Une étude réalisée en 2000 auprès des 17-19 ans à l’occasion
du “rendez-vous citoyen” (la “journée d’appel de préparation
à la défense”), montre qu’un adolescent sur deux a essayé le haschisch.
En 1999, près de 15% des jeunes 15 à 25 ans ont consommé régulièrement
du cannabis. Ces chiffres sont en constante augmentation. Depuis le
début des années 90, la consommation de ce produit a augmenté bien plus
vite que par le passé. De 1992 à 1997, le nombre d’usagers a même doublé
et l’âge des fumeurs a, lui, considérablement diminué.
Il est nécessaire de comprendre, par-delà le phénomène
de mode, pourquoi cette évolution du comportement de la population est
aussi rapide. On répondra qu’en période de régression sociale, avec
son lot de précarité galopante, la population adopte des comportements
à risque (forte progression de la consommation de tabac, d’alcool et
de drogues). Mais il faut ajouter que pour que l’augmentation de la
consommation soit aussi importante, il faut une augmentation très importante
de l’approvisionnement en cannabis et de sa production.
Bien évidemment les petites mafias locales des quartiers
pauvres de nos villes jouent un rôle dans la distribution des drogues.
L’argent de ce trafic est un moyen de survie pour quelques jeunes. Ces
mafias sont craintes et respectées, car ce sont elles qui génèrent l’activité
économique, en même temps qu’elles répriment presque tout ce qui pourrait
gêner leur commerce. Elles constituent d’ailleurs un puissant moteur
du “malaise des banlieues”, puisqu’elles sont un sérieux obstacle
à la mobilisation de la population pour trouver une issue à ce malaise.
Cependant, le rôle des mafias des cités s’arrête à
la distribution et, dans une certaine mesure, à l’approvisionnement.
La source première de ce trafic fait intervenir de plus éminentes responsabilités.
L’Observatoire Géopolitique des Drogues (OGD) a détaillé dans de minutieuses
enquêtes l’implication majeure du régime marocain dans la production
et le commerce de drogues : le Maroc est le premier exportateur de haschisch
vers le marché européen. “Les revenus des dérivés de cannabis
représentent la première source de devise du pays : ils sont estimés
à 1,5 milliards de dollars”. L’OGD révélait en 1995 que le
Maroc avait multiplié les surfaces de culture de cannabis par dix en
dix ans. Et tout ceci s’est passé dans la discrétion et une apparente
indifférence des pays amis, et notamment de la France, qui est le plus
gros importateur.
Il s’agit d’un commerce très hiérarchisé, qui, selon
l’OGD, aurait à son sommet des membres de la famille royale et des ministres.
Dans le Rif où est cultivé le cannabis, cette activité ferait travailler,
directement ou indirectement, quelque 200000 personnes.
Selon le journal Maintenant du 20 décembre 1995,
citant un ouvrage intitulé A qui appartient le Maroc ?, des sites
de production de cannabis appartiendrait directement au roi. Contrôlés
par l’administration royale, rien n’y est planté sans l’autorisation
de ses représentants. Le régime marocain est donc forcément impliqué
dans le commerce de stupéfiants. C’est un fait. Mais est-ce bien suffisant
pour alimenter copieusement le marché français de la drogue ? Comment
la France, qui, on le sait, est une grande amie du régime, peut-elle
ignorer ce qui se passe ?
Dans un ouvrage d’Alain Jaubert paru en 1976, Dossier
D… comme Drogue, dont des extraits sont publié sur le site
internet presselibre.org,
on apprend qu’existent “d’étranges collusions entre ” le
milieu”, les services secrets, le SAC” et des hommes politiques
qui sont toujours en place aujourd’hui quoique cernés par les affaires.
Le SAC, ou Service d’Action Civique, était une organisation paramilitaire
gaulliste, responsable de nombreux enlèvements, assassinats et trafics
en tous genres. Il a été dissout suite à la “tuerie d’Auriol”
au début des années 80. Le SAC était dirigé par Jacques Foccart. Charles
Pasqua a été le vice-président de l’organisation.
Selon Ali Bourequat, réfugié politique français aux
USA interviewé par le journal Maintenant : “Dans les années
soixante, des voyous qui travaillaient pour les services parallèles
gaullistes et pour Hassan II ont installé au Maroc un trafic international
de stupéfiants. Pernod & Ricard servait de couverture aux services
spéciaux français pour le trafic de drogues, comme pour le reste”.
Lors du démantèlement de la “French Connection”
(1971), qui faisait parvenir de l’héroïne aux États-Unis via le Canada,
les noms de Jean-Charles Marchiani et de Charles Pasqua sont cités par
la presse anglo-saxonne. Pendant près de neuf ans, Jean Venturi était
l’importateur et le distributeur en Amérique du Nord du pastis Ricard,
statut qui lui servait de couverture pour assurer plus facilement l’importation
d’héroïne provenant de Marseille. Son supérieur hiérarchique était alors
Charles Pasqua.
Un témoignage de Mme Jacqueline Pilé-Hémard, elle aussi
réfugiée politique aux USA, raconte que la famille Hémard, propriétaire
de Pernod & Ricard, a contribué à mettre en place au Maroc des installations
de transformation de la cocaïne. Cela commençait en 1962 jusque dans
les années 80. Charles Pasqua a travaillé durant dix ans pour la famille
Hémard à la branche export avec le Maroc.
Ali Bourequat prétend même que Giscard d’Estaing aurait
des intérêts directs énormes dans deux sociétés de transformation de
phosphate au Maroc, notamment Maroc Chimie et Maroc Phosphore. En plus
de cela, Giscard était propriétaire d’un grand domaine mitoyen de celui
du roi dans le Ouled Dzaim, la région même où Chirac est propriétaire
d’une ferme offerte par le roi après son élection de 1995.
Le journal Maintenant déclare aussi que Hassan
II aurait aidé à financer la campagne présidentielle de Chirac, en 1995.
Aussitôt élu, le nouveau président s’est empressé de faire une tournée
en Afrique, avec une première étape au Maroc. Un accord éclair a été
conclu pour doubler l’aide française au Maroc. Ils ont eu l’occasion
de parler du Rif et de ses problèmes de développement économique et
social, Chirac s’engageant à ce que la France soutienne l’action du
roi dans cette région. Tous ces éléments donnent un aperçu des collusions
politico-mafieuses entre le Maroc et la France. Vous trouverez beaucoup
plus de détails sur le site Internet presselibre.org,
dont aucune des sources d’informations citées n’a jamais été attaquée
en justice par les personnalités mises en causes.
Il est évident que l’État français et bon nombre des
politiciens en France ferment les yeux pour sauvegarder leurs propres
intérêts et ceux de leurs amis, et se rendent complices du pillage des
ressources, de la pauvreté et de la répression au Maroc.
Hubert Prévaud (CGT Toulouse)