Le Parti Travailliste a remporté en juin 2001 les élections législatives pour la deuxième fois en quatre ans, avec une majorité de “seulement” 167 sièges, contre 179 la dernière fois. La défaite infligée aux héritiers de la non-regrettée Mme Thatcher a été particulièrement cinglante en Écosse, où ils n’ont obtenu qu’un député, et au Pays de Galles, où ils n’en ont aucun. A priori, donc, la victoire de M. Blair et compagnie semble écrasante.
Cependant, seulement 58% des inscrits ont voté en juin. Les taux d’abstention les plus importants ont eu lieu dans les régions qui votent traditionnellement “Labour”, c’est-à-dire le Nord et les grandes villes, ce qui démontre que les dirigeants actuels du parti ne suscitent aucun enthousiasme dans la classe ouvrière. En 1997, Blair avait eu carte blanche pour défaire la véritable offensive capitaliste menée par les conservateurs durant les années 80 et 90 : privatisation des chemins de fer, fermetures d’hôpitaux et d’écoles, lois anti-syndicales etc. En fait, une fois installés au pouvoir, les dirigeants travaillistes ont continué le travail de leurs prédécesseurs en axant fermement leur politique dans le camp du monde des affaires. En 1998 et 1999, une politique d’austérité a été lancée dans le but déclaré d’équilibrer les finances de la nation. En 2000, le gouvernement a voté une augmentation des dépenses pour la santé et l’éducation, sans doute en vue des élections de cette année. En fin de compte, les conditions de vie de la majorité des Britanniques ne s’est pas amélioré depuis 1997, et les choses auraient pu être bien pires si l’on n’avait pas assisté à un mini-boom économique depuis quelques années. Un boom qui fait place, à présent, à une phase de récession.
Dans ce contexte, il n’était pas surprenant de voir les images des émeutes raciales qui ont éclaté d’abord en mai dans la ville d’Oldham, près de Manchester, puis à Burnley, Accrington, Leeds et Bradford. Les conditions sociales sont sans doute à l’origine de cette flambée de violence. L’état du logement, dans cette région du Nord-ouest, est parmi les plus mauvais d’Angleterre. Les immigrés originaires du sous-continent indien, qui ne constituent que 11% de la population locale, représentent 16% du taux de chômage local. Pour les immigrés d’origine bangladaise, ce chiffre est même de 25%. Dans une atmosphère tendue, l’intervention des voyous racistes du parti d’extrême-droite britannique (BNP – British National Party), qui a présenté deux candidats à Oldham, a fait déborder le vase.
Pour répondre aux nombreuses attaques racistes que la communauté issue de l’immigration a subies, ces dernières années, sans que la police n’intervienne, des syndicalistes locaux ont créé une organisation du nom de “Oldham United Against Racism”, composée de représentants de la communauté bangladaise, pakistanaise et antillaise. Le 31 mars, soit deux mois avant les émeutes, ils ont pu mobiliser plus de 1 000 personnes contre le BNP et le NF (National Front – autre parti d’extrême-droite). Ils ont dû en outre batailler contre les élus municipaux travaillistes de la ville (aujourd’hui aux mains de la droite), qui avaient une attitude plutôt attentiste vis-à-vis du racisme et des racistes : “si on les ignore, ils disparaîtront”, disaient-ils en substance.
Malheureusement, l’explosion des émeutes, fin mai, a partiellement démoli le travail effectué par cette organisation antiraciste. Les troubles ont éclaté pendant que des militants du BNP et du NF faisaient campagne dans les quartiers immigrés. Selon de nombreux témoignages, les militants d’extrême-droite ont attaqué verbalement et physiquement les résidents. Les jeunes, moins dociles que leurs aînés, ont voulu riposter à cette provocation. Quand la police est arrivée, au lieu d’arrêter ceux qui avaient provoqué les violences, elle s’en est prise aux jeunes immigrés. Suite à ces événements, qui ont duré plusieurs nuits, les différentes communautés se sont divisées, et une petite couche de la communauté “blanche” s’est laissée séduire par les discours haineux du BNP. Les candidats du BNP, dans les deux circonscriptions de la ville, ont obtenu 11,644 voix aux élections législatives du 7 juin. Le fait que ce genre de parti, qui reste toujours très minoritaire au niveau national, ait pu établir une “tête de pont” dans cette ville, est très inquiétant. Et c’est en tout cas une preuve supplémentaire de l’échec de la politique de Tony Blair et de la droite du Parti Travailliste, qui n’a rien fait pour résoudre les problèmes qui minent la vie locale.
Partout, en Grande-Bretagne, le mouvement travailliste et syndical doit reprendre l’initiative dans la lutte contre le racisme. Ce n’est qu’en menant une campagne véritablement socialiste pour de meilleures conditions de logement et du travail pour tous, et quelque soient la couleur ou les origines de chacun, qu’il sera possible de tuer dans l’œuf la recrudescence de l’extrême droite.
M. Caprioli (PCF, Paris)