1997-2002 : Le bilan social de la “gauche plurielle”

Le gouvernement, à force de s’aligner sur les intérêts capitalistes, est en train de miner ses propres bases, renforcer la droite et préparer de nouvelles crises à l’avenir. Une fois le gouvernement suffisamment affaibli électoralement et trop discrédité pour bien servir les intérêts des capitalistes, il sera balayé à la première occasion.

Danger ! La droite peut revenir !

La Riposte, avril 2000.

Malgré les victoires à Paris et à Lyon, les municipales indiquent clairement que la gauche est en recul sur le plan électoral. Aux élections de l’année prochaine, la droite pourrait bien augmenter le nombre de ses députés au détriment de la gauche, et l’on ne saurait exclure qu’elle obtienne une majorité.

Jospin exaspère les salariés et favorise la droite

La Riposte, mai 2001.

La Riposte a constamment mis en garde les dirigeants de la gauche contre les conséquences sociales, et donc électorales, de la politique du gouvernement Jospin. Certes, dans la politique appliquée par la “gauche plurielle” depuis 1997, tout n’a pas été négatif. En dépit de leurs limites, les emploi-jeunes sont un pas en avant. La CMU aussi. Cependant, dans l’ensemble, les réalisations du gouvernement ont été un mélange de réformes sociales bâclées et insuffisantes, d’une part, et, d’autre part, de contre-réformes réactionnaires empruntées directement au “plan” d’Alain Juppé.

Le taux de chômage a baissé – une baisse amplifiée par le trucage des statistiques – avant de remonter de nouveau à partir du printemps 2001. Mais ce qu’il faut surtout souligner, c’est que le nombre d’emplois stables et qualifiés a reculé cependant que celui des emplois précaires explosait. Le nombre de salariés par intérim a pratiquement doublé sous le gouvernement de gauche, pour atteindre plus de 700 000 à la fin de 2001. Le nombre de CDD a également très fortement progressé – au mépris des critères établis par le Code du Travail – et ce tout particulièrement dans la Fonction Publique.

Actuellement, 18% de la population active âgée de moins de 30 ans est au chômage, et 30% de cette même population occupe un emploi précaire. Les postes à temps partiel, que des centaines de milliers de personnes ont dû accepter faute de mieux, ont contribué, avec toutes les autres formes d’emplois précaires, à grossir le rang de ceux que les Américains appellent les working poor, c’est-à-dire les “pauvres en activité”. Les foyers réduits à la misère officielle – en dessous du “seuil de pauvreté” – représentent plus de 5 millions de personnes. Dans cette population durement exploitée et désespérée, le Front National a trouvé de nombreux électeurs : 38% des chômeurs et 30% des ouvriers non qualifiés. Dans les cités de la banlieue calaisienne, où Le Pen a réalisé des scores très élevés, le taux de chômage dépasse souvent les 40%. A présent que la France est entrée dans une nouvelle récession économique, cette large masse de gens écrasés continuera de grandir. Au sommet de la pyramide sociale, par contre, les 10% les plus riches de la population n’ont cessé de s’accaparer une part toujours plus importante de la richesse nationale, sous la droite comme sous la gauche.

Parmi les engagements figurant dans le programme que le PS et le PCF ont présenté en 1997, l’introduction de la semaine de travail de 35 heures occupait une place centrale. Ce projet a été décisif dans le ralliement électoral qui a porté la gauche au pouvoir. Cependant, aujourd’hui, cinq ans plus tard, le bilan de la loi sur les 35 heures est plus que mitigé. A ce jour, seulement un tiers des salariés est concerné par les dispositions de cette loi, et, sur ce tiers, au moins un tiers encore estime que les 35 heures ont été appliquées à son détriment. En effet, la loi comportait de nombreuses concessions et omissions favorables au patronat, de sorte que, très souvent, des mesures de flexibilité et d’annualisation, ainsi que des clauses liées à la productivité, ont permis aux patrons de reprendre bien plus qu’ils ne cédaient.

Les emplois créés par la loi sur les 35 heures auraient été bien plus nombreux si, dans le secteur public, le gouvernement n’avait pas, d’une part, refusé d’embaucher et, d’autre part, favorisé la précarité. Par ailleurs, le financement des 35 heures s’apparente à une immense escroquerie grâce à laquelle les capitalistes ont encaissé des subventions n’ayant aucun rapport avec le coût réel des emplois créés. Le Ministère de l’emploi est devenu une véritable officine de ristournes au profit des capitalistes. En 1999, 104 milliards de francs ont été versés dans leurs coffres, au seul titre des 35 heures. Finalement, ces transferts de fonds n’ont été qu’une façon détournée d’effectuer une baisse très importante des charges patronales, au mépris de l’engagement formel qu’avait pris Jospin, en 1997, de ne pas le faire.

Jospin a mis en œuvre un programme de privatisation – ou d’ “ouverture du capital”, pour utiliser le vocabulaire voilé des ministres – nettement plus important en valeur que celui des gouvernements de Balladur et de Juppé réunis. Il a ainsi achevé de démanteler ce qui restait du secteur public élargi sous Mitterrand et Mauroy en 1982.

Cette politique scandaleuse, diamétralement opposée aux engagements de Jospin, aux textes votés lors des différents congrès du PS, ainsi qu’aux principes élémentaires du socialisme, a été vivement applaudie par les places financières du monde entier. Cependant, pour les salariés victimes des privatisations, elle s’est partout traduite par une nette dégradation de leurs conditions de travail et de la sécurité de l’emploi, mais aussi par des attaques directes contre les salaires. Au moyen des privatisations, Jospin, avec le concours actif du ministre PCF Jean Claude Gayssot, a jeté de nouveaux marchés, c’est-à-dire de nouvelles sources de profit, dans la gueule toujours grande ouverte des spéculateurs. Globalement, la reprise économique de 1997-2001 n’a guère profité qu’aux capitalistes.

Jérôme Métellus

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