Le rapport Virville commandé par Fillon et censé permettre l’émergence d’un droit du travail « plus efficace » n’est rien d’autre qu’un retour à l’exploitation capitaliste du XIXe siècle, avant que plus de 100 années de luttes et de conquêtes sociales ne dotent les salariés de certaines protections et garanties.
Pierre angulaire de la future loi dite de « mobilisation pour l’emploi », ce rapport, qui comprend 50 propositions, vise ni plus ni moins que la destruction du Code du Travail. Parmi les propositions, on trouve le dessaisissement du parlement de ses prérogatives législatives en matière de droit du travail, la mise sous tutelle des juridictions du travail, l’immunité patronale en cas de délit ou d’infraction, la subordination de la loi au contrat, la généralisation de la flexibilité et de la précarité des salariés, l’assouplissement des 35 heures et l’aménagement du temps de travail.
Les propositions 14 à 23 du rapport Virville esquissent un bouleversement complet de la relation contractuelle, touchant à la fois la forme et le contenu du contrat, sa durée, les conditions de sa rupture ou de sa modification, et la frontière entre salarié et non-salarié.
Le capitalisme français, à travers son porte-parole et représentant, le MEDEF, trépigne d’impatience. Il veut voir toutes les préconisations du rapport Virville intégrées à la future loi. L’objectif du MEDEF n’est pas de favoriser l’emploi mais de « libérer » les capitalistes de leurs obligations légales à l’égard des salariés. Tout en réaffirmant « adhérer globalement aux propositions du rapport Virville », il formule de son côté 44 propositions sur la « modernisation » du Code du Travail.
Il s’agit de priver de leur statut, et donc des bénéfices du droit du travail, des centaines de milliers de travailleurs désormais considérés comme « indépendants », malgré leurs liens avec l’entreprise, ainsi que d’éliminer toute limitation de l’utilisation des contrats à durée déterminée. Le MEDEF veut la précarité à vie !
La loi supprimera les obligations des employeurs en matière de licenciements individuels et collectifs et annulera les protections légales en cas d’inaptitude physique. Les dispositions du code du travail sur le harcèlement moral seront supprimées. Le Smic sera annualisé pour faire baisser sa valeur. Il ne sera plus indexé sur le pouvoir d’achat mais sur l’évolution de la productivité. La notion de durée légale du travail et de seuil légal d’heures supplémentaires disparaîtra. Le droit des salariés à être représentés par des élus sera restreint. Enfin les comités d’entreprise et les délégués du personnel seront remplacés par des « commissions de dialogue social » dénuées de tout pouvoir vis-à-vis de l’employeur.
Emploi : entre précarisation et délocalisations
Tout est résumé dans l’injonction n°35 : « il est urgent de mettre le droit du travail en conformité avec le droit boursier ». On comprend que les employeurs doivent pouvoir embaucher ou jeter les salariés comme les spéculateurs achètent ou vendent des actions. L’objectif est donc bien de banaliser le licenciement économique et de supprimer les garanties liées au statut de salarié.
Il est grand temps que nos organisations syndicales se préoccupent sérieusement de répondre à cette attaque sans précédent depuis le régime de Vichy. Nos responsabilités, et notamment celle de la CGT, sont à la mesure de l’offensive patronale. Les luttes passées attestent de la capacité de réaction du salariat, dès lors que les organisations syndicales s’investissent sur le sujet.
La précarité s’étend dans le monde du travail au rythme d’une pandémie. Tous les échelons du salariat sont touchés et les entreprises – publiques comme privées – érigent la précarité en véritable mode de gestion. Les contrats de travail limités dans le temps, les horaires élastiques et les bas salaires soumettent les salariés à une peur quotidienne. Cela hypothèque leurs projets d’avenir et complique le travail des syndicats.
A cela s’ajoute le phénomène des délocalisations. Les flux d’investissements sortant de France représentent désormais 10 % du PIB Français. Un niveau record au sein des pays industrialisés.
Un nombre croissant d’entreprises françaises fait fabriquer ses produits dans des pays où la protection sociale et le droit syndical n’existent quasiment pas. Selon certaines estimations, 5 millions d’emplois, en Europe, sont menacés par des délocalisations. Les capitalistes cherchent à réduire leurs coûts de production au moyen de la baisse du coût salarial de chaque travailleur, c’est à dire à travers une régression sociale qui affaiblit la protection sociale des travailleurs.
Quelle riposte ?
Il y a urgence à construire un front syndical unitaire et puissant face au MEDEF et à son gouvernement. Face à leur détermination à imposer la régression sociale, des manifestations, même massives, ne suffiront pas. L’échec du mouvement de mai-juin dernier, contre la « réforme » des retraites, en a fourni la preuve. L’organisation d’un vaste mouvement de grève, comme par exemple d’une grève générale de 24 heures, doit être mise à l’ordre du jour.
Cependant, des grèves, et même des grèves générales, ont leurs limites. Le véritable acquis d’une grève se mesure à ses effets sur la conscience des travailleurs concernant la nécessité de mettre fin au capitalisme. Seule l’organisation de la société sur des bases socialistes peut libérer les travailleurs de l’exploitation, du chômage et de la paupérisation, et sortir la société humaine de la barbarie, de l’asservissement et de la guerre. Mais sans la lutte quotidienne pour se défendre contre le capitalisme, la révolution socialiste serait impensable. C’est dans les grèves et manifestations que les travailleurs s’organisent et commencent à acquérir une conscience de classe. Le mouvement syndical doit être le moteur de ce processus, mais il doit aussi renouer avec la perspective d’une transformation socialiste de la société.
Pierre Pillot, CGT-Chômeurs