Le capitalisme a ruiné l’Argentine. Le démantèlement des services publics et la politique de régression sociale dictés par le FMI, loin d’améliorer la situation, ont plongé le pays dans une profonde crise économique, sociale et politique.
En décembre, dans sa vaine tentative de stabiliser le peso, le gouvernement a pris des mesures pour limiter les retraits bancaires. Ceci a d’une part gravement affecté les classes moyennes, dont le niveau de vie s’est nettement dégradé ces dernières années, et d’autre part gêné l’économie “informelle”, dont les transactions se font essentiellement en argent liquide, et qui constitue près de 40% de l’activité économique du pays.
Les salariés ont déjà été durement touchés par la récession qui dure depuis 4 ans, avec un taux de chômage officiel de près de 20%. Nombre d’entre eux n’ont pas été payés depuis des mois. Les retraités et de nombreux fonctionnaires ne sont plus payés en monnaie, mais en “bons” émis par l’État. Enfin, officiellement, il y a 15 millions de pauvres sur 36 millions d’habitants.
L’Argentine n’est pas un cas isolé. Tous les pays de l’Amérique latine sont en crise. Ces deux dernières années, plusieurs gouvernements ont déjà été chassés par des mobilisations populaires (en Équateur, au Pérou et en Bolivie), et les guérilleros, en Colombie, dominent plus de la moitié du territoire, contraignant les États-Unis à intervenir toujours plus directement sur le plan militaire.
Depuis 1999, l’Argentine a connu huit grèves générales. Le mouvement des chômeurs piqueteros bloque régulièrement les routes depuis 1997. Les 19 et 20 décembre 2001, la révolte a impliqué l’ensemble des couches populaires. Tandis que les pauvres pillaient les magasins, les classes moyennes manifestaient en masse devant les parlements, à Buenos Aires, et dans les provinces. Les affrontements avec la police, qui ont fait plus de 30 morts, ont été suivis en direct à la télévision dans tout le pays. Le président De la Rua s’est enfui en hélicoptère après avoir démissionné. L’état de siège décrété par le gouvernement a dû être levé à la suite d’une grève générale.
Actuellement, les deux chambres du Congrès argentin sont dominées par le Parti Péroniste. C’est un parti pro-capitaliste qui, en raison de l’histoire particulière de l’Argentine, dispose de relais et de soutiens importants dans les milieux populaires. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le régime du général Péron a dû s’accommoder d’une forte mobilisation de la classe ouvrière argentine, et les acquis sociaux conquis à cette époque expliquent la base sociale relativement importante du “péronisme”. Cependant, aujourd’hui, le Parti Péroniste a perdu une grande partie de son prestige. Au pouvoir entre 1989 et 1999, il a appliqué une politique anti-sociale, parfois accompagnée de répressions sanglantes. Les capitalistes espèrent bien s’appuyer sur lui pour contenir le mouvement social.
Dans le passé, les capitalistes ont tenté de perpétuer leur domination au moyen de dictatures militaires. La dernière dictature (1976-1983) a commandité les assassinats plus de 30 000 militants oppositionnels, avant d’être renversée par un soulèvement populaire. L’invasion des Malouines était la dernière tentative désespérée des généraux de contrecarrer le mouvement social qui était sur le point de les chasser. Actuellement, toute tentative, de la part des capitalistes, de recourir à une nouvelle dictature militaire mènerait à une situation encore plus explosive et dangereuse pour eux.
Le péronisme n’a plus l’influence qu’il avait autrefois. Vainqueur aux dernières élections législatives, en octobre, il a néanmoins perdu 1 million de voix. Le taux d’abstention massif (40%), et ce bien que le vote soit obligatoire, a révélé le fossé qui sépare la population des partis politiques.
L’ampleur des mouvements sociaux, en décembre et en janvier dernier, indique le début d’un processus révolutionnaire. Le mot d’ordre le plus répandu est celui de la grève générale illimitée. Mais une telle grève nécessite une préparation sérieuse et un programme cohérent qui réponde concrètement aux besoins de la population. L’histoire de l’Argentine a clairement démontré la faillite aussi bien du “keynésianisme” que du “libéralisme” économique. Le fond du problème, c’est que les banques, les industries, les terres et les ressources naturelles du pays sont entre les mains d’une clique de capitalistes réactionnaires. Elles devraient au contraire être la propriété collective du peuple, autrement dit être nationalisées et soumises au contrôle démocratique de la population.
Le marasme économique dans lequel l’Argentine a sombré est sans solution sur la base du capitalisme. La dévaluation du peso appauvrira davantage la population et fera basculer d’innombrables foyers et petites entreprises dans le surendettement. Les capitalistes argentins, les investisseurs étrangers et le FMI exigent des mesures encore plus draconiennes pour sauvegarder leurs intérêts. Mais celles-ci se heurteront inévitablement à la résistance du mouvement ouvrier argentin qui a fait preuve à maintes reprises, au cours de son histoire, d’une très grande combativité.
La Rédaction