“Bienvenue aux passagers, et tout particulièrement à ceux qui reviennent de la manifestation d’hier contre la guerre en Irak !”. Ce sont les mots du conducteur d’un train qui partait de Florence, après le Forum Social Européen (FSE) qui s’y est tenu du 6 au 9 septembre. Cette anecdote symbolise parfaitement l’humeur combative qui se développe dans le salariat et la jeunesse européens.
L’ampleur de la manifestation du 9 novembre a dépassé les prévisions aussi bien de ses organisateurs que du gouvernement italien. Ce dernier avait bien tenté de saboter la tenue du FSE en agitant le souvenir de la répression qui s’était abattue sur la manifestation de Gênes, en juillet 2001. Mais à cette menace à peine voilée, un million de manifestants ont répondu par des banderoles et des slogans d’opposition à la guerre en Irak et au gouvernement de Berlusconi. La foule était par ailleurs traversée d’un sentiment de joie caractéristique des mouvements qui ont confiance en leurs propres forces, qui croient en leur victoire.
La manifestation doit nettement son succès à la participation active de la CGIL, le plus combatif des syndicats italiens. Il avait fait descendre des millions de travailleurs dans la rue, le 23 mars, ce qui avait obligé les autres syndicats à se rallier à l’organisation de la grève générale, massivement suivie, du 16 avril dernier. La montée en puissance de la CGIL et la popularité croissante de Cofférati, son ancien secrétaire général, sont l’expression limpide de la radicalisation de la population italienne. Le FSE a par ailleurs fait à nouveau surgir les divisions internes au DS, les Démocrates de Gauche (l’équivalent du PS français) : alors que ses dirigeants n’ont pas souhaité s’associer au FSE, une bonne partie de sa base s’est mobilisée, et surtout son organisation de jeunesse.
Les dirigeants des associations à l’initiative du FSE, comme Attac, étaient eux aussi en décalage avec l’humeur politique de la majorité des manifestants. Leurs vagues appels à “influencer” les premiers ministres européens pour construire une “autre Europe” ne sont pas à la hauteur des combats que s’apprêtent à mener, contre ces mêmes premiers ministres et leurs collègues, la jeunesse et le salariat européens. La popularité dont jouissent ces “intellectuels” est avant tout la conséquence du discrédit qui pèse sur les bureaucraties des grands partis de gauche, après leur passage au pouvoir. Ces partis demeurent cependant les principaux foyers d’expression politique du salariat, qui, en les investissant et les transformant, rejettera au troisième plan le réformisme alambiqué de l’intelligensia “alter-mondialiste”.
La manifestation du 9 novembre marque un nouveau jalon dans la montée en puissance du mouvement ouvrier européen, avec les grèves générales en Grèce, Espagne, Italie, les grèves des agents municipaux britanniques, et la succession de manifestations massives. La France ne sera certainement pas aux marges de ce processus d’intensification de la lutte des classes. Les attaques menées par le gouvernement Raffarin se heurtent dores et déjà à un mur d’hostilité.