comme monnaie d’échange et comme moyen de dissuader les Américains de toute agression. Après l’invasion de l’Irak, nul ne doute que la possession d’armes de destructions massives (réelles) soit un très bon investissement ! C’est bien la conclusion à laquelle sont parvenus aussi l’Iran que la Corée du Nord. Même sous cet angle, la conduite des Etats-Unis a eu le résultat opposé de celui qu’ils attendaient. Mais les capitalistes européens ne font pas grand cas de la question des armes nucléaires. Ce qu’ils veulent, c’est poser un pied en Iran et obtenir un accès privilégié à son pétrole.
Il y a aussi des raisons politiques aux ouvertures amicales de l’UE à l’égard de Téhéran. L’Iran est un pays clé de la région, et il se trouve au bord d’une révolution. Après plus de vingt ans de règne des mollahs, les masses ont accumulé beaucoup de colère et de frustration. Les mouvements de la jeunesse et les divisions ouvertes au sein du régime sont des signes clairs de l’imminence d’une crise révolutionnaire. Une révolution en Iran aurait un puissant effet à travers toute la région, non seulement au Moyen-Orient – à commencer par l’Irak – mais également en Turquie, au Pakistan, en Asie Centrale et en Afghanistan. Les capitalistes européens tentent de protéger le régime contre une révolution. C’est pourquoi ils encouragent les « réformateurs » à faire des concessions qui permettraient d’éviter une explosion.